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3,8

sur 595 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Jakob Bronsky est un juif allemand, rescapé des ghettos, arrivé en Amérique au début des années 1950. Sans le sou, il vit de petits boulots et de combines plus ou moins légales. Au milieu des prostituées et des clochards des bas quartiers de New York, il ne pense qu'à écrire son roman sur son expérience de la guerre. « Quelque part dans mes souvenirs, il y a un trou. Un grand trou noir. Et c'est par l'écriture que j'essaie de le combler. » (p. 63) Outre sa plume, son sexe l'obsède et on le suit dans ses déambulations noctambules à la recherche d'une femme complaisante. « Mon besoin de sexe est directement lié à ma puissance créatrice, à la foi en mon génie artistique. » (p. 99)

Le roman s'ouvre sur la correspondance entre Nathan Bronsky, le père de Jakob, et le consul général des États-Unis d'Amérique en 1938. En quelques lettres très protocolaires, mais particulièrement grossières, on fait comprendre au père de famille juif qu'il n'y aura de la place aux USA pour lui et les siens qu'en 1953 et que, après tout, on se moque bien de ses problèmes avec les nazis. Amérique, terre d'accueil ? Mon cul, oui ! « À l'époque où nous avions besoin de l'Amérique, les portes étaient fermées. Aujourd'hui, nous n'avons plus besoin d'elle. » (p. 33) Pour Jakob, finalement accueilli légalement outre-Atlantique, le ressentiment est un mode de pensée. Il n'y a pas de rêve américain pour les juifs émigrés et l'Holocauste est loin de leur avoir ouvert toutes les portes et attiré toutes les sympathies. « J'ai compris qu'il ne suffit pas de survivre. Survivre ce n'est pas assez. » (p. 271) Encore et toujours, on attend des juifs qu'ils gagnent leur place au soleil, plus durement que les autres.

Jakob est un sympathique baratineur et un charmant looser dont il est diablement agréable de suivre les errances malchanceuses dans la Grosse Pomme. Très solitaire, l'homme s'admoneste régulièrement et entretient des discussions imaginaires avec des personnalités réelles ou inventées. du fond de sa misère, il rêve à sa réussite en tant qu'homme de lettres et bête de sexe. Les dialogues sont percutants, du tac au tac, avec un aspect profondément théâtral. J'ai particulièrement apprécié l'originalité de la typographie, notamment l'emploi du haut de casse qui rythme le texte de phrases plus puissantes.

Largement autobiographique, ce roman est cynique et porte un regard dérangeant et iconoclaste sur la question juive. Comme son titre le laisse supposer, Fuck America est un texte qui ne s'embarrasse pas de pudeur ou de politiquement correct. Foutraque, mais particulièrement bien foutu, le roman se grignote avec un plaisir glouton. N'oubliez pas de lâcher un rot sonore à la fin de votre lecture, vous ferez plaisir à l'auteur !
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Fuck America

Edgar Hilsenrath en a bavé pendant la guerre. Prisonnier d'un ghetto en Roumanie il nous a livré tardivement (ses éditeurs étant culpabilisés sans aucun doute) un oeuvre noire et bouleversante. « Nuit » est pour moi un chef d'oeuvre.

Fuck América commence par un échange épistolaire entre le Consul Général des Etats Unis et le père d'Hilsenrath alias Bronsky, juif allemand menacé par le fascisme triomphant, qui demande un visa pour émigrer avec sa famille et se voit répondre que selon les dispositions légales et les quotas sa demande recevra un avis favorable en 1952.

Bien entendu le Consul est au courant des exactions teutonnes, mais s'en moque en raillant : « faites cette demande au nom de vos enfants par testament ». Comme c'est drôle.

Et pourtant en 1952, la famille Bronsky qui a survécu dans des caves françaises et Boris dans l'horreur roumaine absolue émigrent aux Etats Unis.

Boris, accablé, perdu, impuissant, cherche à transmettre sa profonde lassitude et sa détresse. Agé de 26 ans il en parait 40 et enchaine boulots sordides les uns après les autres. de fait il se met à écrire « Nuit » non pas comme le commente bêtement la quatrième de couv' pour faire un bestseller (publié pour la première fois en Allemagne, car écrit en allemand, en 1979) mais pour se sauver en régurgitant toute l'horreur de sa jeunesse.

Son obsession, son besoin de liberté, de libération passent par l'envie de retrouver sa virilité enterrée sous les cadavres. Boris a de l'humour et des amis qui lui conseillent d'intituler son bouquin « le branleur ».

Lui-même s'interdit toute pratique masturbatoire et ce qu'il a dans les couilles, il veut le partager.

Le récit ne manque pas d'humour, ce qui est rassurant et même plus que çà puisqu'il révèle une volonté de triompher de tout y compris de l'Amérique faussement généreuse, antisémite et raciste.

Ce livre est écrit et la honte est à partager par mémoire pour ceux qui ont osé.
Qu'est-ce qui change aujourd'hui ?

Fuck America !
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Attention, chaud devant ! Voici que déboule dans nos rayons un arrière-cousin d'Arturo Bandini (le double survolté de John Fante, si vous ne le connaissez pas venez sur le champ emprunter Demande à la poussière, qui trône en bonne place dans mon panthéon personnel), veuillez accueillir s'il vous plaît Jakob Bronsky, dans le rôle de l'immigré apprenti-écrivain et crève-la-faim, à New-York en 1952. Situations burlesques, ton cru, obsession du sexe et de le reconnaissance littéraire, tout y est. Mais Bronsky ne fait pas dans la dentelle : à la place de l'éloquence, de la fantaisie et de la chaleur d'un Bandini, on se coltine plutôt avec un verbe très cru et un humour très noir. C'est que si notre Bronsky est immigré, comme Bandini/Fante, l'endroit d'où il vient, lui, c'est pas l'Italie, c'est un ghetto ukrainien. Juifs persécutés pendant la guerre (pléonasme), les Bronsky/Hildenrath tentent d'émigrer vers les Etats-Unis (les lettres au consul (et leurs réponses par ledit consul) ouvrent le livre et donnent le ton, quelle rigolade, et quelle horreur). le souvenir de la Shoah est tout proche, mais Bronsky l'évoque sur le ton de la farce (“Ce matin-là, je n'arrivais pas à calmer ma bite. A la maison, j'ai pris une douche froide illico. Ça n'a servi à rien. J'ai pensé à Auschwitz. En vain.“), ce qui a choqué l'Allemagne de l'après-guerre et retardé la publication de ses livres. L'apprenti-écrivain, quand il n'est pas portier de nuit ou serveur, ou en train de fantasmer sur une secrétaire de direction, travaille à la rédaction de ses souvenirs (dont on ne saura rien ou presque, sinon que lui ne fait pas partie des six millions, et qu'il essaie de survivre, parce que ce serait con quand même, alors que les nazis ont échoué), ses souvenirs, donc, un roman intitulé LE BRANLEUR et qui doit lui assurer une gloire mondiale.

Bon, je me rends compte que je fais long et que j'en dis beaucoup. Tant pis. Lisez quand même Hildenrath, moi je vais acheter le nazi et le barbier, qui a l'air d'y aller au bulldozer également, et raconte l'incroyable aventure d'un nazi usurpant l'identité d'un juif et finissant rabbin après la guerre.
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Après "Le Nazi et le Barbier" et "Orgasme à Moscou", revoici Edgar Hilsenrath, un écrivain juif allemand né en 1926 qui prend à chaque fois le lecteur aux tripes en associant toujours humour et dérision dans des récits dont sa vie constitue la trame.
Fuck America (Les Aveux de Bronsky) commence très fort avec des courriers échangés entre Nathan Bronsky, le 10 novembre 1939, et le Consul Général des États-Unis d'Amérique à Berlin. Devant un appel au secours afin d'obtenir des visas pour fuir le nazisme, la réponse est terrible après… huit mois d'attente : ces autorisations si vitales seront délivrées, promis, en… 1952 ! Il est vrai que l'antisémitisme, gangrène toujours bien réelle aujourd'hui, n'est pas l'apanage de l'Allemagne : « …les gouvernements de tous les pays de cette planète se foutent royalement de savoir si vous vous faites tous massacrer ou non. le problème juif leur casse les pieds, à vrai dire, personne ne veut se mouiller. »
Après beaucoup d'épreuves et de souffrances, Jakob Bronsky, fils de Nathan, se retrouve aux États-Unis mais ses yeux ont perdu leur éclat emporté par les six millions de victimes de la Shoah. Pour retrouver un peu de lueur dans son regard, Jakob n'a qu'une possibilité : écrire. Comme l'auteur l'a vécu, il assure de petits jobs de serveur, de livreur ou de gardien de nuit afin d'avoir un peu d'argent. C'est la nuit, dans la cafétéria des émigrants, qu'il peut enfin laisser revenir ses souvenirs à la surface.
Ainsi, chaque fois qu'il gagne un peu d'argent, il peut avancer son livre qui s'intitulera « le Branleur », comme le lui a conseillé un voisin de table mais c'est sa frustration sexuelle qui le hante. Il rêve, il fantasme : « Tu vas enfin avoir l'occasion de baiser une authentique secrétaire de direction. » mais « Dans ce pays, la pauvreté et la solitude sont une infamie. »
Après plusieurs aventures et quantité de dialogues menés avec brio et efficacité, Edgar Hilsenrath, par la voix de Jakob Bronsky, raconte sa naissance, en 1926, avec déjà deux nazis dans le jardin « Quand il sera grand, on le fourra dans une chambre à gaz ». Lorsqu'il est circoncis, les mêmes sbires se réjouissent : « Avec cette queue mutilée, il ne fera croire à personne qu'il est aryen. »
À partir de 1933, tout s'enchaîne. Il est battu à l'école. Puis c'est le boycott des commerçants juifs et la Nuit de cristal. La famille vit maintenant dans un appartement miteux après avoir connu l'aisance. Certains veulent fuir mais son père refuse alors que son oncle affirme : « le peuple allemand est complètement hypnotisé. » Un Jakob Bronsky est mort avec les six millions de Juifs alors que l'autre Jakob fuit, connaît les ghettos, la peur, la faim, le froid mais affirme : « c'est l'espoir qui m'a fait vivre. »
Edgard Hilsenrath écrit sur tout ce qu'il a refoulé. Il répète : « Ils auraient dû nous sauver en 1939. » Pour être enfin publié dans son pays d'origine, il lui a fallu déployer beaucoup d'efforts. Maintenant, il peut dire aux jeunes Allemands : « lisez mon livre… Mon livre contre la violence et la barbarie. »
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Me voici avec une grande découverte, loin de mes lectures habituelles. Pour autant, cela ne m'a pas empêché de jubiler face à la verbosité (toute particulière) de Monsieur Hilsenrath. "Fuck America" est en grande partie autobiographique, utilisant son expérience personnelle pour donner vie à Jakob Bronsky, réfugié juif à New York dans les années 50 , mi-clodo, mi-écrivain. Il nous décrit son quotidien de crève-la-faim et la noirceur du rêve américain avec satyrisme, cruauté et crudité, enrobé d'une pointe d'humour. Un auteur souvent décrit comme étant de la lignée de Bukowski, Fante et Roth.

Sans parler de l'histoire au sens propre, qui se lit très bien, je préfère vous dévoiler la forme. La plume d'Hilsenrath est vraiment atypique. Les mots sont percutants, les dialogues vifs et sans fioriture, un humour noir appréciable. Jakob Bronsky a tendance à se parler à lui-même, ce qui rend de nombreux passages très drôles.

Un roman qui m'a beaucoup plu, ce qui m'amènera sûrement à faire connaissance avec ses autres oeuvres. Sans aucun doute. Je vous souhaite de bien belles découvertes livresques !

Lien : http://avoslivres.canalblog...
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Roman très largement autobiographique sur la désillusion du rêve américain pour un émigré juif allemand après la seconde guerre mondiale.
C'est percutant et très sérieux malgré l'humour grinçant. Je recommande vivement j'ai beaucoup aimé.
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Avec un humour acerbe, Edgar Hilsenrath malmène son héros, ou plutôt son anti-héros dans les basfonds de l'Amérique, loin du Rêve doré américain. C'est une vraie découverte pour moi, et j'ai adoré ce ton décoiffant.
A conseiller, vivement !
Lien : http://bibliza.blogspot.fr/2..
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Une lecture jouissive.
Découverte d'un auteur décalé avec une écriture incisive et qui colle tellement à la réalité d'aujourd'hui.
L'errance du juif allemand à travers l'Amérique des années 50 avec les désillusions sur la terre promise est prétexte à écrire son autobiographie délirante.
Jakob Bronsky est le subconscient d'Edgar Hilsenrath
Il faut lire ces mots avec les maux de notre société et là tout s'éclaire...alors restons vigilants.
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Jacob BRONSKY règle ses comptes, ceux de sa famille, ceux des familles juives massacrées dans les camps...voila pourquoi le titre.
Il vit à New York de débrouilles et rapines, il a un but : écrire pour retrouver toute
sa mémoire ... il se souvient et raconte son histoire....soufflant
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Grand amateur de l'écriture trash de Charles Bukowski, cela a été un très grand plaisir de découvrir ce texte génial de Edgar Hilsenrath.
Si au premier abord, on peut être choqué par la grossièreté des dialogues, il faut surtout s'attendre à rire de bon coeur des déboires quotidiens de l'auteur, enfermé dans un système qui l'empêche de respirer. le sexe et l'écriture occupent une place centrale et obsessionnelle dans la vie de l'écrivain, et sa plume acerbe relate tout cela avec un humour plus que décapant !
Et alors que l'on s'apprête à célébrer un formidable brulot antisocial, le dernier quart du livre nous plante un pieu en plein coeur, bon sang, on avait rien venir !
Immense livre sur l'écriture, le sexe et la société, Fuck America est au final un bouleversant portrait d'homme.
Lien : http://cestarrivepresdechezm..
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