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EAN : 9782021177534
300 pages
Seuil (02/04/2015)
4.1/5   5 notes
Résumé :
"Je savais quelque chose. Quelque chose que les autres ignoraient. Je le savais parce que j'y étais. Parce que, longtemps auparavant, dix ans plus tôt, j'avais été un témoin privilégié de cette "tentative d'évasion". Devant une oeuvre d'art aussi mystérieuse que dérangeante, au Centre Pompidou, un homme se souvient....
En Espagne, dans une ville de province qui n'(est jamais nommée, Marcos, un étudiant en histoire de l'art introverti et "malade de théorie" v... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Etonnant livre que celui-ci, qui s'interroge sur la création et son rapport au réel en se jouant des codes de la fiction.
L'art contemporain est au centre de ce roman; son héros, Marcos, est un jeune étudiant espagnol en histoire de l'art qui va se trouver au contact de Jacobo Montes, un artiste renommé à l'aura sulfureuse.
Lorsque s'ouvre le livre, Marcos se trouve à Beaubourg, devant une oeuvre de Montes à laquelle il a contribué plusieurs années auparavant. Terriblement énigmatique, cette installation le replonge dans les affres qu'il avait alors connues. Elle supposait en effet la participation volontaire d'un individu choisi parmi les êtres les plus démunis et les plus fragilisés de la société : les immigrés clandestins. L'artiste «engagé» prétendait mettre en lumière l'absence de limite à ce que l'on est réduit à accepter pour survivre.
Montes demanda alors à un clandestin de s'enfermer dans une caisse pendant une semaine, sans rien à boire ni à manger, avec un orifice juste assez grand pour ne pas le priver d'oxygène, mais suffisamment étroit pour provoquer inconfort et malaise. Bien entendu, il ne sera pas autorisé à sortir pour faire ses besoins...
Chaque jour d'enfermement permettra au jeune homme d'empocher une somme de plus en plus importante, jusqu'à toucher le « jackpot » de 6 000 euros, au terme d'une semaine de cet avilissement volontaire. le tout étant en permanence filmé.
Si Marcos est d'abord flatté d'avoir été choisi pour assister l'artiste, il est saisi d'effroi devant les conditions de la réalisation de l'oeuvre. Au final, le dispositif imaginé par l'artiste suggère inévitablement à l'observateur que le jeune homme a perdu la vie dans l'acceptation de cet intolérable marché. Qu'en est-il vraiment ? Cette question ne cessera de tarauder Marcos, tandis que Montes pose une autre question : quelle différence entre la proposition qu'il a faite au jeune clandestin - accepter des conditions inhumaines et précaires contre de l'argent, et celles qui lui sont faites dans «la vraie vie» ?

Ce que l'on perçoit et le raisonnement qui en découle ont-ils force de vérité ? L'art est-il un miroir de la société ? A-t-il pour vocation de reproduire le réel ? Ou bien produit-il du réel ? L'art est-il et doit-il être moral ? L'évolution ultime de l'art conceptuel peut-il mener à la disparition de l'oeuvre, sa concrétisation devenant une formalité superfétatoire ? Et au bout du compte, quel est le rapport entre l'art et la vie réelle ? Telles sont les passionnantes questions que soulève ce roman.

Mais là où elles prennent toute leur saveur et où le trouble saisit vraiment le lecteur, c'est lorsque Marcos, cherchant à analyser cette expérience, renonce à écrire un essai qui serait pourtant le prolongement logique de son parcours d'étudiant, pour envisager d'écrire un roman, seul moyen selon lui de prendre le recul nécessaire pour appréhender ce qu'il a vécu. le narrateur, par un effet de réflexivité, endosse alors le rôle d'auteur, celui du livre que nous sommes précisément en train de lire...
Lorsqu'on sait que Miguel Angel Hernandez est lui-même un jeune critique d'art et professeur d'art contemporain, le trouble ne fait que s'accroître : quel lien entre lui-même et le narrateur de la fiction que nous tenons entre les mains ? Où commence la création artistique ? Où se place la frontière entre fiction et réalité ? L'effet est tout à fait jubilatoire.
Je ne vous révélerai rien des remerciements placés, de manière très classique, au terme de l'ouvrage. Mais sachez qu'ils revêtent un intérêt inhabituel !

En nous plongeant dans l'univers hermétique et dérangeant des performances artistiques et en jouant avec son lecteur, Hernandez nous fait vivre une expérience tout à fait déconcertante qui fait de ce roman une sorte de performance littéraire. J'ai adoré !

Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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Premier roman commis par un critique d'art qui connaît son sujet sur le bout des doigts, Tentative d'évasion est un livre brillant. Provocant, violent et cru. Mais terriblement intelligent. Il m'a même permis de comprendre deux ou trois choses sur l'art conceptuel et notamment pourquoi les installations et autres oeuvres contemporaines me semblent si éloignées de ma conception de l'art. Il nous pousse dans nos retranchements et nous force à interroger notre rapport à l'art. Jusqu'où peut-on aller au nom de l'art ? Une performance artistique peut-elle tout justifier ? L'art est-il de l'art ou voulons-nous juste croire que c'est de l'art ? Vous l'aurez compris, ça questionne sec, ça travaille sans relâche au niveau des petits neurones, tout ceci avec une fluidité et une clarté dans le discours qui rend l'ensemble parfaitement accessible aux néophytes comme moi.

Un petit mot sur l'histoire, sans trop la déflorer. Marcos, professeur et critique d'art se trouve face à une installation du célèbre Jacobo Montes, Tentative d'évasion, exposée à Paris au Centre Georges Pompidou. Des années plus tôt, Marcos alors étudiant a été l'assistant de Montes lorsqu'il a conçu cette oeuvre. Aussitôt, les souvenirs resurgissent de cette époque où Marcos, entre fascination et répulsion a été entraîné au coeur même du processus de création de l'artiste à la réputation sulfureuse. Une expérience dont il n'est pas sorti indemne (et ce sera la même chose pour le lecteur).

Mais peut-on se fier aux apparences ? L'artiste ne joue-t-il pas avec la réalité ? Ne voyons-nous pas seulement ce que nous voulons voir ? Avec une maîtrise impressionnante, l'auteur prend son lecteur dans une sorte de toile d'araignée tissée avec des fils qui changent d'aspect à chaque fois que l'on pense s'être enfin fait un avis, ou avoir trouvé la bonne distance. Nous sommes bien dans le règne de l'illusion.

Si « l'art est une forme d'expérience », si « l'artiste fait toujours semblant », si ce même artiste ne fait qu'empiler les métaphores alors pas de doute, ce Tentative d'évasion est une véritable oeuvre d'art. Qui se lit en plus comme un thriller. Très fort !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Un roman étonnant qui raconte l'histoire d'un "grand" artiste, assisté par un étudiant. L'artiste veut montrer que la société ne voit pas ce qu'il se passe juste devant son nez, mais au fil des pages on se rends compte que l"artiste" ne montre pas plus, et en profite bien. Et l'étudiant se trouve mal dans sa tête, se pose, comme nous, beaucoup de questions sur le rôle et la place de l'art dans la société.
Un très bon livre, on a du mal à le poser, même si au début je me suis demandé s'il allait me plaire. Je vous ai donné la réponse.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
- Toute œuvre est une conclusion frustrée. Le résultat n'est pas primordial. L'important, c'est l'expérience. Le processus, réfléchir, faire, sentir, voir... c'est tout cela, l'œuvre. À la fin, il en reste une trace. C'est ce que les autres voient. Mais c'est ce qui compte le moins. La seule chose qui compte, c'est ce que tu as vu, ce que tu as ressenti, ce que tu as vécu.
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Montes m'avait bouleversé. Son œuvre m'avait impacté. À l'époque, l'art était pour moi précisément cela, l'impact, la capacité de tout bousculer. Les actions de Montés, cette façon d'exploiter et de torturer les personnes sans defense, étaient à mon sens difficilement justifiables. Et pourtant, elles m'attiraient, m'intriguaient et me séduisaient, comme dans une séance d'hypnose où on serait conscient de la manipulation exercée par l'hypnotiseur, mais où l'on continue cependant de jouer le jeu car on ne sait pas encore vers quoi il pourra nous mener.
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D'après lui, l'artiste n'est pas innocent. Personne ne l'est. L'artiste est partie intégrante de ce qu'il dénonce. Et il se limite à le reproduire. Par conséquent, il lui est impossible de s'afficher les mains propres. Il doit au contraire prendre parti. Se salir les mains, les couvrir de merde, [...].
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- Et depuis quand l'art doit-il être bienveillant, moral et légal? rétorqua Helena sans se démonter. Le fait d'être de l'art n'empêche pas une œuvre de constituer un acte social répréhensible. L'éthique et l'esthétique sont deux choses différentes depuis bien longtemps.
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