SPOILER ALERT (merci à lolokIII de m'avoir recadrée)
Dans la forêt paru il y a plus de vingt ans aux Etats Unis est arrivé en France il y a deux ans. ca se lit vite et bien et c'est une dystopie heureuse : on peut vivre avec sa soeur et son bébé dans la forêt, se nourrir de glands, d'herbe et des ressources du potager. de leur passé heureux, il ne leur reste que des conserves, trois poules qui pondront allègrement pendant tout le roman, une source et un jerrican d'essence qui servira à brûler la maison qui les a abritées à la fin.
C'est poétique au sens où parler de la nature à ceux qui en sont coupés irrémédiablement est ressourçant, mais quelle tristesse de n'avoir jamais goûté auparavant ce bonheur à la portée de tous.
Qu'est-ce qui plaît tant dans cette robinsonnade féministe pour faire de ce livre un succès vingt ans après sa parution ? Difficile à dire en lisant les critiques des lecteurs.
Pour la dystopie, j'en connais de plus réalistes et moins charmantes (LA ROUTE, STATION ELEVEN, NOTRE VIE DANS LES FORETS) ; pour le survivalisme, bien d'autres aussi : INTO THE WILD, SUkkWAN ISLAND
Pour la robinsonnade féministe, je ne vois que Le grand jeu de Céline Minard...qui m'avait fortement déplu par son irréalisme, pas même poétique.
Alors oui, c'est peut-être ce qui plaît, pas d'homme dominateur (l'un s'en va et l'autre est chassé...après un viol tout de même), juste un père qu'on a enterré, juste deux soeurs qui donnent la vie...et regrettent un peu que ce soit à un garçon.
Une ode positive à l'autarcie, à l'autonomie ("tu n'appartiens qu'à toi"), aux valeurs de coopération familiale (le reste du monde n'existe plus, les voisins sont partis et on ne paie plus d'impôts comme Thoreau), une fin heureuse et malgré tout beaucoup d'ambigüités qui modèrent un récit qui serait par trop idyllique : la mère n'aimait pas la forêt dont elle avait peur, le père meurt dans un accident dû à son imprudence malgré son ingéniosité et ses valeurs "décalées", les soeurs se disputent et/ou ont des relations incestueuses.
Je ne comprends toujours pas l'engouement pour ce livre dont la construction fait beaucoup penser à celle de beaucoup de séries actuelles avec des retournements de situations à la limite de la cohérence psychologique ou narrative (les traces d'ours ou de bottes, le feu de forêt...des amorces aussi vite oubliées que décrites) mais qui soutiennent l'intérêt du lecteur. Mais cela m'a donné l'envie de lire sa majesté des mouches de Golding (jamais lu) et Foe de Coetzee, et de relire vendredi ou les limbes du pacifique de Tournier. Beau programme.
Lien :
https://www.lesmotsjustes.org