Ce petit livre expose et développe les raisons qu'on peut avoir de résister à un certain esprit du temps qui disperse et enferme les hommes, au sens de l'humanité, dans des catégories figées. Il est constitué d'articles divers parfois déjà publiés ailleurs. Il est du côté de la rationalité de l'universel, de ce qui constitue notre commune humanité. C'est ce choix qui fonde le mot « universalisme » : une aspiration, qui n'est pas (encore) une réalité, et qu'il faut conserver et développer. À cet universalisme, s'oppose le communautarisme qui met en priorité les groupes auxquels chacun appartient. L'universalisme ne peut céder devant le fait que l'égalité n'est pas parfaitement réalisée.
Le mode de pensée des communautaristes est binaire : des dominants et des dominés, des bourreaux et des victimes.
Trois domaines de la vie sociétale sont affectés par ce retournement des valeurs : l'identité, la différence sexuelle, le peu de valeur de la parole de l'autre. Cela donne trois parties au livre. Ces retournements viennent des USA, ce qui est reprochable en soi, les USA ayant toujours fonctionné sur ces distinctions préalables à toutes autres considérations, et à la considération de l'unité de l'homme dans toutes ces « identités ». Quel que soit l'avis qu'on peut porter sur ce phénomène, sa dimension d'intrusion caractérisée est en soi un reproche qui pourrait suffire à l'invalider, à le rejeter. Mais ce n'est pas l'essentiel.
L'identitarisme découpe la société en communautés. L'appartenance à une identité collective n'est pas le fait d'une décision, ce qui la placerait dans l'ordre de la volonté, elle est donnée comme « un fait », une essence. Or, tout groupe, par construction, est exclusif. L'appartenance en peut exister sans son contraire : l'exclusion (de ceux qui ne sont pas du groupe). C'est là que l'unité de l'universel se brise. L'appartenance comme l'exclusion peuvent être douces et tranquilles. Ce n'est guère le cas dans cette optique : les groupes communautaires entrent en concurrence les uns avec les autres. A été inventée ainsi l'intersectionnalité : « dès lors que les individus sont appréhendés comme appartenant à un collectif assigné, il faut trouver des solutions pour rendre compte de l'évidente pluralité des identités… créer une nouvelle identité » (p90)
Le néo-féminisme est un autre domaine du communautarisme. du point de vue de l'universalisme, la différence sexuelle ne doit être mise en avant que lorsqu'elle joue un rôle dans ce que l'on a à dire, le reste du temps, l'humanité des femmes et des hommes ne nécessite pas de spécification et n'a pas à être mentionnée. L'écriture dite-inclusive ne cesse de vouloir rappeler l'existence des femmes et des hommes, ce que l'on sait bien. Il y a une double injonction impossible à, d'une part ne pas considérer les sexes (par souci d'égalité) et, d'autre part de les spécifier sans cesse dans la détermination dominant-dominé. Comme il va de même de la race, on trouve un « féminisme décolonial », les femmes noirs subiraient plus de discrimination, selon leur appartenance à deux catégories victimisées. le bourreau désigné identitairement est le « mâle blanc », convergence de toutes ces catégories de plaignants.
Car, dernier point, tout ce système se fait sur un mode accusatoire, ou l'élimination du discours de l'autre et même de sa personne est érigé en méthode et idéal (cela s'appelle woke ou cancel culture). Des conférences sont interdites, des statues déboulonnées, des livres brûlés… dans une culture de la censure, où certains se sentent tellement assurés d'être du côté du bien qu'ils se sentent en droit de faire du mal aux autres, à leur parole, à leurs créations… Cette idéologie gagne l'université, les syndicats…
Le meilleur remède aux inégalités du monde est encore la considération de ce qui unifie les hommes, ce qui rassemble, ce qui les rend semblables les uns aux autres, dans un combat permanent pour réaliser, rendre réel, l'égalité qui découle de cette unité humaine : chaque humain, membre de la collectivité nationale, ses appartenances à des « communautés » ne lui conférant aucun droit, ne conférant aucune légitimité spéciales à ses opinions.
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Ainsi la défense des valeurs à la fois laïques et républicaines est devenue une cause politique, en même temps qu'une ligne de clivage fortement déstabilisante : elle oppose en effet non plus, comme ce fut le cas durant les grands combats pour la laïcité, une gauche laïque et une droite catholique mais, à l'intérieur même de la gauche, une tendance républicaine, visant à suspendre les appartenances communautaires, et une gauche radicale, visant à exiger des droits pour les membres de communautés considérées comme victimes de discrimination ou de colonisation. La tension entre ces deux gauches est particulièrement exacerbée concernant la question religieuse et, spécifiquement, islamique ( d'où l'étroite imbrication entre républicanisme et laïcité) : ainsi ces deux tendances se déchirent-elles à coup d'invectives entre "islamophobes" d'un côté et "islamogauchistes" de l'autre.
Comme l'antisémitisme, la tentation du totalitarisme ne meurt jamais : elle ne fait que s'endormir par moments pour se réveiller ici ou là, tantôt à droite, tantôt à gauche. Il faut bien admettre qu'elle bat son plein dans la gauche actuelle, planquée derrière les plus nobles causes progressistes-antiracisme, féminisme, anti-homophobie-qui servent aujourd'hui de support à des réflexes totalitaires que l'on croyait relégués dans les arrière-fonds des pires horreurs du XXe siècle.
Il y a 5 ans, le 15 avril 2019, la cathédrale Notre-Dame de Paris prenait feu. La sidération et l'émotion dépassent alors les frontières : cet incendie est un événement mondial. Comment comprendre cette émotion partagée et l'universalité de ce trésor du patrimoine français ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit :
Nathalie Heinich, sociologue et directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique)
Mathieu Lours, historien de l'architecture et spécialiste des cathédrales et du patrimoine religieux
Visuel de la vignette : Fabien Barreau / AFP
#patrimoine #notredame #culture
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