Une fine histoire du Zen et du Ch'an
Publié en 1980, édité par Albin Michel en 1984, 1989 puis 1997, voici un ouvrage important sur le Zen traduit par l'inévitable
Marc de Smedt et
Nelly Lhermillier. Il fut également et inévitablement publié dans la formidable collection Spiritualités Vivantes, mais il eut les honneurs d'une version grand format avec une couverture semi-rigide très résistante. C'est un livre qui va survivre, je vous l'assure !
L'Expérience du Zen (car oui, cette philosophie est avant tout une pratique, un empirisme) a du connaître un franc succès, car on le trouve facilement d'occasion et pour un prix abordable Et franchement, cet ouvrage long de 300 pages devrait être réédité par Albin Michel : il est effectivement de qualité.
Il y a quelques livres de ce type semblables à celui-ci : il le faut bien. Par bien des aspects, le Zen reste et demeure pour beaucoup mystique et mystère, quand bien même on dira de lui que non, il est bien pratique et concret. On notera que
Thomas Hoover, à l'instar d'
Alan W. Watts qui l'avait bien souligné, remarque que le Zen a ses racines dans le Taoïsme, donc dans quelque chose d'évanescent, et a contrario également dans l'esprit chinois très concret. Ces aspects se retrouvent évidemment dans la glose et la gnose de
Thomas Hoover, qui pour moi est un parfait inconnu, mais qui il y a 30 ans – déjà ! – était considéré comme une pointure dans son domaine.
En effet, L'Expérience du Zen de
Thomas Hoover se veut être un regard de chercheur universitaire mais vulgarisateur à la fois : il lui fallait gagner son public, qui a toujours soif de comprendre cet art sino-nippon. L'auteur remercie au passage dans on livre d'autres pointures : D.T Suzuki,
John Blofeld, Chang Chung-Yuan, Charles Luk. Toutefois, à la lecture, il est difficile de déterminer si
Thomas Hoover n'est qu'un « pur esprit » ou s'il s'est vraiment assis en zazen à de nombreuses reprises. Voyez la suite.
On trouve cette citation inscrite avant la préface, de Garma C.C. Chang : « L'unique objectif du Zen est de permettre de comprendre, de réaliser et de perfectionner son esprit« . Un but tout à fait bouddhiste. Alors pourquoi s'intéresser au Zen ?
Justement, la Préface est très éclairante et importante à mon sens dans cet ouvrage. Je vous copie un passage sur lequel on tombe très vite à la lecture :
« le Zen est fondé sur la reconnaissance de deux types incompatibles de pensée : la pensée rationnelle et la pensée intuitive. La rationalité emploie le langage, la logique, la raison; ses préceptes peuvent être enseignés. La pensée intuitive est bien différente. Elle se dissimule au-delà des mots, enfouie au tréfonds de notre conscience. Contrairement à la pensée rationnelle, l'intuition ne peut être enseignée ou même stimulée. En fait, il est impossible de trouver ou de manipuler cette conscience intuitive en utilisant notre esprit rationnel – pas plus que nous ne pouvons nous serrer la main ou voir notre oeil. […]
le but à atteindre est la perception intuitive d'une grande et unique connaissance – celle que le monde qui nous entoure et nous-même ne formons qu'un, que nous appartenons l'un et l'autre à un absolu plus vaste qui englobe toute chose. Notre intelligence rationnelle obscurcit simplement cette vérité, et c'est pourquoi nous devons l'interrompre, ne serait-ce qu'un instant. La rationalité conduit notre esprit; l'intuition le libère.«
Puis quelques lignes plus loin,
Thomas Hoover…enchaîne sur « le Taoïsme : la Voie vers le Zen ». Incontournable ! Hoover, plus loin, relèvera les contradictions évidentes entre Taoïsme et Zen, et la recherche paradoxale des deux à vouloir absolumet s'unifier. Et juste après cette porte sans porte, vient une partie intitulée, elle aussi incluse dans la Préface : « les racines bouddhiques su zen » : elles viennent donc bien après. Car le Zen débute avec une légende : celle d'une fleur que la Bouddha tourne dans ses doigts, et Kasyapa répondant à ce geste par un sourire… Y'a-t-il plus mystique et mystérieux ?
Thomas Hoover, comme il le fera dans la suite de l'ouvrage en développant cela, égraine alors les noms et les histoires « des grands maîtres du Zen » dans un classique déroulé d'une Histoire du Zen qui suffirait en elle-même à expliquer le Zen. Ceci explique en partie cela, mais l'on ne peut se limiter à la rationalité : il faut en passer par l'intuition qui naît de la pratique.
Même si anthologie nommée L'Expérience du Zen porte bien son sous-titre, sans surprise – « L'Évolution historique du Chan et du Zen à travers les vies et les enseignements de ses plus grands maîtres » – le sérieux qu'Hoover emploie dans sa démonstration du Zen fait de ce beau livre un ouvrage de référence sur le sujet – qu'Albin Michel, je le répète, doit à toux prix rééditer !
Procurez-vous le en attendant ! On ne sait jamais…on ne sera peut-être plus là demain.
Bonne lecture !
Zui Ho.
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