Lorsque ce dernier se mit à parler des goûts singuliers que les femmes éprouvaient dans cet état, et auxquels elles ne pouvaient résister sans nuire à leur santé et même à celle de l'enfant, la comtesse accabla le médecin de questions, et celui-ci ne se lassa pas de lui citer les faits les plus burlesques :
- Cependant, ajouta-t-il, on a aussi des exemples d'envies déréglées, qui ont poussé des femmes à d'horribles actions. Ainsi, la femme d'un forgeron eut un désir irrésistible de manger de la chair de son mari ; elle fit de vains efforts pour le combattre, et un jour que le forgeron était rentré ivre chez lui, elle l'assaillit un couteau à la main, et le déchira d'une manière si cruelle qu'il expira quelques heures après.
(La femme vampire)
L'ivresse et les douces espérances de messire Luktens se changèrent en désolation, quand, au lieu du joli garçon que la vieille Barbara Rollofin avait annoncé, sa femme mit au monde un monstre abominable. Ce phénomène était tout brun, avait deux cornes, de grands et gros yeux, point de nez, une bouche colossale, une langue blanche et contournée, et point de cou. Sa tête se trouvait fichée entre les épaules, son corps était ridé et gonflé ; ses bras étaient attachés aux reins, et ses cuisses étaient grêles et minces.
Messire Lutkens éclata en plaintes et en sanglots : "Juste ciel ! s'écria-t-il, qu'est ce que cela va devenir ? A-t-on jamais vu un conseiller tout brun avec deux cornes sur la tête ?"
(Le diable à Berlin)
VLEEL 215 Rencontre littéraire autour d'E.T.A Hoffmann, Éditions du Typhon, Lecture Laurent Stocker