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3,8

sur 391 notes
Un roman glaçant dans tous les sens du terme. Solak ; presqu'il située au milieu du cercle polaire, où se trouve implanté une zone militaire. 4 hommes vivent , survivent au quotidien. Suite au décès d'un des leurs, un nouveau vient d'être hélitreuillé. Un personnage, discret, mystérieux, taiseux, qui avoue être muet. Nous sommes à la vielle du fameux hiver arctique, où la nuit va s'installer pour un moment. Les descriptions sont époustouflantes . Ce huit clos, d'une noirceur extrême, cette tension qui s'installent entre les protagonistes, font peur, une sorte de folie se fait ressentir. L'écriture est tout en longueur, certains pourraient se lasser rapidement de la lecture, mais c'est existentielle dans cet univers. Nous sentons les tensions qui se multiplient, un mal être, une violence, une cohabitation qui par en vrille. L'auteure nous livre un premier roman remarquable. Un suspens qui nous suivra tout au long de la lecture, avec une fin totalement inattendue.
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Solak est un roman pour le moins étonnant, dont le style et la narration risquent d'en surprendre plus d'un. Solak c'est aussi une exploration extrême dans les méandres de l'âme humaine, à la mesure du cadre du roman, rude et impitoyable, car le froid conserve tout, y compris les souvenirs les plus enfouis qui ne font que sommeiller.
Pour ce qui est du style, je crois bien que c'est le premier roman que j'ai lu qui soit complètement exempt d'adverbes de négation, un peu pénible au début, cela dit, avec un narrateur unique, on comprend vite que celui-ci écrit comme il parle. Un autre aspect m'a, par contre, beaucoup plu : la grande majorité des phrases sont des métaphores, pas toujours très fines, mais toujours précises et ciselées, très en phase avec ce contexte hostile et délétère.
Je vais faire une petite digression qui s'adresse aux nombreux lecteurs de "La horde du contrevent", tout au long de ma lecture, j'ai eu l'impression de lire et "entendre" Golgoth en mode mélancolique et désabusé, une impression agréable pour tout dire.
Caroline Hinault m'a impressionné, pour un premier roman, c'est vraiment bon avec un suspense parfaitement maîtrisé et une tension qui monte crescendo. le scénario imaginé par l'auteur est un modèle d'efficacité, l'utilisation des ingrédients climatiques extrêmes est parfaitement employée pour nous offrir un huis-clos étouffant et anxiogène qui va nous tenir en haleine jusqu'au bout, le tout sans en faire trop, ce que j'ai apprécié.
Le point fort du roman selon moi, tient avant tout dans le traitement des quatre personnages et dans l'équilibre instable nécessaire à la survie, il n'est même pas question ici d'harmonie, quand viendra la grande nuit, la solidarité devra être totale...
Ce roman, est aussi à sa façon une réflexion sur le genre humain et la difficulté à cohabiter quand les règles écrites ou tacites n'ont plus cours.
Sur ce bout de territoire Arctique, quatre hommes, "Grizzly" le scientifique pacifique, Roq et Piotr, les deux militaires au passé incertain, et la nouvelle recrue, "le gosse", un taiseux et pour cause, il est muet, s'apprêtent à affronter la grande nuit. Piotr, le narrateur a un mauvais pressentiment...
Pour conclure, j'ai passé un très bon moment de lecture, avec un intérêt et une curiosité en éveil tout du long, je mettrais juste un bémol avec le tout dernier chapitre et son épilogue, je l'ai trouvé un peu invraisemblable et pas en harmonie avec l'ensemble de l'histoire, j'ai ressenti une "pointe" de frustration, cela dit, j'ai vraiment aimé.
Il me reste à remercier les nombreux babeliamis qui ont lu ce roman et notamment Onee et sa liste "Un bon roman sous la neige" qui m'ont porté vers cette lecture.
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Un huis clos étouffant dans le cercle polaire arctique où les motivations de chacun des protagonistes restent confuses, Caroline Hinault ne parvenant pas toujours à leur donner la dimension qui en ferait de véritables héros.

Pourtant, tout les ingrédients sont là dans le silence où seuls les craquements de la banquise animent l'atmosphère, l'histoire, noire au possible, est bien installée, mais son dénouement est bâclé, quel dommage!

Aucun des personnages n'émerge vraiment, il y a le mort, Igor, les vivants ou morts-vivants pour certains d'entre eux, et cette posture est sans doute la mieux rendue par la prose alerte de Caroline Hinault.

La vie quotidienne dans ce désert blanc, sans autre attente que celle de la longue nuit, puis du retour hypothétique du printemps, avec toutes les opportunités pour un drame, est bien relatée. Mais, cette narration manque un peu de la substance qui aurait pu en faire un grand roman, il s'en est fallu de peu.

Les descriptions de la nature, des animaux, des aurores boréales sont très belles, elles n'adoucissent cependant pas le climat très noir de l'oeuvre et ce n'est certainement pas leur but.

Donc, un roman qui déroute, embarque, puis débarque, selon la sensibilité des lecteurs.
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Un diamant brut que ce roman ! Que dis-je, une rivière de diamants blancs et noirs : L'atmosphère y est aussi sombre que sa banquise est blanche immaculée, ses personnages aussi pervertis qu'elle est vierge… et les éclats de pensées du narrateur coulent en phrases éblouissantes, comme le jour et la nuit de cette banquise qui est tout l'un ou tout l'autre.


« Parfois je rêve que la neige et la glace, la banquise toute entière, par fidélité à mon âme nécrosée, sont noires. Une étendue d'obscurité laquée qui s'étendrait à l'infini comme un voile de deuil givré. »


Comment oser écrire avec mes mots après avoir admiré, pendant 120 pages, la beauté, la précision, la poésie même, certes toute virile et militaire, mais non moins touchante bien au contraire, de ce récit via son narrateur Piotr ? Peut-être simplement en donnant un serti aux mots de l'auteure, laissant s'exprimer toute leur lumière, et leur matière.


« Saleté d'espoir. L'avantage de l'âge, c'est qu'on le fait taire très vite et moi je suis trop vieux pour tout, y compris cette saloperie de froid qui me craquelle la bouche, me couperose tellement la gueule que j'ai l'air d'un lutin de papier mâché roulé dans le sucre glace. »


Piotr est un militaire au passé obscur, probablement dans les deux sens du terme, habitant depuis 20 longues années sur cette banquise du bout du monde où sa fonction est de veiller… sur le drapeau national, planté là, en plein milieu d'un nulle part hostile au possible pour le commun des mortels.


« Tout ça pour un drapeau quand on y pense, et que d'autres troufions puissent pas claironner au monde que leurs bottes sont prioritaires, ce morceau-là, il est à nous, rien qu'à nous. »
« Quand on m'a parlé de cette mission tellement conne qu'elle en devenait sublime, garder un drapeau sur un glaçon, revendiquer la propriété du blanc et du vide, faut le faire quand même, c'était comme un cadeau de Dieu ou du diable qui sont l'envers et l'endroit d'une même médaille aussi ces deux-là, en tous cas ça tombait bien puisque ce que je voulais, c'était m'anesthésier, et la banquise pour ça, c'est l'idéal. »


Il accomplit sa mission avec un scientifique et deux autres militaires sous ses ordres. Mais vu que l'un de ces derniers a clamsé les mois précédents, paix à son âme, les « terriens » viennent chercher son corps bien conservé, hélitreuiller du sang neuf à la place, et larguer l'unique ravito de l'année : conserves, journaux (putain ces cons d'intendants ont encore oublié les pornos, on aimerait bien les y voir eux, privés des bordels de l'armée), sans oublier la Vodka, la seule à pouvoir endormir l'ennui, la douleur, la solitude, l'agressivité et les pulsions.


« On est tous arrivés ici pour la même raison, l'espoir d'amnésie à moins que ce ne soit d'amnistie, c'est le problème des grands mots, à deux lettres près comment savoir ? En tous cas l'espérance vénéneuse qu'à force de bouffer de la banquise, y aurait un peu d'innocence ou un truc originel bien limpide qui viendrait nous laver d'être des hommes. le faux espoir que si le temps peut servir à une chose dans nos vies de cafards, ça devrait au moins être à ça, à y rouler les choses trop laides pour être racontées et en faire un grand cigare amer qu'on fume seul, le soir, avant d'en faire retomber les cendres froides sur nos âmes jaunies. »


Or, ces maux sont difficiles à maîtriser dans un endroit où les jours sont sans nuit puis les nuits sans jour ; où les jours sans nuit vous empêchent de dormir aussi sûrement que les nuits sans jour vous font littéralement broyer du noir H24. Un huis clos en pleine nature dont aucun d'entre eux ne peut s'échapper, tout comme leurs pensées désespérantes et leurs pulsions violentes sont enfermées dans leurs têtes… Jusqu'à ce que plus personne ne puisse plus les retenir.


« La montée de la violence comme une drogue qui irriguait le corps entier jusqu'aux poings, le délicieux baiser du pouvoir, du sentiment de supériorité qui vous enfonce sa langue jusque dans la trachée et en demande toujours plus, plus loin, comme c'est bon, comme ça remplit, comme c'est jouissif, d'être celui qui domine, et puis après, la décrue, tout aussi violente, le vide sidéral, la honte. »


Mais où les drames commencent-il ? Y-a-til seulement un début et une fin, ou ne sont-ils que l'enchevêtrement de petites causes et de grandes conséquences ? L'un des éléments déclencheurs en l'occurrence est l'arrivé du nouveau militaire. On le surnomme le gosse tellement il paraît ne pas faire le poids. Pourquoi est-il là : Volontaire ou envoyé de force ? C'est que s'il ne faut surtout pas raviver le pire chez les personnes avec qui tu es isolé, il faut quand même pouvoir apprendre à se faire confiance dans ce territoire hostile, à compter les uns sur les autres pour faire face aux ours blancs, aux blessures sans hôpital etc… Mais le gosse est taiseux avec ça, à pas pouvoir compter sur lui pour animer les soirées ni répondre aux provocations. Pourtant il attend que ça Roq, le troisième et dernier militaire. le plus agressif sûrement. le plus atteint par la solitude, le manque - et la vodka.


« Pour gagner, il ne faut pas vaincre la violence mais l'aimer. » « La défaite des tendres tient tout entière dans la croyance qu'ils ont qu'on peut battre un chien enragé dans un duel au fleuret, l'espoir que la raison et la finesse pourront embrocher la violence avec de la dentelle de mots. »


Le tour de force de l'auteure, c'est d'arriver à rendre crédible sa narration au langage parlé et familier d'un vieux soldat bourru, soi-disant récalcitrant aux lettres, tout en nous faisant admirer chaque phrase : putain que c'est beau, bordel que c'est bien dit, comme dirait le narrateur. Des images fortes, des métaphores sensuelles jusque dans la violence : Cette plume trifouille au fin fond des âmes humaines, pas toujours jolies mais questionnant notre humanité. le choix charnel des mots et le ton du récit m'ont complètement séduite, et parvient à nous rendre attachant ce personnage qui ne le voudrait peut-être pas, du moins pas consciemment. Il parvient même à nous faire comprendre l'attitude des collègues moins fréquentables, tant il en parle avec la bienveillance et l'empathie de celui qui sait parfaitement ce que chacun vit et ressent. On se prend alors à penser que, pour parler avec autant de naturel poétique, brut certes, c'est qu'une belle sensibilité survit coriace sous la carapace.


« Dans un endroit comme Solak où on est quatre bonshommes obligés de frayer ensemble sur un bout de presqu'île glacée, y a un contrat tacite pendant la grande Nuit. On frôle les autres, mais on cherche pas à entrer vraiment en contact avec eux. Faut surtout pas péter la fragile bulle que chacun a soufflé autour de lui et dans laquelle il s'est enroulé pour supporter l'égouttement des jours sans lumière et du froid indescriptible qui ont piqué la vie au sol. »


Enfin, je gardais le meilleur pour la fin : On perçoit dès le départ la tension palpable qui monte entre les personnages, ainsi que la catastrophe vers laquelle chaque mot du narrateur nous amène. Ce que l'on ne sait pas encore, c'est ce qui va vraiment se produire, comment, ni même le pourquoi… Jusqu'à la fin ! Fin que je n'avais pas vu venir, tellement accaparée par les personnages, la beauté de la langue et cet univers en blanc et noir, dans lequel j'ai été totalement aspirée.


« Rien ne le retenait, on aurait dit qu'il voulait dissoudre la glace, croquer le blanc qui venait pourtant tout juste de prendre comme de bons gros oeufs en neige qui menaçaient encore par endroits de s'affaisser, parce que c'est une bête assoupie la banquise, jamais vraiment endormie, on sait pas si elle va pas cambrer le dos, s'étirer d'un coup et vous gober couillons sous la coque de sa surface. Faut pas penser à ça quand on lui chatouille l'échine, à l'idée qu'on avance sur une pellicule de quelques dizaines de centimètres d'épaisseur sous laquelle est ventousée l'énorme bouche de l'océan avec ses grosses lèvres rondes qui attendent que ça, de vous super, un peu comme celles des poissons nettoyeurs sur la vitre des aquariums. »


Beau, profond. Magistral. 120 pages qui pèseront bien plus lourd dans votre vie de lecteur. A LIRE absolument, vous m'en direz des nouvelles !
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Un drapeau et une poignée de baraquements dans l'étendue arctique : c'est là, sur la base militaire de Solak, que cohabitent péniblement le climatologue Grizzly et deux engagés au passé trouble, Roq et Piotr. L'arrivée d'un jeune soldat stressé, difficile à cerner et muet, juste avant que ne commence la grande nuit de l'hiver arctique, vient bousculer le précaire équilibre du petit groupe. La tension devient si explosive que le drame semble inéluctable.


La couverture plante le décor, les premiers mots nous y jettent. Nous voilà brutalement livrés aux conditions extrêmes d'un territoire sauvage et glacé, bientôt prisonniers de la nuit âpre et sans fin de l'hiver polaire où tout est danger, au physique comme au moral. Car, tandis que blizzards, crevasses et ours risquent à tout instant de ne faire des hommes qu'une bouchée, l'ennui et la promiscuité du confinement ont de quoi ébranler les nerfs les plus solides. Alors, quand s'éloigne le dernier hélicoptère ravitailleur avant l'embâcle et la nuit polaire, c'est comme un couvercle d'angoisse et de tension qui s'abat sur le lecteur et les exilés de Solak.


Livrés à eux-mêmes loin de toute civilisation, les hommes ne tardent pas à se révéler dans leur vérité la plus nue. Si Grizzly est un idéaliste totalement investi de sa mission écologiste, les autres ont tous échoué ici pour de sombres raisons. Roq n'est que rapport de force et brutalité, la jeune recrue méfiance et tension nerveuse, pendant que Piotr, le plus âgé et le plus expérimenté puisqu'il survit à Solak depuis vingt ans, cache sous sa rugosité désabusée, la blessure et la culpabilité d'un passé dont il semble chercher malgré lui une forme de rédemption. C'est sa voix, brutale et crue, qui nous raconte sans ménagements et avec la force de sa colère, cette implacable histoire dont l'ultime, et pourtant attendue, déflagration prendra tout le monde au dépourvu.


Les mots de Piotr, sortis sans apprêt des tripes de cet homme, ont la puissance de carreaux d'arbalète. Directs, à l'os, ils s'enchaînent sans respiration dans une montée d'angoisse dont on sait d'avance qu'elle mène à une tragédie plusieurs fois annoncée. Mais, surtout, ils sont illuminés d'une beauté singulièrement poétique malgré leur expression brute et parfois triviale, si sincère et si spontanée. Innombrables sont les phrases que l'on s'attarde à relire dans une délectation stupéfaite et éblouie, avec la certitude de découvrir, dans ce premier roman, une plume d'exception dont on attendra avec impatience les prochaines productions.


Cette petite merveille de livre rejoint sans coup férir la très sélective liste de mes coups de foudre.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Sur la presqu'île de Solak, au nord du cercle polaire arctique, trois hommes affrontent les rafales de vent glacial provoquées par l'hélico. Une fois la nouvelle recrue et le ravitaillement déposés, il repart avec le cercueil d'Igor. Piotr remarque aussitôt combien le gamin, au regard d'iceberg, semble tout frêle, malgré l'épaisseur de ses vêtements. Aucun mot échangé lors des présentations et, pour cause, le gamin est muet. Une situation qui étonnent Piotr, militaire installé depuis 20 ans à Solak, chargé de surveiller le territoire et la tenue du camp, Grizzly, un scientifique venu ici pour mesurer la glace et dont le départ est prévu après la grande Nuit et Roq, un militaire un peu rustre mais bon chasseur. Que sont donc venus faire ces hommes à l'autre bout du monde, isolés et soumis à un climat rugueux ? S'il faut savoir composer avec le froid, les ours ou encore la grande Nuit qui approche, c'est surtout la promiscuité et le passé de chacun qui, immanquablement, vont installer, dès les premiers jours, ce climat de tension...

Solak, une terre hostile, loin des terriens, soumise à de rudes conditions climatiques et où les mots nuit et jour n'ont parfois plus de sens... C'est ici que vivent trois hommes, Grizzly, Piotr et Roq, bientôt rejoints par une nouvelle recrue. Immersif, pénétrant, l'on est saisi, dès les premières pages, par ce huis clos glacial planté au coeur de ces immensités blanches. Saisi par ce froid mordant, par ces hommes au caractère rustre, au passé trouble et dont on ignore les raisons de leur présence à Solak, par cette ambiance tendue et nerveuse, par cette promesse d'une nuit qui ne finira jamais et par cette plume rude, à vif, tranchante comme la glace et poétique à la fois. Caroline Hinault dépeint, de son oeil implacable, la cohabitation de ces quatre hommes si différents, prisonniers à la fois de Solak, de leur promiscuité et de leur passé, et cette nature, tout à la fois grandiose et hostile. Une lecture en apnée dont on ressort haletant, abasourdi, presque abattu, admiratif surtout...
Un roman surprenant et profondément noir, telle cette grande Nuit qui aura scellé le destin de ces hommes...
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Comment se rafraîchir quand on est en train de rôtir sur une plage, sous un soleil caniculaire ? Bien sûr, il y a l'océan, 19°, ça vous saisit un peu quand il fait plus de 30 sur la plage, Mais on ne peut y rester toute la journée. L'autre solution c'est de plonger dans la grande Nuit arctique et d'ouvrir Solak. Frissons garantis, et ce n'est pas que le froid…

Un bout de banquise où flotte un drapeau, des baraquements décrépits, trois militaires pour garder ce territoire, investis de « cette mission tellement conne qu'elle en devenait sublime, garder un drapeau sur un glaçon, revendiquer la propriété du blanc et du vide, faut le faire quand même, ». Il y a aussi un scientifique, écologiste, qui est là pour faire des mesures et monter au reste du monde que oui, la terre se réchauffe. Il est un peu à part.

Deux des militaires sont là depuis plusieurs années, un vient juste d'arriver, étonnamment jeune, étonnamment frêle. Il arrive pour remplacer un qui s'est suicidé. Il dénote : qu'a-t-il fait pour mériter cette affectation ? Pourquoi est-il là ? Les deux anciens, on préfère ne pas savoir pourquoi on les a exilés, sur ce coin de terre perdue. Ce n'est plus la terre d'ailleurs, puisque les terriens ce sont les autres, ceux qui vivent ailleurs, « dans des contrées peuplées où flottent des peaux douces et des caresses, ».

L'auteure raconte dans une écriture nerveuse, aux fulgurances étonnantes, les quelques mois qui suivent l'arrivée de ce « gosse ». C'est Piotr le plus ancien ici qui raconte, l'arrivée du nouveau, les quelques semaines d'été, puis la grande Nuit qui va durer plusieurs mois, et le froid, terrible, qui empêche quasiment toute sortie. Alors la tension monte, entre ces hommes qui ne partagent pas grand-chose, à part quelques parties de cartes. On sait depuis le début que cela va mal finir, on ne sait pas qui, comment, mais ils ne seront pas tous là au retour de l'hélico. Et les évènements vont se précipiter, un final éblouissant, aux révélations pour le moins inattendues.

Encore un livre que je n'aurais pas lu sans Babelio. Merci à Onee et à tous les babelpotes qui ont suivi son exemple pour avoir attiré mon attention sur ce court mais ô combien intense roman.
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C'est un bout de glace à la dérive comme le sont les continents intérieurs.
Ici, c'est la banquise à perte de vue, l'infiniment blanc.
C'est une horizontalité minérale, solitaire jusqu'à l'os.
Nous sommes au nord du cercle polaire arctique. Sur ce territoire qui s'apparente à une presqu'île et qui s'appelle Solak, trois hommes cohabitent comme ils peuvent avec des missions bien particulières. Il y a tout d'abord Grizzly, un scientifique taiseux, professionnel du climat préoccupé d'aller relever sa sonde tous les jours. Il aime se pencher avec philosophie sur l'état déplorable du monde, aime lire les grands auteurs... Il y a Roq et le narrateur Piotr, deux soldats dont je ne suis pas curieux de connaître le passé trouble qui les a amenés ici ; leur mission consiste à défendre, à surveiller le drapeau d'une nation, hissé au milieu de cette station polaire. Les lectures de Roq, quant à elles, se cantonnent à des magazines pornographiques dont les pages sont froissées, jaunies, à force d'avoir été triturées dans tous les sens... Autant vous dire que les palabres philosophiques, écologiques ou bien disserter sur Shakespeare, ce n'est pas trop sa tasse de vodka...
Cohabiter, survivre...
Ils étaient quatre, si l'on compte un certain Igor qui n'a pas survécu... Alors il faut le remplacer, c'est aussi simple que cela... Qu'à cela ne tienne, déchirant la blancheur sidérale du paysage, un hélicoptère ravitailleur approche en vol stationnaire, il vient d'hélitreuiller sur Solak un jeune soldat, juste avant l'hiver arctique et la grande nuit polaire qui s'apprête à commencer. À la faveur du ravitaillement, le jeune militaire est à peine déposé sur le sol que l'hélicoptère s'éloigne déjà, repart avec la dépouille d'un soldat presque inconnu vers le monde des terriens, vers le monde des vivants j'ai presque envie de dire, refermant le couvercle sur cet espace désormais clos. La grande nuit peut commencer...
Parmi la cargaison déposée, figurent des denrées précieuses pour survivre, tenir le coup, pas forcément tenir débout car si la vodka sait ouvrir le paysage, y déverser des torrents de lumière, des rires de femmes, des ciels constellés d'aurores boréales, le voyage pose très vite ses limites et son fardeau au tangage de la nuit.
Le décor est ainsi planté dès les premières pages ainsi que son comité d'accueil.
Oui, survivre, Piotr le narrateur en sait quelque chose sur le sujet, cela fait vingt ans qu'il est là... Quand on est ici de manière volontaire, - car c'est un choix pour ses hommes, on peut s'interroger sur la férocité et la vacuité de leurs existences d'avant, avant de poser le pied sur cette étendue à la fois immaculée et pleine de brutalité.
La grande Nuit s'apprête à venir...
« le lendemain matin, elle était bien là, main dans la main, avec l'hiver comme deux esprits malins qui nous auraient cousu le visage dans notre sommeil. La grande Nuit. »
Les mois vont alors se succéder, un par chapitre, d'août à mars...
Solak est bien plus qu'une île, c'est un huis-clos oppressant. Et comme dans tout récit construit sur ce registre, il y a toujours un élément perturbateur qui arrive, un caillou dans la chaussure, quelque chose qui va dérégler le cours des planètes à jamais...
On l'appelle le gosse, le môme, cette nouvelle recrue qui vient de débarquer, qui commence à prendre ses marques, composer avec l'humanité d'ici. Il y a de la tristesse dans son regard. Il ne parle pas, et pour cause, il est muet, d'un silence aussi impénétrable que la nuit polaire, mais il écrit, écrit beaucoup sur un cahier, déchirant parfois les pages quand il veut s'exprimer aux autres...
On sent bien que son arrivée est de nature à perturber un équilibre déjà si fragile, si instable. Et puis Roq, il ne faut pas le provoquer, Grizzly et Piotr en savent quelque chose...
Une étendue immaculée, quelques baraquements...
De temps en temps rôde celui qu'on appelle le Pater, l'ours blanc... Je me suis demandé au fil des premières pages d'où pouvait venir le danger dans cette histoire, à quel endroit se situait la sauvagerie d'un tel lieu, la menace... Plus tard, je ne me posais plus ce genre de questions...
Survivre, se confronter...
J'ai aimé ce récit féroce, abrupt, qui ressemble par moments à une tragédie antique ou à d'autres moments à une odyssée solitaire et intergalactique jetée hors du temps.
J'ai aimé vivre avec la pensée du narrateur, ses réflexions, son angoisse existentielle, parfois la vodka vient poser un peu de détachement lorsqu'il questionne l'humanité, l'état du monde, parfois la vodka aide à panser de vieilles blessures mal refermées... D'autres fois il se contente de se tenir à distance de ceux-là avec lesquels il est condamné à partager cette solitude qui fait tant de bruits en lui...
J'ai aimé le style, l'écriture âpre de Caroline Hinault, ses phrases acérées, qui secouent, qui cognent au ventre...
Il y a une tension qui va aller crescendo, j'ai été emporté dans la fulgurance d'une comète et je n'imaginais pas qu'elle traverserait les pages de cette grande nuit polaire dans une déflagration d'une telle intensité.
Solak, c'est la solitude à l'état pur, c'est le soleil qui est passé dans l'envers du décor et qui n'est pas prêt à refaire surface. Solak, c'est un cri nu jusqu'au bord ultime de la nuit, emportant les aurores boréales et leurs dernières illusions...
Solak, un mot imaginaire qui claque comme le tempo d'un jazz de Mile Davis et qui vient rayer la grande nuit, So what ! So what !
Un coup de coeur que je vous supplie de lire !
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Un camp militaire sur une presqu'île imaginaire au nord du cercle polaire arctique.
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L'autrice nous propose un huis-clos dans quelques baraquements isolés dans l'immensité glacée.
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Au milieu des installations militaires, un drapeau et trois mecs pour le garder...
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Un quatrième, appelé "le gamin", est héliporté pour remplacer Igor, qui s'est suicidé.
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Hormis le dernier arrivé, les autres sont là depuis des années, supportant entre autres la présence du soleil et sa disparition pendant 6 mois.
En début de livre, c'est très bientôt la nuit.
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Le paysage est beau à couper le soufle, et Caroline Hinault le décrit parfaitement tout comme elle apporte un soin particulier à la description des personnages.
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Loin de toute civilisation, coupés du monde, le comportement des protagonistes est intéressant à observer.
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Grizzly, scientifique idéaliste, écologiste calme et posé, aime la poésie.
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Roq, brut de décoffrage, sans coeur, ne connaît que les rapports de force et élimine chaque animal qui passe à la portée de son fusil.
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Enfin, Piotr, le plus âgé, sur place depuis 20 ans.
Plein de colère et d'énergie, c'est lui le narrateur et je dois reconnaître que dans sa voix réside la force du récit.
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Le roman est puissant, la tension palpable, on ne peut s'empêcher de continuer à lire malgré le malaise qui nous étreint.
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Pour un premier roman, l'autrice frappe très très fort.
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Mais je n'ai pas aimé du tout.
Les souffrances infligées aux animaux, adultes comme bébés, m'ont été insupportables.
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Le fou de la gachette évoqué plus haut ne fait pas dans le détail. Les états d'âme, il ne connaît pas.
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J'espère avoir réussi à être impartiale dans mon retour sur ce roman, parce que je ne vous cache pas que je ressors traumatisée de ma lecture.
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L'ours blanc rôde autour du camp… L'hiver, la grande Nuit, les aurores boréales et leurs colliers d'étoiles, bienvenue en terre hostile, dans un huis-clos glacé et étouffant, qui emprisonne sur la vaste étendue blanche, au milieu de rien… Mais ne croyez pas que l'été se révèle plus clément pour l'organisme, pauvres naïfs, car alors le soleil aveuglant brille sans discontinuer, rendant difficile sommeil et repos.
À la fin des années 1990, trois hommes marquent leur territoire, ils sont sur la presqu'île de Solak, au-delà du cercle polaire arctique, chacun a ses raisons d'être là, les officielles et les moins avouables.
Grizzly est un scientifique qui réalise des relevés météorologiques, les militaires, le vieux Piotr, le narrateur, et Roq, son subordonné ivrogne, sont là pour veiller sur un drapeau et vérifier qu'aucune armée ennemie ne viendra poser le pied sur la banquise.
Mais en ce jour d'aout, l'hélico de ravitaillement se livre à un ballet bien particulier, car en plus de l'habituelle livraison de vivres et autres denrées indispensables, le cercueil d'Igor est remonté à son bord. En remplacement d'Igor, un jeune homme, surnommé le gosse par Piotr tout au long du roman, est déposé sur la banquise pour prendre sa place.
Très vite, le gosse inquiète Piotr par son étrangeté, son inadaptation à l'environnement, qu'a-t-il donc fait pour échouer là ? Son regard bleu acier le transperce et Piotr se sent mal à l'aise, il sent qu'un jour ou l'autre la poudrière entre eux va exploser, mais il ne sait pas dire qui en sera la victime ni quand cela aura lieu.

Un style tranchant comme une lame, Caroline Hinault se glisse dans la peau du vieux Piotr avec un accent de vérité et un mordant bluffant. L'humour est sombre, gluant, noir, très noir dans tout ce blanc. La tension palpable est distillée à juste dose, les personnages et Solak sont brossés à coups de scalpel. L'immersion est totale, addictive, désespérément jubilatoire. le tout s'achève dans un ultime feu d'artifice avec un final renversant !
Est-il vraiment utile de conclure en disant que je ne peux que vous recommander cette lecture pour vous rafraîchir cet été en prenant une bonne paire baffes de blizzard en pleine figure ?
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