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3,71

sur 3889 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Et moi,et moi et moi…Sans fausse modestie, Michel Houellebecq construit un roman à l'architecture extrêmement savante, sa carte.
Construction dans laquelle s'inscrivent, par touches souvent cocasses ou faussement dérisoires, les éléments constitutifs d'un tableau de la société telle que l'auteur la voit, telle qu'il s'en moque, telle qu'il s'en désespère sans doute :
le règne de l'argent et de la vulgarité, les impostures médiatico-mercantiles en vogue...
Au long d'un fil narratif fermement tenu,derrière une intrigue drôlatique, il livre sa vision tourmentée du monde – donnant lieu à de vraies ouvertures métaphysiques –, où trouvent place ses intuitions, sur l'expérience humaine, sur la place de l'homme dans L Histoire, dans le temps et l'espace.
"La carte,c'est mieux que le territoire", la représentation du réel serait-elle mieux que le réel pour Jed?
Pour Houllebecq,un simple radiateur devient un roman, une leçon d'écriture...
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En suivant le parcours de Jed Martin, artiste plasticien, le narrateur –car il faut l'appeler ainsi puisque l'écrivain est devenu un personnage – s'interroge sur sa propre destinée et nous embarque dans tout ce qui peut constituer notre vie d'aujourd'hui : le quotidien banal devenu déclencheur de destin (une panne de chauffe-eau, la lecture d'une carte Michelin…), la gloire et l'argent, la notoriété, la France et son économie, le tourisme, la ruralité, la mort … autant de thèmes chers à l'auteur et qu'il varie à l'envi pour déboucher dans une troisième partie qui lorgne vers le polar et un épilogue aux accents d'anticipation.
Voilà un livre compact et tout y est traité de façon parfois pédagogique voire un peu démonstrative mais tellement nécessaire. Ainsi lorsque le narrateur parle d'un chien, il fait l'historique de sa race, s'il s'intéresse à un nouveau personnage, on a droit à sa fiche signalétique, son parcours professionnel, ses amours, amitiés rencontres… mais avec juste ce qu'il faut de vraisemblance et d'humour pour ne pas sombrer dans l'ennui. Tout cela relance la machine, nous aide à en comprendre les rouages. Bien sûr nous avons droit au Houellebecq qui cite les marques, se documente sur la photographie, le travail du policier mais ce qui reste fascinant c'est l'utilisation qu'il fait des personnes réelles transformées ici en personnages : les artistes Jeff Koons et Damien Hirst mis en abyme dans un tableau de Martin ainsi que Bill Gates associé sur la toile à Steve Jobs pour finir par se représenter lui-même « Michel Houellebecq, écrivain » sur une toile de cet artiste fictif, dans une série qu'il fait sur les métiers dont certains disparaissent au profit d'autres. On rencontre par ailleurs des personnes des médias (Jean-Pierre Pernaut ou Frédéric Beigbeder…)
Reste la mise en scène de l'écrivain lui-même. Il semblerait que ce soit assez la tendance – bien que Houellebecq y parvienne avec assez de talent, de détachement et d'humour – puisque Brett Easton Ellis, écrivain américain de la même génération que Houellebecq l'a fait dans Luna Park. Il est intéressant de constater que ces écrivains remettent à plat les rapports qu'entretient l'auteur et le narrateur qu'on nous interdit de confondre durant nos chères études, à juste titre d'ailleurs. Comment parler mieux de la mort en mettant en scène son propre enterrement? Comment mieux parler de soi en se mettant à distance géographique (Martin rencontre Houellebecq en Irlande), dans le regard des autres personnages et de soi-même et en devenant à son tour objet de fiction ? Tout est repensé.
Il y a dans ce roman plusieurs couches –comme dans un tableau d'ailleurs- où l'on retrouve le roman de l'ascension sociale à la Balzac (Jed Martin passe de l'anonymat à la gloire et la reconnaissance), une réflexion sur l'économie de notre pays, devenu un centre touristique mais où la ruralité change , de même que l'approche des autochtones ont vis-à-vis des étrangers – on parle ici de la Creuse –qui passe de paysans ancrés dans leur monde à de rurbains venus s'installer pour développer des entreprises ouvertes sur le monde via internet, les éternels rapports père-fils, ascendance/ continuité, la vie sociale et la vie solitaire, l'amour fugitif et magique …, c'est un peu les Galeries Lafayette de la littérature, avec une pensée parfois un peu conventionnelle du narrateur : sur le mouton-phrase qui m'a fait bondir !- alors que Martin lui rend visite en Irlande, le personnage Houellebecq qui a peur de se couper les doigts sur une tondeuse, justifie le mauvais entretien de sa pelouse ainsi :
"Je pourrais acheter un mouton, mais je ne les aime pas. Il n'y a pas plus con qu'un mouton." (138)
De même, cette haine des moutons fonctionne à mon sens avec l'amour du chien et l'admiration de Pernaut. C'est un portrait très compact du français moyen, non ?
Je reste admiratif de Houellebecq néanmoins car son roman n'est jamais ennuyeux et hautement créatif.
Un Goncourt mérité.
Sans rancune!
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Je voulais vérifier que La Carte et le territoire était bien mon Houellebecq préféré. D'où ma deuxième (mais pas dernière) lecture. Bon ben c'est clair, La Carte et le territoire est mon Houellebecq préféré. Je l'ai même préféré à la première fois que je l'ai lu. Dans la Carte et le territoire, pas de scène de cul hardcore qui ne sert à rien comme dans Sérotonine ou Soumission; dans la Carte et le territoire, pas d'incitation au suicide comme dans Extension du domaine de la lutte, La possibilité d'une île ou Sérotonine. La Carte et le territoire est une merveilleuse "leçon" (au sens noble) de géographie, notamment sur les transformations des espaces, de gastronomie française, d'art contemporain, d'artisanat, d'architecture, de sociologie; un hymne au travail bien fait, à la France, à la nature. C'est mélancolique mais pas déprimant (pour une fois). Et puis, le trait de génie de Houellebecq c'est de s'être mis lui-même en scène dans son propre rôle et avec une truculente auto-dérision. J'ai adoré adoré adoré. Et je revendique le droit de me proclamer plus grande fan de Houellebecq de France, allez d'Antony.
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J'ai pratiquement lu tous les romans de Michel Houellebecq et ce Goncourt était passé au travers des mailles du filet pour une obscure raison que j'ai oubliée.
Bref ! Bien que ce roman ne soit pas mon préféré, j'ai toujours autant ri ! Oui, je l'ai déjà écrit, Michel Houellebecq me fait rire à m'en déboiter la mâchoire !
Décidemment, et au risque de me répéter, j'adore l'humour caustique de cet auteur, son cynisme, sa mauvaise foi, ses provocations, ses caricatures d'une société en perdition et sa vision tellement pessimiste du monde !
Dans « La carte et le territoire », qui traite le quotidien et sa banalité affligeante, l'auteur aborde des sujets de la vie de tous les jours : la relation avec son père, l'euthanasie, l'artiste devenu riche et ses problèmes de chauffe-eau, la culture, le domaine de l'art, sa relation amoureuse
Il sait aussi rire de lui-même en se mettant en scène et présentant comme un écrivain ivrogne, désabusé, asocial, antipathique, accroc des bordels thaïlandais et de la charcuterie !
Un style léger, authentique et à mon sens, une vision très juste de notre société, une chronique de notre époque.
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Un 5 étoiles tant pour : les personnages, l'intrigue, l'analyse du monde de l'art et l'intelligence de reflexion sur notre société, et l'ecriture bien sûr. Premier livre de Michel que je lis mais je l'ai lu en 2 jours sans le lâcher. Ouah je vais continuer à lire ses autres livres...
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Après un vote, peut-être le plus rapide de son histoire, 1 minute et 29 secondes, le jury du Prix Goncourt a été décerné, en 2010 à un livre déjà vendu à plus de 200 000 exemplaires : "La carte et le territoire", de Michel Houellebecq. Depuis 1998, cet écrivain passe à côté de cette récompense très prisée. Tour à tour, avec "Les particules élémentaires" puis "Plateforme", en 2001, et encore "La possibilité d'une île", en 2005, l'auteur français, qui possède le plus grand rayonnement à l'étranger, a échoué dans cette compétition littéraire. Ce succès explique la bousculade sans précédent, frôlant l'incident grave, qui s'est produite chez Drouant, le fameux restaurant où se réunit le jury que présidait Edmonde Charles-Roux, lorsque le lauréat est arrivé pour recevoir son prix, un chèque de…10 euros !
"La carte et le Territoire" raconte l'histoire d'un jeune peintre à succès, Jed Martin, et d'un écrivain célèbre nommé…Michel Houellebecq. Ce livre jette une lumière crue sur le monde contemporain, mettant en évidence les dérives de la société de consommation, les mirages de la célébrité mais aussi le lent naufrage d'un pays entièrement voué au tourisme où l'image l'a définitivement emporté sur la réalité. A son écriture sans fioriture, magnifiquement rythmée et imprégnée d'humour, Michel Houellebecq ajoute cette fois une forme de tendresse désespérée.

Pour cet écrivain exilé volontairement en Irlande à cette époque, le Prix Goncourt 2010 représente une grande joie parce qu'il « fonctionne comme une passerelle entre le monde des lettres et le grand public. Il permet d'atteindre les gens qui, sans cela, ne lisent pas. » Or, dit-il : « lire est une grande source de joie."
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Sans doute un des meilleurs Houellebecq, rivalisant avec les Particules élémentaires. L'auteur s'amuse de façon quasi-jubilatoire avec son image, qu'il nous renvoie sous formes multiples dans une sorte de kaléidoscope infernal : le personnage Michel Houellebecq écrivain, c'est lui à l'évidence ; le personnage principal, Jed Martin, artiste peintre et photographe, c'est encore lui ; Jean-Pierre Jasselin, le commissaire qui mène l'enquête dans la troisième partie, c'est toujours lui ; le chien dépressif comme par hasard prénommé Michel, c'est également lui. Tous ces personnages ont un état d'esprit et des comportements « houellebecquiens ». On retiendra de ce roman un humour détaché et pince-sans-rire, parfois extrêmement décapant, extrêmement drôle, et l'absence des provocations habituelles de l'auteur, qui a cherché cette fois-ci à s'épargner les colères de ceux qui ne comprennent pas le second degré. La troisième partie prend la forme inattendue d'un roman policier, pas forcément révolutionnaire (l'intrigue est plutôt plate, le dénouement sans surprise). L'épilogue, presque une quatrième partie, flirte avec le roman d'anticipation, procédé un peu artificiel déjà utilisé dans Les Particules élémentaires, mais qui permet à l'auteur de développer sa vision pessimiste (ou optimiste, selon votre humeur du moment) de notre avenir immédiat. L'humour n'empêche pas une réflexion lucide et visionnaire sur notre époque, et réciproquement. Ici, il s'attaque au monde de l'art contemporain, de l'argent et des médias. Du grand art ! Enfin un prix Goncourt amplement mérité, pour un écrivain souvent victime du "Houellebecq-bashing" dans son propre pays, un phénomène typiquement français et inconnu au delà de nos frontières.
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Dans un dessin de Sempé, une petite dame en rencontre une autre et lui dit : « Ce n'est pas commode d'aller voir votre mari tous les jours à la clinique, mais d'un autre coté, ça a quelque chose de rassurant, quelqu'un qui, à notre époque, pète les plombs ». C'est un peu le sentiment ambivalent que l'on a à chaque fois que l'on ouvre un livre de Michel Houellebecq. Cette littérature du ressentiment met mal à l'aise lorsqu'elle dénigre Picasso, règle son compte aux photographes ou bien roue de coups une jeune femme. Elle est formidablement originale par contre lorsqu'elle dit la souffrance de l'individu hypermoderne, qu'elle dépeint l'univers des médias ou bien quand elle parle des socialistes utopiques.
Il est difficile de dire de « La carte et le territoire » qu'elle est ceci ou cela. C'est un roman touffu sinueux qui traite du domaine de l'Art, des relations au père, du vieillissement, du déclin du système de production occidental et d'autres choses encore. Houellebecq qui s'invite dans son propre ouvrage, nous livre un des secrets de sa fabrication : « Même si mon vrai sujet était le process industriel, sans personnage, je ne pourrais rien faire ». Il ne désir pas nous conter une histoire, il souhaite donc, en solitaire et en désespéré, nous donner sa vision monde.
« La carte est plus intéressante que le territoire », autrement dit la représentation est plus passionnante que le réel qu'elle dépeint. Michel Houellebecq fait toujours preuve d'une grande maitrise narrative. le ton de son livre est détaché et l'ironie légère. La misanthropie indéniable semble ici plus maitrisée. La trame du roman est parfaitement dessinée et le récit véritablement inventif. Ainsi, décrivant les oeuvres de Jed Martin – plasticien et personnage principal – Michel Houellebecq peut introduire une véritable réflexion sociologique ; en faisant dialoguer de façon touchante l'artiste et son père, il est capable de développer des idées, complexes et tout à fait improbables dans un roman, sur l'architecture, l'urbanisme et la pensée du XXème siècle ; en lisant la préface d'un catalogue d'exposition, il parvient même à disserter sur l'art … Ce ne sont là que quelques exemples et il faudrait relire ce livre, le crayon à la main, pour faire l'inventaire de toutes les trouvailles de l'auteur. « La carte et le territoire » évolue, comme l'oeuvre de Jed Martin, par cycle (objets, territoire, métiers, nature) et l' histoire d'amour se transforme en un roman policier en passant par une satire et une auto fiction. Ce noir tableau d'un monde où semble régner l'argent et la vulgarité médiatique et ce sombre autoportrait méritaient vraiment je crois, parce qu'ils sont originaux et bien écrits, le prix Goncourt 2010.
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Un roman avec Jean-Pierre Pernaut ou Julien Lepers comme personnages secondaires, il faut oser. Un roman où l'écrivain apparaît lui-même dans une caricature (à peine) d'ivrogne confiné dans une villa irlandaise, c'est encore plus drôle. Mais là où on atteint l'extase, c'est quand ledit écrivain se fait assassiner et que l'enquête subséquente constitue la troisème partie du roman ! On est dans une forme achevée de provocation qui ne s'embarrasse d'aucun code. Quant au déroulement de la carrière artistique du héros, elle est tout simplement géniale...
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Une funeste lecture, un profond dégout ou une admiration sans borne : « La carte et le territoire » de Michel Houellebecq, a le mérite de permettre un éventail de critiques et de disciples, ayant pour tâche de répandre la bonne/mauvaise parole.

Et dans ce cas, le prix Goncourt 2010, a atteint son but, faire parler de lui, donner la vision d'un monde qui fuit vers sa destruction. Houellebecq nous apostrophe à sa façon, il porte un constat sur la nature humaine, par une approche ciblée sur quelques personnages.

Jed Martin, a décidé de consacrer « toute sa vie » à l'Art, et créer une représentation du monde, dans lequel l'espèce humaine serait interdite ! Il passe ainsi de la peinture à la photographie puis revient à la peinture, qui non seulement lui apportera le succès mais aussi l'aisance financière…Son père, riche architecte, s'enlise dans un travail acharné au détriment de sa vie familiale. Schéma que reproduit également Jed. Ils supportent ainsi, concomitamment, un désert affectif. A l'instar, de longues pages sombres, sur le dernier voyage de son père en Suisse, où il ressentit, enfin, une vague de tristesse profonde.

La rencontre de l'auteur – oui vous avez bien lu, celui-ci se met en scène- avec Jed – et nous promène dans le milieu artistique, le monde des faux-semblants, de l'hypocrisie, bref le monde des rodomontades des hommes ! Puis la troisième partie, le crépuscule des dieux, la fin d'un cycle, le crime ! Et toujours le même sempiternel refrain, l'argent, la possession !

Ces mots : « La carte est plus intéressante que le territoire » ; que l'on pourrait traduire par l'absolu rejet de l'espèce humaine ! le roman est parsemé de différentes digressions, tels que : Thierry Jonquet –auteur de romans policiers, Ludwig Wittgenstein –philosophe-, et nous conforte dans une vision dystopique, voulu par l'auteur.

Un style précis, descriptif, nous illumine ce « territoire », dans lequel Houellebecq, semble se complaire, comme son héros et opter par conséquent pour une fuite dans la solitude.

Lien : https://bookslaurent.home.bl..
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