AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,44

sur 187 notes
5
13 avis
4
5 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Si tu lis pas, t'y crois pas", alors il faut lire ce livre de Jean Hatzfeld juste pour se rappeler de quoi l'homme est capable car malgré les témoignages des rescapés et les tentatives d'explication de ce génocide quelque chose échappe à la compréhension humaine pourtant cela a bien existé, c'est un fait, l'homme l'a fait. Des hommes, un voisin, un ami, quelqu'un...comme moi ?
Alors je m'interroge. La seule lecture rationnelle de ces évènements effroyables ne suffit pas, les causes multiples de ce génocide peuvent paraître parfois si dérisoires qu'on est totalement déboussolé par la barbarie qui en a découlé, au risque d'y perdre ses propres repères, ses valeurs, sa foi en l'humanité.
Une autre lecture, métaphysique celle ci, c'est de considérer l'existence du mal, le mal absolu, celui qui s'oppose au bien, celui qui s'empare de l'âme et du coeur des hommes, dans le sens religieux ou surnaturel du terme.
A chacun de faire son opinion mais une chose est sûre, rien n'est acquis, l'abîme n'est jamais très loin et l'humanité est notre bien le plus précieux.
Ceci dit, ce livre est aussi et surtout un livre sur la résilience, on est bouleversé par ces témoignages de rescapés tous remarquables par l'absence de haine ou de désir de vengeance, par les tentatives de réconciliation ou par la possibilité du pardon, le meilleur de l'humanité.
Rendre justice et surtout ne pas oublier, "Dans le nu de la vie" est un livre témoignage en hommage à toutes les victimes du génocide rwandais et de tous les autres génocides. Un livre salutaire, un très grand livre.
Commenter  J’apprécie          337
'En 1994, entre le lundi 11 avril à 11 heures et le samedi 14 mai à 14 heures, environ 50 000 Tutsis, sur une po pulation d'environ 59 000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 9h30 à 16 heures, par des miliciens et voisins hutus, sur les collines de la commune de Nyamata, au Rwanda. Voilà le point de départ de ce livre."
Ils s'appellent Jeannette, Francine, Janvier, Claudine, Innocent, Marie-Louise, Sylvie... Ils sont enseignant, agriculteur, berger, assistante-sociale, et leur vie a basculé, comme des milliers d'autres, en ces quelques semaines du printemps 1994 parce-qu'ils étaient Tutsis. Ils ont survécu en fuyant devant les Interahamwe, les tueurs hutus, dans les bois de la colline de Kayumba ; en restant allongés des journées entières dans la vase des marais au milieu des moustiques et des serpents ou en marchandant leur fuite auprès de Hutus modérés.

"Dans le nu de la vie" est le premier ouvrage consacré au génocide rwandais de Jean Hatzfeld. le journaliste a passé plusieurs mois à Nyamata et à N'tarama à écouter les victimes et à recueillir leur témoignage. Loin des discours officiels d'hommes politiques ou influents, cette parole qui se dévoile est faite d'hésitations et d'erreurs parfois car les mots sont difficiles à trouver pour décrire l'innomable. Patiemment, en les cotoyant dans leur quotidien, il a su gagner leur confiance et, enfin, leur donner la possibilité de raconter leur tragédie environ cinq ans après l'horreur du génocide. Ce qui frappe au premier abord, c'est lorsque le journaliste rappelle qu'en 1994, sur les lieux mêmes du massacre, toutes les caméras du monde étaient braquées sur les cohortes de Hutus qui fuyaient vers le Congo devant l'avancée des troupes du FPR, les forces rebelles tutsies. Les journalistes eux-mêmes, découvrant des événements que l'on qualifiait de "conflits ethniques typiquement africains" à l'époque, n'ont pas réalisé qu'à quelques mètres d'eux, dans la vase des marais, dans les bois d'eucalyptus, dans les rivières boueuses, se trouvaient les vraies victimes, des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants, découpés à coups de machettes ou percés de lances...et qu'il s'agissait purement et simplement d'un génocide.

'Dans le nu de la vie" réhabilite la vérité et révèle ce massacre hallucinant où le voisin d'hier qui partageait une assiette de sorgho avec vous n'hésitait pas à vous tuer le lendemain le plus férocement possible. Ce qui revient le plus souvent dans les entretiens avec ces rescapés est tout d'abord l'incompréhension d'une telle tuerie, de cet acharnement de violence qui dépasse l'imagination. Idéologie coloniale, jalousie et envie des uns, sentiment latent de revanche des autres... les causes restent finalement mystérieuses sur le fait de transformer d'un coup une populace en bêtes sanguinaires.
La deuxième chose qui ressort est, au lendemain du génocide, un traumatisme immense qui laisse une population, tutsie et hutue, totalement anéantie et désemparée, peuplée de multiples fantômes. Il faudra énormément de temps pour que ces femmes et ces hommes retrouvent espoir en l'être humain et se refassent à nouveau confiance. S'ils sont solidaires entre eux, il demeure pourtant une plaie béante pour chacun, que nul ne peut comprendre si ce n'est un rescapé lui-même. Les femmes sont sûrement celles qui forcent le plus l'admiration. A vingt ans à peine, certaines n'hésitent pas à recueillir les orphelins qu'elles croisent sur leur chemin alors qu'elles ont à peine de quoi vivre.
Enfin, ce qui me frappe personnellement - tout comme les rescapés - est ce total abandon des forces internationales qui ont laissé des milliers de personnes se faire tuer dans une totale indifférence. Car l'on sait bien aujourd'hui que ce génocide avait été planifié de longue date par les partis extrémistes hutus...et soutenu par le gouvernement français de l'époque. Une tâche indélébile pour le pays des droits de l'homme.

Un livre absolument essentiel pour comprendre que ce qui a eu lieu au Rwanda en 1994 était bel et bien un génocide.
Commenter  J’apprécie          197
C'est une lecture indispensable pour qui veut commencer à chercher à comprendre ce qu'il s'est passé au Rwanda en 1994. Je dis bien "commencer à chercher" car ce génocide semble échapper à tout raisonnement logique. du jour au lendemain, les voisins avec qui vous buvez l'apéro ou discutez quotidiennement attrapent une machette et cherchent à vous "découper". J'ai été marquée par la beauté de la langue, la poésie et la grande sagesse qui émane de tous ces récits. Aucune colère ou rancune ne transparaît. Juste de la résignation. Par contre, même si c'est très intéressant, émouvant et beau, j'ai été obligée de faire des pauses et j'ai dû arrêter de le lire avant de m'endormir. Je suis vraiment très admirative de la démarche de Jean Hatzfeld et je suis pleine d'appréhension à l'idée de poursuivre avec "une saison de machettes" qui m'attend dans ma PAL.
Commenter  J’apprécie          153
Dès l'introduction, vous comprenez que vous ne sortirez pas indemne de cette lecture.

Les Hutus n'avaient qu'un seul but : exterminer l'ensemble des Tutsis.
Ils y sont presque parvenus puisque plus de 5 Tutsis sur 6 ont été tués.
Jean Hatzfeld donne la parole à 14 Tutsis qui ont survécus au génocide rwandais.

Dans chaque témoignage, c'est la même incompréhension : pourquoi les Hutus ont-ils commis de telles atrocités ? Ils étaient voisins, ils travaillaient ensemble, n'étaient pas plus riches ou plus heureux mais pourtant le massacre s'est produit.

Les Hutus ont voulu décimer une population entière, ils ont voulu humilier les Tutsis, leur retirer tout ce qui comptait pour eux et surtout les faire souffrir. Ils ont tué toutes leurs vaches, animaux sacrés et représentant une grande fierté pour eux, ils ont pillé leurs maisons, ils ont violé les femmes et ont préféré les découper à la machette bout après bout pour les voir agoniser.

Tout cela dans l'indifférence la plus totale, personne n'est venu en aide à ce peuple, tout le monde a fermé les yeux sur ce massacre prémédité.

Mais comment se reconstruire avec toutes ces images inhumaines ancrées à jamais ?
Comment continuer à vivre après avoir perdu toute sa famille et en cohabitant avec les Hutus ?

Certains se sont réfugiés dans la religion pour affronter la vie, d'autres ne préfèrent pas en parler et recommencer tout à zéro. D'autres encore ressassent constamment leurs souvenirs, n'arrivent pas à avancer et n'ont plus aucun espoir.

Ces témoignages m'ont bouleversée, tant de vies brisées, d'avenirs volés, d'orphelins laissés et pourquoi ?
Commenter  J’apprécie          153
Lors du génocide des Tutsis au Rwanda, le journaliste Jean Hatzfeld est à Sarajevo, alors assiégée. Il part ensuite aux Etats-Unis couvrir la Coupe du monde de football. C'est là qu'il découvre, à la télévision américaine, l'ampleur du génocide. Il est envoyé au Rwanda par sa rédaction début juillet, suit le mouvement de l'actualité qui se focalise sur les colonnes de réfugiés hutus qui tentent de joindre le Congo, puis repart à Sarajevo. de retour en France, il ressent un malaise, et réalise avoir commis une erreur en ne prêtant pas assez d'attention aux rescapés tutsis, en ne les intégrant pas dans les récits. En 1998, il suspend son activité au sein de sa rédaction et part séjourner près des marais de Nyamata, pour recueillir les témoignages de survivants du génocide. Il y retournera par la suite régulièrement, posant inlassablement ses questions aux rescapés, ce travail lui fournissant la matière de nombreux livres, dont "Dans le nu de la vie".

J'ai lu il y a quelques années un autre de ces livres, "Une saison de machettes", où l'auteur donne la parole à un groupe de Hutus ayant participé au génocide sur les mêmes collines, dans le pénitencier de Rilima. Une expérience éprouvante et désespérante…

********************************************

"En 1994, entre le lundi 11 avril à 11h00 et le samedi 14 mai à 14h00, environ 50000 Tutsis, sur une population d'environ 59000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 09h30 à 16h00, par des miliciens et voisins hutus, sur les collines de la commune de Nyamata, au Rwanda. Voilà le point de départ de ce livre."

Comme dans "Une saison de machettes", le journaliste s'efface pour laisser la place à la parole de ses interlocuteurs, entrecoupant leurs témoignages de courts chapitres qui précisent le contexte de l'entretien, ou des éléments biographiques. Ce sont des hommes et des femmes, des enfants et des adultes. Ils sont cultivatrice, enseignant, berger, assistante sociale… Ils s'appellent Francine, Janvier, Claudine, Innocent, Marie-Louise, Sylvie, Cassius… Ils s'expriment dans une langue française qu'ils se sont réappropriée, qui donne à leur récit une éloquence et une spontanéité que l'on qualifierait de gouailleuse, si le sens n'en était pas si terrible.

Ils racontent la macabre routine à laquelle ils ont dû s'astreindre des semaines durant, poussés par l'arrivée, chaque matin annoncée par leurs chants et leurs sifflements, des tueurs armés de machettes, de lances et de massues, visiblement "très gais d'aller tuer pour toute la journée". Ils partaient alors se cacher dans les marais, nus et recouverts de boue, après avoir caché les plus petits sous la végétation. Ceux qui n'étaient pas morts en sortaient le soir, une fois les tueurs rentrés avant la nuit en raison de leur peur du noir. Affaiblis par le manque de sommeil et d'alimentation, par la dysenterie, harcelés par les poux et les moustiques, ils ont vécu dans la certitude résignée de leur mort prochaine, ne redoutant plus que la souffrance.
Ils racontent les scènes insoutenables de coupage ou d'enfants brulés perpétrées sous leurs yeux, l'agonie des blessés que l'on était obligé d'abandonner et qui, couchés sur une rive ou sous un arbre, attendaient que la mort vienne, ou que leurs bourreaux viennent les achever.

Ils racontent aussi les bruits du massacre, et ses odeurs.

Ils racontent leur survie, parfois dû au hasard, mais la plupart du temps à la capacité à courir vite, ce qui explique que sont d'abord les enfants, puis les femmes et les vieillards, qui ont été assassinés les premiers.

"D'abord je devais être mort, puis j'ai insisté pour vivre. Je ne me souviens pas comment."

Et tout cela, dans l'indifférence totale de la communauté internationale, les blancs se contentant "d'envoyer des journalistes à pied pour bien photographier".

La survie, c'est aussi l'après, dans un pays dont les terres ont perdu les deux tiers de leurs hommes et où les troupeaux (des tutsis, traditionnellement éleveurs) ont été décimés. le quotidien est rudimentaire, faite de débrouille et de solidarité pour les rescapés amputés des leurs et de tous leurs projets d'avenir. Comment faire son deuil face à la monstruosité des conditions de la perte, et quand on ne sait pas comment sont morts ceux que l'on a perdus, et que l'on n'a pas pu enterrer ? Un immense sentiment de détresse mais aussi de solitude désordonne les esprits : "on n'a plus personne à servir, à qui obéir, demander conseil ou se confier, personne avec qui envisager une destinée, plus d'épaule où poser sa tête les soirs de désespoir". Beaucoup de survivant se sont endurcis, ont perdu le goût de la gentillesse, aigris par le découragement et l'accablement. D'autres s'organisent pour restaurer une indispensable normalité, recueillent les orphelins, proposent des lieux de rencontres, essaient de rendre leur gaieté aux enfants.

Dans cet après, les rescapés côtoient les bourreaux ou leurs familles. de nombreux "ténors" du génocide sont redevenus des gens de tous les jours. Certains enseignent à l'université, prêchent dans les églises ou soignent dans les hôpitaux. Et si quelques-uns se sentent obligés de baisser les yeux lorsqu'ils croisent un tutsi, aucun n'a demandé pardon. Ceci dit, comme le souligne un des témoins, "il n'y a rien à pardonner".

Beaucoup ont tenté de comprendre, en vain. Comment expliquer l'inacceptable ? Comment, même, entendre ces arguments se réclamant d'une différence de physionomie ou d'allure, de jalousie ou de sentiment d'infériorité ? Comment comprendre que des gens qui n'ont été ni brimés ni volés, qui pour certains vivaient en bonne entente avec leurs voisins ou collègues tutsis, aient pu commettre ces atrocités ? L'un des survivants évoque entre autres le terrible mystère que représentent ces intellectuels -médecins, prêtres…- qui retroussaient leurs manches pour tenir fermement une machette, et qui, pendant les massacres, se montraient d'un calme glaçant.

Pour autant, la plupart de ces tutsis affirment ne pas éprouver de haine. Certains parce que les tueurs représentaient une masse anonyme qui empêche de la poser sur un visage ou sur un nom. D'autres parce qu'ils ne peuvent la pointer sur un visage ou un nom, d'autres parce qu'ils refusent de souffrir leur vie durant à se demander pourquoi, d'être hantés du remords et de la crainte d'être tutsi. En revanche, l'attente de justice est forte, une justice pour offrir une place à la vérité, pour que s'écoule la peur, et pour donner une chance à l'espoir et à la réconciliation.

C'est un récit très fort, souvent insoutenable, qui a je crois modifié définitivement ma perception du verbe "couper". On referme l'ouvrage bouleversé et désespéré, mais c'est à lire, ces témoignages sont précieux car comme le souligne Jean Hatzfeld, les survivants de génocide aspirent au silence et au repliement.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          101
On parle toujours beaucoup du génocide juif dans la littérature (ou les arts en général), mais on ne parle peu, voire pas du tout du génocide qui a frappé le Rwanda en 1994. Certes, ce dernier a eu lieu il y a beaucoup moins longtemps, mais il n'empêche que c'est carrément un pan de l'histoire qui passe à la trappe pour la plupart d'entre nous.

Concrètement, j'ai découvert ce livre - et cet auteur - parce qu'il faut que je le lise pour un cours sur la littérature du témoignage, sinon, je pense que je n'aurais simplement jamais entendu parler de son existence.
Avant de l'entamer, je me suis demandée ce que je sais du génocide du Rwanda - même ce que je sais du pays en général - et, là vérité, c'est que je n'en sais pas grand chose. Ce n'est pas un pays dont l'on parle souvent et, surtout, ce n'est pas quelque chose que l'on étudie au lycée comme c'est le cas de la Seconde Guerre mondiale.

Ce livre est riche en informations sur les tueries qui ont eu lieu en 1994 au Rwanda. On apprend que les Hutus ont littéralement massacré à la machette leurs voisins (et amis pour certains), les Tutsis sans raison - déjà parce qu'il n'y a aucune raison à donner à ça, mais plusieurs hypothèses sont avancées dans le livre quant aux motivations des Hutus.
L'auteur a consacré son livre aux témoignages des marais du pays pour la plupart. Composé de quatorze chapitres (un chapitre = un témoignage différent). On accède à plusieurs récits d'une même survie pour ces Rwandais(es) qui ne comprennent pas, qui ont tout perdus et qui doivent se reconstruire. Beaucoup se répètent, ce qui vient confirmer les propos de chacun et surtout, c'est rempli d'une sincérité, d'une objectivité telle que c'est hallucinant de voir à quel point des êtres humains qui ont vécu l'horreur ne souhaitent pas forcément que la vengeance.

Comme tout témoignage sur la Seconde Guerre mondiale, Dans le nu de la vie doit être lu déjà pour reconnaître le fait que le Rwanda a bien fait l'objet d'un génocide, mais aussi parce que c'est une partie de l'histoire qui compte toute autant qu'une autre, et qu'il ne faut pas la faire disparaître en la mettant de côté.


Mon avis en intégralité :

Lien : http://allaroundthecorner.bl..
Commenter  J’apprécie          74
"C'était une fillette. Ils se sont mis à la couper..."

Je voudrais commencer ce commentaire de "Dans le nu de la vie" par un extrait d'un autre livre. Dans "L'Inavouable : La France au Rwanda" , Patrick de Saint-Exupéry cite Dominique de Villepin, le ministre français des Affaires étrangères, qui évoque en 2003 "les génocides rwandais". Voilà, ce qui rend cette abomination aussi difficile à supporter en dehors de sa monstruosité intrinsèque : le rôle de la France qui demeure ambigu, encore aujourd'hui.
En 1994, entre le 11/04 et le 14/05, le régime Hutu du président Habyarimana -qui vient de périr au cours de l'attentat du 6/04 qui a fait exploser son avion en vol- environ 800 000 rwandais, très largement issus de la minorité Tutsi, ont été tués, pour la plupart "coupés" à la machette.
Des génocides ? Non. Un génocide : celui des Tutsis par les Hutus. Celui des Tutsis par les Hutus fanatisés depuis des années, par la colonisation belge qui a cherché à diviser pour régner, puis par les dirigeants Hutus, soutenus par la France qui a fourni des instructeurs, qui a peut être (la vérité devra quand même être faite un jour ou l'autre), cherché à sauver ses alliés, sous couvert de l'opération humanitaire "Turquoise" et s'est à mon avis, dans ce dossier complexe, définitivement avilie en osant dire que "dans ces pays là, un génocide ce n'est pas très important" (F. Mitterrand à l'été 1994) ou en recevant le 27/04 (Mitterrand, Balladur, Juppé - cohabitant dans la honte) une délégation de génocidaires, dont l'actionnaire de l'ignoble "Radio Mille collines" (lire à ce sujet le remarquable Rwanda, les médias du génocide).
Mais revenons au livre de Jean Hatzfeld. Il recueille les témoignages des rares survivants de ce génocide, qui racontent leur calvaire. Si vous êtes sensibles, lisez quand même ce livre. Il y a des horreurs qu'il faut accepter de "voir". Il faut lire "Ils lui ont coupé d'abord les deux bras, et ensuite les deux jambes. Maman murmurait "Ste Cécile", mais elle ne suppliait pas" ou "certains jours, ... ils emmenaient une fille sans la tuer tout de suite, c'est comme ça que des filles se sont sauvé la vie quelques nuits supplémentaires...C'est une coutume des hommes de chez nous de ne pas tuer eux mêmes les filles qu'ils ont pénétrées...mais par après, d'autres collègues coupaient les filles et les jetaient dans les fossés". Tous les témoins montrent une dignité et un courage qui vous font monter les larmes aux yeux. Traqués, considérés comme des bêtes (ce sont des cafards selon la propagande Hutue), ils se sont enfuis, réfugiés dans des marécages inhospitaliers pour essayer d'échapper aux milices qui partaient chaque matin "au travail", ivres de haine, et d'alcool.
Ce livre est remarquable par sa sobriété et sa retenue. Jean Hatzfeld rend hommage aux victimes dans ce qui, sous un angle d'approche évidemment différent, ne peut être comparé qu'avec "Si c'est un homme" . On est loin ici des processus industriels mis en place par les nazis. Au Rwanda, il s'agit d'un génocide rural, de pauvres. Pas de gaz, pas de fours : des machettes, des bâtons cloutés.
D'autres livres traitent de ce drame ou de ce pays avant son basculement. Pour ceux qui voudraient poursuivre au coeur de ces ténèbres, je conseillerais "Pays aux mille collines : Ma vie au Rwanda" , "Nous avons le plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués avec nos familles" , "La stratégie des antilopes" , "Génocidé" , voire, si vous souhaitez une autre vision "Ça ne s'est pas passé comme ça à Kigali ."

Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, de nombreux ouvrages, outre ceux que j'ai cités, existent. Internet regorge aussi d'informations, pas toutes de même niveau, hélas. Mais chacun pourra tenter d'éclairer son jugement en fonction des éléments que les chercheurs et la justice (le site du Tribunal Pénal International pour le Rwanda est très recommandable par exemple) mettent à jour au fur et à mesure.
Commenter  J’apprécie          61
Jean Hatzfeld nous livre les témoignages de rescapés du génocide rwandais de 1994. C'est un livre poignant et qui questionneles êtres humains que nous sommes. Une telle violence est difficile à comprendre et les rescapés nous la décrivent parfaitement. Livre difficile, dur mais nécessaire.
Commenter  J’apprécie          60
Un livre bouleversant sur le génocide rwandais de 1994. Jean Hatzfeld a recueilli ldix témoignagnes de rescapés du massacre. Chaque témoignage est précédé d'une courte présentation du témoin et de son environnement. Des récits d'une atrocité souvent insupportable mais dont la lecture éclaire la face sombre de l'humanité.
Ce livre a été suivi par "Une saison de machettes", incroyable témoignage de quelques-uns des génocidaires.
Deux livres fascinants sur un événement majeur de l'histoire contemporaine.
Commenter  J’apprécie          60
Le livre numéro un de mon panthéon personnel est donc un livre de journaliste, eh oui !
C'est aussi l'un des plus beaux titres qui soit : Dans le nu de la vie, expression que j'ai faite mienne, et que j'utilise désormais autant que je le peux, pour donner à connaître, à lire, ces témoignages hallucinants des survivants du massacre rwandais de 1994, recueillis par Jean Hatzfeld.
Bien sûr, on met le doigt sur les mécanismes d'un génocide, son déroulement insoutenable, un des pires, voire le pire, si l'on accepte cette hiérarchisation morbide... Les faits sont là : 100 jours pour un million de morts, et, fait exceptionnel, une population civile dans son ensemble très active dans ce massacre fulgurant et à grande échelle.
Cella signifie que des hommes ont tué à la machette leurs voisins, les hutus traquant les tutsis des heures, des jours, des semaines, des mois durant, jusque dans leurs derniers refuges, marais, églises, ne s'arrêtant que pour boire et manger.
Les survivants témoignent, et cela va au-delà de tout ce que l'on peut imaginer. Et leurs propos valent tous les livres de philosophie et de poésie du monde, et je pèse mes mots. C'en est incroyable, tant de sagesse, de résilience malgré tout, qui suscitent un respect immense, pour eux, pour cette terre d'Afrique, aussi, et tous ses habitants. Ils nous embarquent dans le nu de la vie, de la condition humaine, beauté, et désolation, insondables, comme rarement exprimé. Un livre précieux.
Commenter  J’apprécie          51




Lecteurs (538) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3185 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}