Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Qu'un époux, Jean, qui larmoie, qu'une famille de petites soeurs en émoi ?
Rien que vous ne sachiez déjà,
chère Charlotte, pauvre Émilie
Les dons de vue exceptionnels de la jeune Anne ne lui révèle rien du mystère qui fît partir leur cercle familiale subitement à la dérive, comme un bateau ivre sous la tempête.
Mère, chère Mère, où es-tu ?
Après quel souvenir cours-tu ?
Marie s'est enfui un beau jour, ne laissant ni mot, ni explication, que
l'ombre d'un chagrin sur les siens.
Pour sa sécurité, Marie a toujours interdit à la petite Anne d'exploiter ses visions. Peut-être lui auraient elles permis de la retrouver, de comprendre son départ.
Secouées, ballottées, les trois soeurs qui ont héritée des patronymes des soeurs écrivains Brönte, Charlotte, quinze ans, Anne, treize ans, Émilie, onze ans, tiennent bon la barre et accepte bon gré malgré d'être confiées à un grand-père et une grand-mère qu'ils ne connaissent ni d'Eve ni d'Adam, le temps que leur père retrouve la trace de Marie.
Les trois filles font alors connaissance avec le passé de leur mère dans cette maison de Bretagne des Hauts-Vents, logeant dans sa chambre, se faisant aimer des gens qui l'ont vu naître et grandir comme la brave cuisinière « Betsy », sa meilleure d'
enfance Élise, dissipant ainsi peu à peu le voile qui couvre un passé familial un peu particulier, rempli de secrets.
Gladys, la grand-mère, est froide, directive, glaciale.
Bertrand, le grand-père, préfère la compagnie des autres et du jardin à celle de son épouse. le silence meuble leurs conversations invisibles pleines de rancoeurs
Émilie va faire la connaissance de Bastien, le petit-fils de Betsy et trouver une nouvelle cabane de jeu.
Anne va se lier à Gaëlle, la soeur de Bastien, et continuer à s'adonner à ses passions, le dessin et la photo.
Charlotte continue de se remplir des lettres, journaux intimes et photos souvenirs de sa mère. Incroyable ! Jadis, Marie a abandonné son promis de Bretagne, Hughes, a tourné le dos à ses parents et s'est enfuit de la maison pour rejoindre son véritable amour, leur père.
Les trois soeurs vont être un véritable rayon de soleil retrouvé dans cette grande maison du silence où les fantômes vont s'exprimer, peu à peu.
Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?
: Quel plaisir non contenu de retrouver l'auteure
Yaël Hassan pour qui ce blog porte une affection littéraire toute particulière. Tout en revenant sur des thèmes qui lui sont chers, les relations générationnels et le poids du secret, forte est cette constatation pour avoir emprunté de multiples chemins tracés par son écriture, l'auteure arrive toujours à se renouveler et à créer ici une émotion toute nouvelle dans son univers.
L'illustration de couverture de
Pierre Mornet colle parfaitement à ce sentiment d'amertume, de triste nostalgie, de joie douce amère autour du passé et des liens filiaux, déjà exploités par l'illustrateur et qui nous enveloppe tout du long.
Pierre Mornet marque également la couverture d'un esprit romantique, un ton passionné, propice à la rêverie, volontairement choisis par
Yaël Hassan, citant d'ailleurs les soeurs Brönte et leur célèbre drame amoureux des « Hauts de Hurlevent » à différents endroits.
«
Les demoiselles des Hauts-Vents » est un véritable drame familial et le départ de Marie va, un terrible mal pour un bien, permettre de renouer avec le passé, le déterrer pour l'enterrer dignement, raccommoder la déchirure et faire face aux élans de son coeur qui ne lâchent jamais.
Un jour, Marie a laissé à la maison des Hauts-Vents un bout de son coeur et les révélations sont multiples, les ados lecteurs le constateront. Cependant, la grande humanité qui émane de l'univers de l'auteur, chaude et vivace comme une flamme, planté au centre des histoires comme un phare, va encore percer les brumes du silence, guider ses héros vers la réunion par le passage de la parole- nous pensons particulièrement à « Il faut sauver Rahia », «
Quand Anna riait » ou «
Un grand-père tombé du ciel »-.
Les trois jeunes filles se complètent, Charlotte la bienveillante, Anne la rêveuse, Émilie la frondeuse et se montrent extrêmement attachante, solidaire de la détresse du père abandonnée.
Yaël Hassan ajoute un autre élément de filiation, le fameux don de Anne, transmis de mère en fille et qui n'est pas étranger à l'atmosphère chaotique de l'intrigue.
L'intrigue de la fiction est bien menée, sans lourdeurs, avec délicatesse, tact dans l'expression des sentiments et celle-ci doucement nous accroche vers la résolution du roman dont on espère évidement qu'il se termine bien. (Moi je sais, moi je sais!)
Entre joies et pleurs, un pur bonheur de tendresse romanesque à partager.