Dans les années 20, à Oklahoma, les médiocres terres données aux Indiens révèlent soudain d'incroyables richesses pétrolières dans leur sol. Certaines familles de la tribu deviennent alors très riches et attirent la convoitise des Blancs qui ne supportent pas que les Indiens aient une vie meilleure que la leur.
L'auteure, elle-même amerindienne, décrit avec humour ces nouveaux riches qui ne savent pas comment utiliser leur argent et calquent leurs dépenses sur celles des Blancs en achetant des voitures luxueuses alors qu'ils ne savent pas conduire, ou se couvrent de bijoux et de fourrures sans en avoir l'usage.
Cette attitude parfois immature conforte le racisme des Blancs qui utilisent cet argument pour les priver des ressources de leurs terres.
Ainsi ils n'hésitent pas à promulguer des lois qui n'accordent aux Indiens que la jouissance de 10% des revenus générés et à leur imposer des tuteurs blancs chargés de gérer leur fortune, ou plus exactement de la confisquer.
Les Indiens " savaient toutefois que les tribunaux usaient de cet argument contre eux, les considéraient comme des enfants dépourvus de toute intelligence. "
Certains d'entre eux essaient de reprendre le contrôle de leur vie, ainsi Belle la matriarche de la famille à qui les avocats répondent :" Vous êtes Indienne. Vous ne pouvez pas faire valoir vos droits. Les Indiens ne sont pas citoyens, et la requête doit passer par un tribunal des États-Unis."
Sur le scandale de cette confiscation,
Linda Hogan livre le roman des meurtres qui ont été commandités par des Blancs avec l'appui du shérif et autres complices.
La première victime fut une Indienne riche et indépendante Grace Blanket, qui fut assassinée parce qu'on n'avait pas trouvé le moyen de s'emparer de ses terres . Il faut savoir qu'à l'époque des Blancs épousaient des indiennes, avant de les tuer pour hériter.
La famille de Belle, la famille Graycloud recueille sa fille Nola, qui est à son tour menacée et sur qui veille quatre mystérieux indiens, les guetteurs . Autour d'eux, les morts suspectes et les emprisonnements abusifs se multiplient.
Jusqu'au jour où alerté par ces nombreux crimes, le FBI envoie un de ses agents pour enquêter, un Sioux lakota qui veut résoudre les meurtres.
Le roman dénonce également les désastres écologiques causés par l'exploitation massive et désorganisée du pétrole. Au point de défigurer les paysages.
"Il y avait un immense cratère profond de cinquante pieds sur cinq cents de diamètre, creusé par l'explosion d'un puits de gaz. Ce trou dans le sol avait, un an plus tôt, englouti cinq ouvriers et dix mules. L'eau avait quitté ce terrain à jamais, les arbres étaient morts et l'herbe jadis haute et drue, était noir charbon, calcinée. Les voitures longeaient ce lieu hideux et passaient encore devant une exploitation pétrolière où des pompes alimentées au diesel fonctionnaient nuit et jour. Ces champs blessés étaient bruyants et sombres, le sol noirci et gras. Des flammes bleues s'élevaient et grondaient, telles des torches à gaz. La terre saignait- sang de pétrole. "
C'est également en valorisant le lien fort des Indiens avec la nature que l'auteure trouve son argumentation. La description des paysages, des plantes, des animaux, des ruisseaux et des cascades sert parfaitement un discours qui milite pour l'équilibre du vivant, pour le partage des beautés de la nature.
Elle oppose ainsi l'attitude des Indiens de la ville à celle des Indiens des collines qui n'ont pas la même conception de la richesse. le retour aux légendes ancestrales, aux cultes et au mode de vie semble être le meilleur moyen de résister.
" Lorsque le soleil se leva sur l'horizon, le Cercle des Anciens s'était déjà réuni et avait décidé de cacher le chemin d'accès au village. Ils craignaient la folie de ceux qui vivaient en ville comme une maladie contagieuse, tenaient à s'assurer que ce vent de folie ne se formerait pas en tornade pour remonter le sentier et balayer leur monde. "
Ceux qui vont tenter ce retour se sentiront régénères, comme Belle ou l'agent du FBI, mais le lecteur ne se berce pas d'illusions et sait bien que ce choix ne peut être pérenne.
Ainsi ce roman nous permet de découvrir un nouveau pan de la spoliation exercée par les américains sur les Indiens. Il révèle également une vision du monde et une spiritualité dont les cultures autochtones d'Amérique seraient dépositaires et qui pourraient fournir des réponses sages aux questions que se pose un monde obsédé par l'argent.
De nombreux passages décrivent une forme de religion de la nature, où les plantes et les animaux seraient les égaux des êtres humains et une source d'énergie positive.
Tout cela est passionnant et pourtant le roman souffre d'un défaut de construction qui rend la lecture parfois pénible. Comme si certaines pages étaient dans le désordre !
Cette impression est renforcée par la multiplication de personnages secondaires qui sont délayés dans le roman sans qu'on puisse ni comprendre leur rôle, ni savoir ce qu'ils deviennent.
De la même manière,
Linda Hogan consacre de nombreuses et belles pages à un personnage pour passer soudainement à un autre, sans indice de transition, ni même espace typographique. En résulte un sentiment de confusion qui nuit à la fluidité de la lecture.
Ce qui est d'autant plus perturbant que ce roman a bien d'autres qualités.