Tout d'abord un grand merci à babelio et à tous ses «adeptes» sans qui je n'aurai pas lu ce livre, en effet je ne suis pas un adepte du genre «nature writing» mais certaines critiques m'ont attiré, alors pourquoi pas...
J'ai été happé par la poésie de cette histoire, c'est très bien écrit et agréable à lire.
L'auteure pose les questions sur notre rapport à la nature, sur la fin de l'opulence et sur un autre mode de vie possible. Un retour forcé à l'essentiel où l'on s'aperçoit que les habitants des campagnes s'en sortent mieux que ceux des villes, mais ce n'est pas une surprise.
Bref un roman d'anticipation qui pourrait bien devenir réalité...
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Nous traitons mal notre terre nourricière, un jour il faudra le payer d'une manière ou d'une autre. Au fond de la forêt, Eva et sa soeur découvrent ce moment. Elles vont devoir vivre par leurs propres moyens. Les moyens du bord, quand on n'a plus ni électricité, ni réserves de nourriture, ni personne à qui parler, qui finalement les ramènent aux valeurs premières.
On pourrait dire qu'il s'agit ici d'une fable dystopique pas très originale, porteuse d'un message qui ne l'est pas plus (toutefois qu'il est important de répéter). Mais on passerait à côté de l'essentiel. Car la beauté de la forêt, les personnalités attachantes des deux soeurs, leurs rapports entre elles et à la nature, finement analysés, nous plongent dans un monde sauvage, parfois âpre, beaucoup plus clément que celui du consumérisme. Et cela est rassurant de voir exister ce monde, l'homme risquant de ne pas survivre sans une solidarité et une responsabilité vis-à-vis de l'environnement.
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Il en va ainsi de certains livres : on sait dés la première page qu'on ira jusqu'au bout. Il y a certes l'écriture magnétique de l'auteure américaine qui retient l'attention, une plume souveraine alliant le prosaïque et le mystique.
Mais il y a surtout ce huis-clos qui voit son espace se réduire encore et encore au fil des pages avec une étrangeté inquiétante mais aussi paradoxalement avec une sérénité libératrice. Probablement une vertu régénératrice de l'effondrement de la société, on ne peut que se réinventer, transcender ses peurs et ses limites, faire appel à des ressources insoupçonnées pour maintenir sa vie debout.
C'est ce que j'ai aimé dans Dans la forêt, roman qui met en scène des personnages appartenant à un monde en voie de disparition, dévasté pour des raisons vaguement évoquées mais les Dieux n'y sont pour rien. Seul l'homme en est l'artisan. On peut ressentir un léger frisson dans le dos parce que le monde en question est le nôtre, et on devine des problématiques très contemporaines.
Dans ce roman, on observe deux jeunes soeurs qui mènent leur existence au coeur de la forêt nord-californienne, à distance du bruit et des rumeurs les plus folles. Installées à plus de cinquante kilomètres de la ville, elles ont su s'adapter aux restrictions les plus diverses_comme les coupures d'électricité_leurs parents leur ayant donné une éducation en marge de la société de consommation. Portées par leurs rêves de carrière, elles laissent le sentiment dans un premier temps de vivre dans un monde provisoire en s'accrochant aux vestiges de la société d'avant, mais progressivement les repères traditionnels disparaissent et les dangers guettent.
Comment devenir adulte dans un monde devenu chaotique et sauvage qui a balayé le passé d'un revers de la main et qui ne donne guère de raison d'espérer ? S'il y a les renoncements auxquels elles finissent par se résoudre, les défaites qui les révèlent à elles-mêmes, il y a également d'étonnants sursauts qui confèrent à cette fratrie une résistance qu'elle n'aurait jamais pu envisager dans des conditions de vie ordinaires. Jean Hegland a créé un binôme puissant dont la force provient de ce qu'elles partagent ensemble, condition nécessaire à leur survie. Il en ressort un fort sentiment de solitude qui est à la fois la protection et le désarroi de ce duo aux pulsions obscures et laisse le sentiment d'avoir sous les yeux les reliques d'un monde en ruine. Mais loin de la pesanteur anxiogène et asphyxiante que l'on trouve fréquemment dans ces romans post-apocalyptiques, Jean Hegland a su donner à cette fiction des lueurs denses et fragiles, sensuelles et envoûtantes, à l'image de ses héroïnes, des lueurs qui exaltent l'âpre beauté des liens du sang.
Et la nature primitive, salvatrice, cette forêt mystérieuse et insondable symbole d'immutabilité du temps, source de rédemption alors qu'au début elle n'était sinon hostile en tout cas guère accueillante selon les mises en garde de la mère des jeunes filles.
C'est assurément un beau roman intimiste qui frappe par sa force méditative, il nous renvoie à notre propre vulnérabilité et la fragilité de nos sociétés trop dépendantes.
Belle découverte.
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Ma libraire, de temps en temps, propose des "livres-mystères" qu'elle emballe joliment, avec quelques thèmes pour nous orienter dans notre choix. Avec la fête des mères, j'ai eu envie de me laisser tenter, les thèmes me faisant envie : apocalypse, forêt, nature, survivalisme, soeurs, États-Unis. Ça sentait le nature-writing à plein nez, j'étais obligée de le prendre ! Et j'en suis doublement satisfaite : d'abord parce qu'il était dans ma liste d'envies depuis très longtemps, mais aussi parce que je l'ai beaucoup aimé.
Les événements se déroulent dans et aux abords d'une maison proche de Redwood, en Californie, entourée d'arbres à des kilomètres à la ronde. Nous suivons Nell et Eva, soeurs et orphelines, tentant de survivre après la catastrophe apocalyptique qui vient de toucher tout le pays. Il n'y a plus d'électricité, plus d'essence, plus aucune technologie. La nature a, en quelque sorte, repris ses droits, il faut trouver les moyens de s'adapter et les ressources nécessaires afin de continuer son bout de chemin.
J'ai été immédiatement charmée par la plume de l'autrice, à la fois enivrante et poétique. D'autant plus que le récit est sous forme de journal, écrit par Nell, nous permettant d'être au plus près de ce que les filles vivent et ressentent dans leur nouveau quotidien.
Nature-writing oblige, la forêt est un personnage à part entière et joue parfaitement son rôle. Elle isole davantage nos deux protagonistes. Elle sait se faire clémente, puisque c'est chez elle que Nell et Eva puisent en partie leurs ressources, tout en restant effrayante, par sa faune et sa flore pas toujours accueillantes, mais aussi par les douloureux souvenirs qu'elle abrite.
Nell et Eva sont deux jeunes filles très attachantes. L'une férue de danse classique pendant que l'autre se plonge dans les livres en tout genre, elles voient leur avenir voler en éclats et sont contraintes de changer totalement leur mode de vie. Elles apprendront le concept d'autosuffisance et, malgré les difficultés et le manque de moyens, elles se débrouilleront finalement très bien. Leur relation, tantôt fusionnelle ou beaucoup plus distante, émeut et les rend de plus en plus touchantes. On ressent leur peine et leur désespoir, tout autant que leurs moments de fierté et de petits bonheurs.
L'histoire est enclavée dans une atmosphère oppressante marquée par le silence, l'isolement, l'attente, la solitude, la peur. À travers elle, on perçoit la lenteur du temps qui passe, tout comme la sensation de danger que discernent les filles.
C'est dans son ensemble un très beau livre, touchant, douloureux parfois, plein de sensibilité, respectueux de notre mère Nature.
C'est un très beau cadeau que je me suis offert !
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Vu le grand nombre des critiques de ce livre... Je vais patienter pour les lire après avoir rédigé mes propres impressions sur cette lecture aussi passionnante que passablement déroutante !
Une rapide parenthèse pour dire et redire mon enthousiasme pour la qualité des choix des éditions Gallmeister...
Découverte complète de ce texte et de cette auteure qui a édité avec beaucoup de difficulté ce roman, il y a plus de 20 années [1996], qui finalement connut un grand succès !
Deux adolescentes, Nell et Eva, se retrouvent orphelines, complètement isolées dans la maison familiale, au coeur de la forêt, dans un monde qui s'effrite: plus d'électricité, plus de téléphone, plus de magasins, plus de médecins, plus d'hôpitaux; plus d'écoles, etc.
Elles doivent se débrouiller pour survivre... Il y a l'évocation de leur enfance, avec des parents aimants et excentriques, leur vie atypique au coeur de la forêt, où elles sont non scolarisées...et vivent, apprennent à leur rythme
Cette fiction à maintes égards était très en avance !
Fiction époustouflante... qui après des années, n'a pas pris une ride, en dénonçant déjà de façon sous-jacente notre société de consommation....
Ces deux soeurs se retrouvent seules à faire face pour survivre, déployer toute leur imagination et leur inventivité pour rester en vie...
C'est alors un apprentissage en profondeur de la nature, de l'essentiel ...
Dans cet espace vierge, dépourvu de toute civilisation, et quasi de trace humaine, les deux soeurs doivent réinventer "leur vie, leur chemin", dépasser leurs différences ainsi que leurs désaccords, comme comment
utiliser au mieux le peu d'essence qui leur reste ?!
Nell avait la possibilité de partir avec son petit ami, pour Boston, à pied... espérant un avenir meilleur, mais au bout d'une journée de marche, Nell renonce, ne se résoud pas à abandonner sa soeur, la seule famille qui lui reste....
Hormis ce huis clos sororal réconfortant [même si quelque peu tumultueux], l'arrêt de toute activité, les coupures d'électricité , l'absence de ligne téléphonique, plus d'essence , et la barbarie, la sauvagerie pointeront à l'horizon comme dans un no man's land, un territoire qui n'a plus ni loi ni limite où chacun se débrouille comme il pourra... en sachant que tout pourrait être permis et survenir !!
Le récit pourrait être des plus angoissants, mais l'amour très fort entre ces deux soeurs leur permet de garder énergie et volonté, en dépit de toutes les difficultés à assumer; les souvenirs aimants et heureux avec leurs deux parents est un terreau nourrissant, vivifiant, leur permettant en évoquant les beaux souvenirs, de se ressourcer, de tenir bon...
Un texte insolite, troublant... comme si ces deux soeurs,
seules au monde, recommençaient à leur manière, une
histoire de l'Humanité. Devant survivre, elles se rendent
compte qu'elles n'ont pas été assez attentives, qu'elles ne se sont pas assez intéressées à ce que leur père leur transmettait sur le potager, la forêt...et qu'au début des temps, les humains ont survécu avec rien, avec cette nature qu'ils ont apprivoisée, appris à connaître...
Je redis la joie et l'enthousiasme d'avoir lu et pris connaissance de l'univers original de cette auteure américaine, Jean Hegland... Je serai curieuse de
connaître ses autres écrits... et les autres thèmes qu'elle a pu traiter....
Une lecture qui fait, de plus, abondamment réfléchir... qui restera , j'en suis sûre très longuement dans mon esprit....
Je terminerai par cet extrait...significatif, de l'ampleur des réflexions suscitées par cette fiction, où Nell et Eva, les deux soeurs trouveront leur manière de "recommencer" une vie autre, après toutes les épreuves vécues ensemble pour survivre et surmonter leurs peurs ...Elles se sont délestées de tout ce qui faisait leur existence passée,
pour apprendre à réfléchir et aborder leur passage sur cette terre , autrement...
"— Quand l'homme est-il apparu ?
— Quoi ?
— Quand a-t-il évolué ?
— Homo sapiens sapiens est apparu à la fin du Pléistocène moyen, ai-je
répondu, citant l'encyclopédie.
— C'est-à-dire ?
— L'homme est apparu il y a au moins cent mille ans. Peut-être même
deux ou trois fois ça.
— L'homme est apparu il y a au moins cent mille ans. Et depuis quand
l'électricité existe ?
— Eh bien, Edison a inventé la lampe incandescente en 1879.
— Tu vois ? Tout ça… (et d'un ample mouvement du bras, elle a
désigné les pièces de la seule maison que j'avais toujours connue) n'était que…
comment l'as-tu appelé ? Une fugue dissociative.
Elle a montré ensuite l'obscurité qu'encadrait la porte ouverte.
— Nos vraies vies sont là-bas.
— Mais que se passera-t-il si on a n'a plus à manger, ou si on tombe malade ?
On pourrait mourir.
— On peut se retrouver sans plus rien à manger ou tomber malade ici.
(Elle a éclaté de rire). Nellie, l'homme meurt depuis au moins cent mille ans.
Ce n'est pas important de mourir. Bien sûr qu'on va mourir." (p. 296)
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Into the wild. Vivre non pas à l'état sauvage, mais au coeur d'une nature luxuriante du Nord de la Californie. La première ville est à plus d'une heure de route déglinguée par un pick-up rouillé. Alors si les filles rêvent de cours de danse pour l'une et d'université pour l'autre, ce ne sont que de vagues hypothèses pour le moment. Quelques coupures d'électricité au début, rien de bien anormal. Rien de bien gênant, elle lit ses encyclopédies à la chandelle, elle danse au tic-tac du métronome. Et puis un jour l'électricité n'est plus revenue. Comme le téléphone. Comme les voisins. Seules.
Sur la seconde partie du roman, je me suis promené enfin dans les bois, à la découverte de cette nature qu'elles avaient ignorée jusqu'à présent. C'est que tant que le garde-manger était plein, les conserves et les bocaux fournis sur les étagères de la cave, partir à la rencontre des plantes ne faisait pas partie des préoccupations principales. Lire et écouter de la musique, l'essence de la vie - en tout cas de la mienne. A quoi ressemble une fleur de houblon ? Into the wild, j'ai appris à faire attention avec les baies rouges, qui ne sont si rougeoyantes que pour attirer les abeilles et les oiseaux. Encore une histoire purement sexuelle, cette couleur rouge. Bon côté sexe, il faudra se satisfaire soi-même, pas une âme qui vive dans le coin, même pas de zombies pour apporter de l'animation. Quelques sangliers et autres méchants ours noirs - ou bruns je sais plus, je ne me souviens jamais de la couleur des toisons que je regarde.
L'art de survivre, d'abord dans un environnement enchanteur - au début - puis de plus en plus hostile, une fois que la solitude pèse sur les esprits. L'eau qui suinte le long des murs, le dernier bocal de maman ouvert, reste guère plus qu'un fond de bouteille liquoreux de papa, laissées à l'abandon, deux filles devenant femmes, une dernière musique, celle du vent, celle de la tempête qui s'écroule sur leur vie, et l'envie plus fort, rester ensemble, ne pas s'abandonner, même dans la forêt. Into the wild. Une Autre Vie. Réapprendre à vivre.
- On est peut-être les deux dernières personnes sur terre, a dit Eva d'une voix qui ne traduisait ni peur ni tristesse.
J'ai hoché la tête un peu rêveusement, et j'ai répondu sur le même ton :
- Oui, peut-être.
Au fait, ce n'est qu'une rumeur, mais il parait qu'un virus ravage les gens. Une semaine, en pleine forme, et hop la semaine d'après, les vers qui commencent à infiltrer les corps en décomposition. Alors autant rester confinée, tant qu'à verser deux verres et deux larmes, de whisky.
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