Paru en 1831, ce recueil (le 3ème de
Victor Hugo, après les «
Odes et ballades » et les « Orientales ») est en fait composé de
poèmes écrits de 1828 à 1831, C'est dire, comme dit l'auteur dans sa préface, qu'il prend en compte, d'une façon ou d'une autre, tous les évènements politiques, littéraires et artistiques qui ont eu lieu entre ces deux dates : s'il refuse de publier ses
poèmes purement politiques (« ces poésies véhémentes et passionnées auraient troublé le calme et l'unité de ce volume »), il n'est pas indifférent à la grande vague de révolution qui secoue le monde : la seule année 1830 en est le microcosme : pensez que cette année-là a vu la révolution des Trois Glorieuses, suivi de sa soeur la révolution belge, la conquête de l'Algérie, et l'ébullition de la plupart des pays d'Europe en quête de liberté ; sur le plan artistique, Berlioz crée sa « Symphonie fantastique » et Delacroix peint « La Liberté guidant le monde » ; enfin sur le plan littéraire, 1830 est l'année d' «
Hernani » et de sa célèbre bataille, du « Rouge et le Noir »
De Stendhal, et du triomphe du romantisme.
Victor Hugo, vivant « de l'intérieur » la plupart de ces évènements, est à la fois témoin et rapporteur. D'autant que sa vie personnelle est également affectée : sa fille Adèle nait le 24 août 1830)
« Les Feuilles d'automne » touchent donc à plusieurs registres : épique : « Ce siècle avait deux ans… », méditatif : « Ce qu'on entend sur la montagne… », lyrique : « O mes lettres d'amour, de vertu, de jeunesse… », intime et personnel : « Lorsque l'enfant paraît… », familier : « Dans l'alcôve sombre… » … Un groupe de six
poèmes intitulé « Soleils couchants » constitue une merveilleuse description lyrique, élégiaque et joliment évocatrice…
Le poète n'oublie pas sa femme, Adèle, à qui il voue une grande dévotion, ni ses amis, Lamartine, le poète, Louis Boulanger, le peintre, David d'Angers, le sculpteur, ou
Sainte-Beuve, l'écrivain.
Et derrière ce
Victor Hugo intime, familier, et proche de sa famille et de ses amis, il y a toujours le penseur, le génie universel, l'homme des grandes idées et des grands projets, le défenseur des nobles causes : à ce titre les derniers vers du recueil sont à la fois révélateurs et prémonitoires :
« Oh ! la muse se doit aux peuples sans défense,
J'oublie alors l'amour, la famille, l'enfance,
Et les molles chansons, et le loisir serein,
Et j'ajoute à ma lyre une corde d'airain ! »
(Entre nous, il n'a jamais oublié l'amour, la famille, l'enfance… C'est la marque du génie de vivre – à ce point – une existence personnelle aussi intime et aussi universelle !)