Pendant les 1960-70's, chez les familles de classe moyenne suffisamment à l'aise pour vivre avec un seul salaire (ou prêtes à quelques sacrifices), papa conduit la voiture, va au travail, se met les pieds sous la table aux repas, lit le journal dans son fauteuil en fumant, regarde les infos - et prière de se taire... Tandis que maman cuisine, fait le ménage, lave le linge (parfois à la main) et la vaisselle, coud, tricote, reprise, rafistole pour que les vêtements soient réutilisés. Elle se doit d'être fidèle, soumise... et coquette, mais pas trop.
Même quand leur épouse travaille à l'extérieur, les hommes (pères et fils) sont rois. Femmes et filles de la maison sont là pour les servir. Dans les familles nombreuses, il arrive qu'elles n'aient pas le temps de s'asseoir pendant le repas. Ça serait même incongru. • RIP, ma chère Tante Thérèse née dans les 1920's •
L'auteur, née en 1959 en Alsace, a contacté quelques unes de ses camarades d'école primaire, présentes sur sa photo de classe de CE2 (4e de couv). Elles s'étaient pour la plupart perdu de vue, elles se retrouvent cinquante ans plus tard, à l'aube de la soixantaine - et donc de la retraite, pour certaines.
Pascale Hugues raconte leur enfance, parfois éloignée de l'image que pouvaient en avoir leurs copines, et leurs parcours de femmes. Originaires d'Alsace ou filles d'immigrés italiens, espagnols, portugais, presque toutes vivaient dans des foyers modestes, voire pauvres.
Le récit rappelle ceux d'
Annie Ernaux, notamment '
Les Années', mais il est beaucoup moins égocentré puisque différents points de vue se confrontent via les témoignages de chaque femme.
Même si je suis un peu plus jeune que l'auteur, j'ai retrouvé ma jeunesse et les diktats ultra-sexistes et corsetés de l'époque. L'auteur les rappelle de façon imagée et évocatrice à travers des exemples qui semblent si désuets, et ne sont pourtant guère éloignés (publicités, principes éducatifs et religieux à l'école et à la maison...).
J'ai aimé (re)découvrir également les conditions de vie des 'migrants' d'alors, un peu mieux tolérés que ceux d'aujourd'hui, parce que leur religion était la même que 'la nôtre', et que la France avait besoin de bras pour ses '30 Glorieuses' et reconstruire les villes détruites. L'auteur met en évidence les difficultés des Alsaciens après trois guerres qui les ont ballottés entre deux pays, deux cultures, deux langues.
Ce témoignage de la condition féminine des années 60-70's et de celle des classes dites 'populaires' est passionnant et très riche. On y prend conscience du chemin parcouru en cinquante ans, et de la fragilité de nos acquis. Attention les filles !
On y voit aussi les dégâts occasionnés par la surconsommation frénétique, après 1/2 siècle de course à la croissance...