Après "Le Nazi et le Barbier" et "Orgasme à Moscou", revoici Edgar Hilsenrath, un écrivain juif allemand né en 1926 qui prend à chaque fois le lecteur aux tripes en associant toujours humour et dérision dans des récits dont sa vie constitue la trame.
Fuck America (Les Aveux de Bronsky) commence très fort avec des courriers échangés entre Nathan Bronsky, le 10 novembre 1939, et le Consul Général des États-Unis d'Amérique à Berlin. Devant un appel au secours afin d'obtenir des visas pour fuir le nazisme, la réponse est terrible après… huit mois d'attente : ces autorisations si vitales seront délivrées, promis, en… 1952 ! Il est vrai que l'antisémitisme, gangrène toujours bien réelle aujourd'hui, n'est pas l'apanage de l'Allemagne : « …les gouvernements de tous les pays de cette planète se foutent royalement de savoir si vous vous faites tous massacrer ou non. le problème juif leur casse les pieds, à vrai dire, personne ne veut se mouiller. »
Après beaucoup d'épreuves et de souffrances, Jakob Bronsky, fils de Nathan, se retrouve aux États-Unis mais ses yeux ont perdu leur éclat emporté par les six millions de victimes de la Shoah. Pour retrouver un peu de lueur dans son regard, Jakob n'a qu'une possibilité : écrire. Comme l'auteur l'a vécu, il assure de petits jobs de serveur, de livreur ou de gardien de nuit afin d'avoir un peu d'argent. C'est la nuit, dans la cafétéria des émigrants, qu'il peut enfin laisser revenir ses souvenirs à la surface.
Ainsi, chaque fois qu'il gagne un peu d'argent, il peut avancer son livre qui s'intitulera « le Branleur », comme le lui a conseillé un voisin de table mais c'est sa frustration sexuelle qui le hante. Il rêve, il fantasme : « Tu vas enfin avoir l'occasion de baiser une authentique secrétaire de direction. » mais « Dans ce pays, la pauvreté et la solitude sont une infamie. »
Après plusieurs aventures et quantité de dialogues menés avec brio et efficacité, Edgar Hilsenrath, par la voix de Jakob Bronsky, raconte sa naissance, en 1926, avec déjà deux nazis dans le jardin « Quand il sera grand, on le fourra dans une chambre à gaz ». Lorsqu'il est circoncis, les mêmes sbires se réjouissent : « Avec cette queue mutilée, il ne fera croire à personne qu'il est aryen. »
À partir de 1933, tout s'enchaîne. Il est battu à l'école. Puis c'est le boycott des commerçants juifs et la Nuit de cristal. La famille vit maintenant dans un appartement miteux après avoir connu l'aisance. Certains veulent fuir mais son père refuse alors que son oncle affirme : « le peuple allemand est complètement hypnotisé. » Un Jakob Bronsky est mort avec les six millions de Juifs alors que l'autre Jakob fuit, connaît les ghettos, la peur, la faim, le froid mais affirme : « c'est l'espoir qui m'a fait vivre. »
Edgard Hilsenrath écrit sur tout ce qu'il a refoulé. Il répète : « Ils auraient dû nous sauver en 1939. » Pour être enfin publié dans son pays d'origine, il lui a fallu déployer beaucoup d'efforts. Maintenant, il peut dire aux jeunes Allemands : « lisez mon livre… Mon livre contre la violence et la barbarie. »
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