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EAN : 9791027802524
77 pages
Le Castor Astral (09/01/2020)
2.87/5   16 notes
Résumé :
Antigone à Molenbeek est une réécriture du célèbre mythe de cette jeune femme, fille d'Oedipe et de Jocaste, qui tenta jusqu'à la mort d'enterrer son frère, Polynice. Transposée dans l'actualité politique contemporaine, cette figure du dévouement s'incarne dans une soeur dont le frère a commis un attentat suicide à la bombe.
Stefan Hertmans dévoile la complexité des sentiments de cette Antigone moderne, livrée au mépris, empêchée, elle aussi, de rendre les d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Antigone doit se retourner dans sa tombe... Elle était victime du "Fate", le destin et de la loi des hommes!
Antigone, pas cette fille là, une Nouria.

Cette Nouria revendique son passeport belge, crie et injurie. Elle veut les restes de son frère, un terroriste djihadiste.

"La musique d'un autoradio crève les tympans. Sourate 5 verset 32... Une fille passe dans la rue, tenue par des jeunes: "Ça, c'est une pute avec des jupes ras-le-bonbon... Des vieillards assis sur un banc, comme au bled, "qui sèment la haine dans le coeur des jeunes gens, pour qu'ils sacrifient leur jeunesse..."

Mais nulle part, personne ne parlera, dans le livre, des victimes du djihadiste qui s'est fait exploser! Ou même de la peur et du stress, parmi les éventuels témoins de l'attentat! Comme si "les autres" n'existaient pas...

Chacun est libre, encore chez nous de lire ou d'écrire... Mais, cette Nouria injurie les flics et un premier avocat, "il puait de la bouche", puis crache sur l'autre, une avocate (parce que c'est une femme?)..

L'Etat Islamique professe une culture de la Mort, avec ses actes de barbarie (viols, tueries, décapitations et crucifixions des ennemis...) Des actes loin de toute humanité. "Mais ils veulent être inhumés décemment, afin de devenir des martyrs au paradis"?
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Tout le monde connait l'Antigone de Sophocle et celle d'Anouilh. Celle d'Hertmans se prénomme Nouria et vit à Molenbeek, commune bruxelloise devenue tristement célèbre dans le monde, après les attentats de 2015. Etudiante en droit, elle tient à donner une sépulture digne à son frère. Parti faire la guerre en Syrie, il a trouvé la mort dans un attentat suicide et ses restes ont été rapatriés. Or, l'agent Crénom ne l'entend pas de cette oreille et refuse de les lui remettre.

Monologue théâtral et poétique, cette histoire est bien évidemment tragique. Comme dans l'oeuvre originale, une jeune fille est victime de la tyrannie d'un homme qui lui impose un choix qui n'est pas le sien. « Crénom », en Belgique, c'est un juron, une ellipse pour « sacré nom de dieu ». Il marque à la fois la colère et l'impatience. Ici, c'est le nom du policier qui incarne l'autorité, l'administration, un système même. Sous des airs bonhommes, semblant comprendre Nouria qu'il connait depuis toujours, il n'en reste pas moins inflexible. Il n'hésite pas non plus à lui parler de ses origines alors qu'elle est née en Belgique. Il représente un Etat, sans humanité, sans empathie, loin de ce qu'on attend de lui.

L'écriture de Stefan Hertmans est noble même si le style est à la portée de tous. On la sent très réfléchie derrière une apparente simplicité. le texte a un coté théâtral avec ce monologue intérieur entrecoupé de dialogues et l'actualisation du mythe est réussie. Nouria est une Antigone contemporaine, ancrée dans la vie d'aujourd'hui qui nous démontre comment la peur peut engendrer l'incompréhension et la déshumanisation.

Un roman vite lu qui ouvre d'intéressantes questions et que l'on devrait donner à lire à nos élèves.
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Je suis très attaché à la figure de la révolte incarnée par Antigone. J'avais donc beaucoup d'attentes face à "Antigone à Molenbeek". Jean Anouilh avait en son temps modernisé la pièce classique de Sophocle, notamment en confrontant les humains à eux-mêmes et non plus aux dieux. Je m'attendais donc à un retour de la question religieuse avec le thème des attentats islamiques et une exploration de la révolte contemporaine dans ces conditions. Or cette aspect ne me semble pas traité dans le roman de Stefan Hertmans qui se concentre sur l'attachement indéfectible d'une soeur envers son frère et l'opposition implacable d'une justice sourde et administrative. Son Antigone m'a elle aussi touché par sa détermination viscérale et profondément humaine. Mais je n'ai rien découvert de nouveau dans ce court roman. Par ailleurs le style est déroutant. Ni vraiment du théâtre, ni tout à fait un récit, le style très travaillé exige des efforts de la part du lecteur au début pour s'habituer à cette langue qui tient parfois d'une poésie un peu surannée, parfois d'un langage oral presque enfantin. Pourtant dès le deuxième chapitre, cela fonctionne et je le suis trouvé happé par la quête de cette jeune femme pour retrouver la dépouille de son frère. Hélas, la froideur et la rigidité du système judiciaire est implacable et incompréhensible. Et je n'ai pas compris ce que la révolte de cette nouvelle Antigone pouvait m'apprendre sur notre époque contemporaine, hormis qu'à présent elle s'appelait Nouria et qu'elle ne se dressait plus face à un roi mais face à un policier un peu bonhomme, un peu incompétent et très dépassé du nom de Crénom. Néanmoins, l'auteur a une écriture qui a de la personnalité et qui a su m'emporter. Et le récit a soulevé en moi de nombreuses questions, restées sans réponses, ce qui est peut-être mieux : il y aura encore et toujours de bonnes raisons de remettre au goût du jour la figure d'Antigone.
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Dans cette réécriture du mythe d'Antigone, Stefan Hertmans en fait une jeune femme de Molenbeek, commune de l'entité bruxelloise qui, malgré tous ses efforts, restera longtemps marquée comme une des bases arrière des attentats de Paris et de Bruxelles en 2015 et 2016. le frère de Nouria a commis un attentat suicide et elle veut à tout prix l'enterrer dignement. Mais les autorités, en la personne de l'agent de police Crénom – tout un symbole, ce nom ! – refusent de remettre le corps du jeune homme. Comme Antigone, Nouria va s'opposer par tous les moyens à cette décision : d'abord par la négociation puis en tentant de voler le corps à l'IML. Brutalement arrêtée, elle va subir la prison et les rebuffades de tous, jusqu'à son avocate, résolument du côté du pouvoir.

S'il y a de nombreux points de ressemblance avec le mythe original, il y a pas mal de différences aussi : pas de soeur, pas de fiancé, et surtout cette revendication de Nouria qui peut heurter le lecteur. Réclamer le corps d'un terroriste pour l'enterrer dignement, est-ce acceptable ? Stefan Hertmans nous répond en partie en citant des statistiques officielles à la fin du livre mais son texte ciselé, fait pour être proclamé au théâtre ou tel un slam, nous laisse avec cette question. Il a le mérite de nous faire ressentir avec lucidité le sort réservé aux terroristes en prison : l'isolement complet, la lumière en permanence, la perte de repères. Et rien que pour cela – bien entendu, je ne cautionne en rien les actes terroristes – ce texte vaut la peine d'être lu.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Inspirée bien sûr du mythe d'Antigone, la jeune Nouria veut enterrer la dépouille de son frère, terroriste mort dans le désert. le refus officiel qui lui est opposé la rend littéralement folle et elle tente de se pendre avec son drap dans sa cellule. L'histoire est connue, les personnages encore moins nombreux que dans le mythe (pas d'histoire d'amour, ni de roi, seulement un fonctionnaire de police nommé Crénom) le texte est presque en vers et donne plutôt l'impression de lire un slam, ce qui rythme la narration, mais l'appauvrit parfois aussi.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
J’ai le DROIT d’enterrer mon frère,
ai-je craché au juge.
J’ai le DROIT d’avoir de l’humanité
pour quelqu’un qui est resté mon plus proche parent,
mon plus intime des êtres vivants,
même aujourd’hui, après sa mort…
Ça a jailli du fond de moi
comme une bile noire :
Il ne sera pas question pour moi d’apaisement
avant
que mon frère…
Que les restes de mon frère…
Avant que j’aie ce sac…
Ce sac, pour l’enterrer, ce sac-là,
que je veux ouvrir pour m’assurer
que c’est bien mon frère
qui a fait ça
Parce que j’en suis de moins en moins sûre.

Le juge a parlé de droit
Le juge a parlé d’Ėtat
Le juge a parlé d’équité
Le juge a parlé de procédure
Le juge a parlé d’un crime :
Vol du cadavre d’un terroriste.
Non, j’ai crié, pas vrai,
je ne vais pas enterrer un terroriste,
je vais enterrer mon frère.
C’est mon petit frère, je vous dis.
Le droit que je défends ici est immémorial.
C’est le droit qu’ont les familles de pouvoir
au moins rendre les derniers honneurs à un être cher.

Les honneurs ? a raillé le juge.
De bien grands honneurs, madame.
Trop d’honneur, même, dirais-je.
Avez-vous perdu la tête ?
Lois anciennes, lois immémoriales, j’ai crié,
les lois de la famille,
et j’ai serré le poing.

Allons, ma petite dame, ne faites pas
tant d’histoires, ne jouez pas l’hystérique.
Vous étudiez bien le droit moderne,
il me semble ?

Monsieur le juge m’a lancé un sourire mauvais.

Vous êtes la mieux placée, madame,
pour savoir…
Il a ri sous cape, comme si tout cela l’amusait.
Puis il m’a dit en fronçant les sourcils :
Les lois immémoriales du désert
ne sont ici d’aucune utilité, ma petite dame.
Ne me faites pas croire que vous l’ignorez.

C’est comme si on lâchait des démons dans ma tête.
Le désert, toujours le désert ! j’ai crié.
Foutez-moi la paix avec ce désert,
bande de chacals !
J’étudie le droit belge, vous voyez,
pas le droit du désert !
Le seul désert que je connaisse,
c’est le quartier où j’ai grandi,
ici même, dans votre pays !
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Y aurait-il une corde à tresser
dans ce drap blanc comme un suaire ?
Y aurait-il un crochet salvateur
tout en haut de ce mur sans fenêtre,
une sortie, une sortie de secours à travers le mur,
en dernier ressort, loin de ce maudit sort ?
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La mort n'est pas un maître,
c'est une brute épaisse,
un rond-de-cuir sans imagination.
(Silence.)
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Videos de Stefan Hertmans (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Stefan Hertmans
Chaque mois, un grand nom de la littérature contemporaine est invité par la BnF, le Centre national du livre et France Culture à parler de sa pratique de l'écriture. L'écrivain Stefan Hertmans est à l'honneur de cette nouvelle séance.
Rencontre animée par Cécile Bidault, productrice chez France Culture
QUI EST STEFAN HERTMANS ? Stefan Hertmans, né à Gand en 1951, a publié plusieurs recueils de poésie, des essais et des romans. Son oeuvre poétique a été récompensée par le prix triennal de la Communauté flamande. Son roman Guerre et Térébenthine, traduit dans vingt-quatre langues, a été nommé pour le Man Booker International Prize. Il a publié tous ses romans aux éditions Gallimard, dont Une ascension en janvier 2022. Dans la collection « Arcades » paraît également en mai 2022 Poétique du silence, un volume regroupant quatre essais de Stefan Hertmans sur la modernité poétique dans ses rapports au langage et au mutisme, concentré de ses réflexions sur les oeuvres de Hölderlin, de Paul Celan et De W.G. Sebald notamment.
En savoir plus sur les masterclasses littéraires : https://www.bnf.fr/fr/agenda/masterclasses-en-lisant-en-ecrivant
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