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Citations sur Le siècle de Dieu (70)

Avant leur départ pour les galères, les sœurs venaient par deux les visiter. Les prisonniers les respectaient, ceux qui savaient écrire leur confiaient des mots adressés à une sœur, un frère, une amoureuse, leur mère surtout. Leur honte et leur déshonneur rejaillissaient sur elle et ils en étaient consternés. Les illettrés dictaient aux religieuses des lettres d’adieu naïves et émouvantes. Ils promettaient de se racheter, de revenir au pays pour s’y bien conduire. Pouvait-on veiller sur leurs maigres biens ? Viviane constatait combien ils tenaient à des babioles, un couteau à manche de corne, un mouchoir de tête, un pot à tabac. Ceux qui étaient pères parlaient de leurs enfants avec attendrissement : leurs garçons auraient un métier, seraient de bons chrétiens ; les filles garderaient leur honneur pour le mariage, elles seraient de fidèles épouses, des mères exemplaires. L’espoir qu’ils aient une meilleure vie restait une ultime consolation pour les condamnés et les aidait à accepter leur déchéance.

Chapitre 11
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– En fait, il m’expliquait hier soir pourquoi il avait si fermement condamné l’Histoire critique du Vieux Testament, poursuivit Anne-Sophie. Richard Simon, à ses yeux, s’écarte de la stricte orthodoxie exigée par l’Église.
– Bossuet, certes, désapprouve le jansénisme, appuya Viviane, mais il s’inquiète tout autant de l’influence que prend un certain Molinos dont le Guide spirituel est une incitation au quiétisme. Cet anéantissement de la volonté, cette passivité absolue, ce renoncement à l’action, ce mépris de son propre corps et de tout être créé lui semblent hautement suspects. Il craint que Rome ne se fourvoie en ne le condamnant point et le roi l’approuve. Pour notre souverain, tout écart envers la doctrine de notre sainte Église est inacceptable : huguenots, jansénistes, illuminés, quiétistes sont à rejeter sans distinction. Il trouve en Bossuet un appui toujours solide.

Chapitre 10
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Les rumeurs qui couraient dans Paris depuis l’exécution de la marquise de Brinvilliers étaient donc fondées : dans les bas-fonds de la ville officiaient sorcières, empoisonneuses, jeteuses de sorts pour le compte de grandes dames que l’on saluait chapeau bas. Monsieur de La Reynie le savait. Mais son pouvoir avait comme limites l’autorité royale.

Chapitre 10
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Seule dans le parc, longeant dans sa promenade des prairies où les paysans mettaient en meules le foin juste coupé, le long des maigres pins courbés par le vent du nord, sur les berges du ruisseau serpentant entre des saules, sous la voûte des feuillages de la grande allée qui traçaient une longue galerie de verdure, elle songeait aux dernières années de sa vie, à Charles aussi qu’on disait transformé depuis qu’il avait quitté ses parents et l’avait délaissée. Passionné de géographie, il pouvait désormais fréquenter des cercles d’érudits, de savants, fuir les hommes et femmes du monde aux conversations ennuyeuses. Depuis son adolescence, il avait pris le parti de se taire et de s’emmurer en luimême. Elle avait manqué de patience, d’imagination peut-être.

Chapitre 7
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Viviane interrompit sa lecture. À une certaine admiration pour cette femme si pieuse et docile se mêlait de l’irritation. Jeanne était de la race des mystiques que l’extase et les visions délivraient d’une existence difficile subie sans tenter de rien y changer, comme si la volonté de Dieu était l’inertie, ou la négation de tout bonheur humain. Sa propre nature, positive, active, généreuse, la portait vers la vie. Pourtant, comme Jeanne, elle aurait eu bon nombre de motifs de se lamenter : orpheline à six ans, pauvre, recueillie par un oncle qui avait fait d’elle une sorte de fillette de compagnie pour Anne-Sophie, son enfant bien-aimée, vouée, faute d’une dot appropriée à sa condition, au célibat, elle avait pris son destin en main. (...)
Pour elle, le message christique était clair : le Royaume de Dieu appartiendrait à ceux qui soignaient les malades, recueillaient les enfants, visitaient les prisonniers, donnaient à manger à ceux qui avaient faim et à boire à ceux qui souffraient de la soif.
Comment rester en extase quand les légumes censés nourrir des affamés dépérissaient dans les potagers faute d’être arrosés ? Quand la soupe des pauvres brûlait pour ne pas avoir été surveillée ? Quand des nourrissons hurlaient leur détresse ?

Chapitre 6
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La jeune fille déplia les feuillets couverts d’une fine écriture. Tracés à la hâte, les mots se succédaient sans grande ponctuation. Certains avaient été écrits d’une main tremblante. Une femme tourmentée, pensa Viviane. Jeanne narrait son existence durant les douze derniers mois à Montargis. Elle avait perdu son père, une fille, mais ces deuils avaient été sublimés par un envoyé de Dieu, le père Lacombe, un religieux barnabite. Il avait suffi à cet homme d’apparaître pour que ses souffrances prennent un sens. Il serait ce que François de Sales avait été pour Jeanne de Chantal, Pierre d’Alcantara pour Thérèse d’Avila. Il la conduirait à la sainteté. Il lui offrirait l’évasion. Tout les unissait, un goût vif pour l’aventure spirituelle, un grand attachement à l’Enfant Jésus entièrement soumis à ses parents, une nature sensible et vivante, une répulsion pour les choses basses et ordinaires de la vie. Leur cœur était trop loin du corps pour se complaire à la plus innocente sensualité. Tandis qu’il se rendait à Rome pour occuper une chaire de théologie, elle avait contracté dans le secret un mariage mystique avec l’Enfant Jésus, modèle de l’obéissance, qu’elle voyait souvent en rêve. Obéissance à Sa volonté mais, hélas, à celle de son époux pareillement. Accouchée d’un fils, elle était à nouveau enceinte.

Chapitre 6
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À côté de l’église Saint-Lazare, un cimetière était réservé aux enfants de l’Hôpital général. Les sœurs de la Charité faisaient graver un nom sur la croix afin que leur mémoire ne disparaisse pas tout à fait. Mais le temps, l’absence d’entretien les effaçaient bien vite. Ne demeuraient qu’un peu de mousse, les débris d’un chérubin de porcelaine. Viviane aimait imaginer leurs petites âmes dans un oiseau, une fleur, un joli nuage rond. Si Dieu était partout, pourquoi pas ses petits anges

Chapitre 6
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Souvent elle avait pensé à Jeanne Guyon, également mal mariée mais soumise, privée de toute estime d’elle-même par une marâtre qui dominait toujours un fils vieillissant. Dieu la secourait. D’après la duchesse, elle passait en prières une partie de ses journées, ravie d’amour, enfin libre. Mais pour payer le prix de cette félicité, de cette rencontre passionnée, elle portait un cilice, se frappait de verges, se piquait avec des aiguilles, s’affamait. Tant de haine pour soi-même, pensait Viviane, tant d’impuissance à s’affirmer autrement qu’en se torturant !

Chapitre 6
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Viviane songea à sa cousine. Depuis le départ de Charles, il lui semblait voir de la crânerie dans ses sourires. Elle paraissait vivre comme à l’accoutumée, mais à de minuscules détails, Viviane constatait que tout avait changé. Toujours en retard, Anne-Sophie était devenue exacte comme une horloge bien réglée ; gourmande, difficile même auparavant, elle mangeait désormais ce qu’on lui servait sans même regarder le contenu de son assiette ; volubile, elle restait parfois de longs moments silencieuse. Mais elle allait, venait, recevait, sortait, toujours mise à la mode, coiffée, parfumée, impeccable. Appréciée du roi, sa compagnie était recherchée par l’ensemble des courtisans. Avait-elle un galant ? Aucune confidence n’avait passé ses lèvres. Viviane s’affligeait. À quoi bon faire semblant d’être heureuse quand on souffrait ? Mais que conseiller à sa cousine ? Sa propre inexpérience la rendait impuissante face à ses problèmes d’épouse.

Chapitre 6
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La douleur que Viviane avait éprouvée au début de sa mission avait fait place à une acceptation sereine. Dieu lui demandait de soulager, d’aimer, pas de juger. Était-ce ce Dieu qui faisait les ivrognes ? Lui qui permettait qu’on renverse les filles trop jeunes au coin d’une rue, dans un taudis ? Lui qui décourageait les candidates nourrices pas assez payées ? Le gâchis occasionné par les hommes devait être réparé par d’autres hommes.

Chapitre 6
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