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3,7

sur 453 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Les choses les plus importantes font défaut dans les livres qu'on écrit et qu'on enseigne. Si peu d'entre eux évoquent le déclin du désir. L'enlaidissement, la fragilité, l'effroi. La douleur qui nous obstrue la gorge ».
Voilà ce que pense un des 11 invités de Sean Farrell lors du souper de Thanksgiving.


Que vous soyez d'accord ou pas avec cette assertion, Nancy Huston, elle, a prouvé le contraire de magnifique façon dans son roman « Dolce agonia ».
Car il s'agit bien d'une douce agonie, oui.
Douce car nous sommes quand même entre amis, et l'on mange : dinde farcie bien juteuse, tarte au potiron, gâteau au chocolat. Et l'on boit !
Agonie car toutes ces personnes arrivent avec leur lot de vie, surtout de malheurs, qu'ils soient prononcés à voix haute, pensés, ou connus des autres.
Et là, je peux vous certifier que j'ai parcouru une vaste panoplie de tout ce qui peut arriver à des êtres humains !
En vrac : décès d'enfants, divorce douloureux avec interdiction de voir ses enfants, prostitution, viol, torture d'animaux, prison, cancer, boulimie, jalousie, alcoolisme, inceste, guerres, maltraitance, drogue, maladie d'Alzheimer, catastrophe nucléaire et j'en passe...


Les paroles et les pensées s'emmêlent, et même Dieu apparait épisodiquement, autant de fois qu'il y a de personnages, pour nous annoncer comment chacun va mourir.
Autant vous dire que mon cerveau a connu quand même quelques difficultés à s'y retrouver, car des gens, il y en a, vu que toute personne draine toute une flopée d'amis, ennemis, et membres de la famille. Voilà un devoir à donner : « Dressez une fiche par personne, reprenant tous les renseignements disséminés à travers le roman ».


En gros, c'est quelque chose de très jouissif de pénétrer ainsi dans les secrets des coeurs, dans les regrets, les remords, les envies détestables, les mesquineries, les tromperies, les espoirs déçus etc.
Mais c'est aussi tellement démoralisant. La nature humaine n'est-elle composée que de destructions continuelles ?
Nancy Huston a l'air d'y croire, en tout cas. Ou bien alors, elle s'est amusée follement à se venger de cet être civilisé que l'on dit humain...


« Ca ne s'arrêtera jamais, le cycle d'espoir et de désespoir, de destruction systématique et de reconstruction volontariste, mon Dieu, que se passe-t-il ici ? »
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Heureux qui n'a pas vécu un Thanksgiving entre amis fidèles depuis au moins trente ans. Se goinfrer et s'empiffrer comme des porcs, boire et se saouler comme des cochons. le soleil se lève et les préparatifs démarrent déjà pour cette soirée illuminée de retrouvailles et discussions animés. Ce n'est pas encore la porcherie à laquelle je me prépare, jean délavé et chemises à carreaux, rêve d'être bûcheron, que l'on sort une fois dans l'année au sein de la civilisation.

Je ne te fais pas la présentation de tous les invités, de douze à table, voir treize si on compte le marmot qui tête le sein de sa mère, sein bavant d'un lait maternel sucré au sirop d'érable. Sean, Patrizia, des hommes, des femmes, des couples, des divorcés et au milieu de tout ce beau monde, il y a moi l'insignifiant et Dieu le maître d'orchestre.

Première séquence : la préparation du repas où comment bien fourré une grosse dinde. Non, je ne parle pas de Patrizia toujours aussi callipyge avec son âge et des hanches à prendre encore d'envie, de désir, de plaisir. L'animal, la bête, d'abord l'épiler, puis lui mettre un doigt dans le cul. Non carrément la main pour la fourrer. La mettre au four. Plusieurs heures, de nombreuses heures. Pendant ce temps-là se souvenir du passé, des rencontres, des autres. Autre point crucial d'un repas de fête, la préparation du punch. Avec une triple dose. J'ai envie que les gens soient bourrés, alors je ne lésine pas sur les bouteilles de rhum et de cognac. Il n'y a qu'avec un coup dans l'aile – en revenir toujours à la dinde – que les langues se délient et que les gens apparaissent comme ils sont sans inhibition ni appréhension. le secret d'une fête réussie : le pourcentage d'alcool dans un verre de punch, sachant que moi, je vais m'enfiler une bonne bouteille de single malt, importation directe.

Deuxième séquence : les arrivées et les petits fours. Une tenue affriolante, robe noire mini et bien ajustée aux courbes encore gracieuses même vieillissantes. Et toujours cette même envie de la culbuter direct sur la table de la cuisine ou dans la cave. Non (clin d'oeil amusé)… il a ramené sa nouvelle femme qui a l'âge... d'être sa fille. Voilà de quoi entretenir une certaine jalousie entre les femelles de la soirée et de voir les hommes jouer au coq à la plus belle crête. Cocorico, me voilà sortir de la cave, quelques bouteilles de vin à la main. Les premiers verres, les premiers sourires, premiers échanges sur le souvenir. Tu te souviens quand on avait vingt ans et qu'on l'a fait dans le vieux combi Volkswagen ? Et tu t'en souviens quand tu m'as sucé pour la première fois, dans ce motel entre désaffecté et délabré ? Que de souvenirs, nostalgie, mélancolie. L'âge avance, les souvenirs restent. Encore… Signe que nous sommes tous en vie, pour combien de temps.

Effectivement, quand allons-nous mourir ? Dieu est là, entre chaque séquence, entre chaque plat, entre chaque moment de détente. Mc God, le maître de cérémonie, le chef d'orchestre, celui qui dirige et qui donnera la mort à chacun d'entre eux. Dans un an, dans dix ans, dans quarante ans encore. Dans un lit d'une belle mort après la fellation d'une putain de Vegas, ou contre un arbre après une soirée arrosée et un virage mal anticipée, ou sur des rails écrasés par un train de marchandise, un nombre incalculable de wagons venus broyés la chair de ce cher suicidé…

Troisième séquence ou quatrième, j'ai trop bu pour retenir les chiffres : les au-revoir, les embrassades, les oeillades et les mains sur les cuisses. J'ouvre la porte… Câlisse, de la neige, des monticules de neige qui ont enseveli la vallée. Tabarnak ! où est mon char ? Un blizzard à te faire dresser les seins et avoir frette. Fuck le blizzard. Impossible de repartir. Je me pose de nouveau sur le fauteuil en cuir. Un cigare. Un whisky. Juste un doigt. Pas un whisky, d'abord ? J'adore cette réplique, mon majeur en frétille de sourire. Sortir des couvertures, des sacs de couchages, ouvrir le canapé, déplier des draps. Tout le monde dort ici, comme une fête d'étudiant, l'âge en plus, mais les rides et le sourire encore plus charmants. Il faudra donc attendre demain. le café noir, les cheveux en batailles, l'haleine fétide…

Quelles monstrueuses fêtes, ces Thanksgiving américains. Et moi dans tout ça, où je me trouve ? Juste à côté de la cheminée (« un feu vous donne autre chose à regarder que vos pensées »), un coin sombre, un verre qu'une nana vient me remplir de temps en temps (« La vraie question est peut-être la suivante : ton Prozac peut-il s'entendre avec mon scotch »). J'observe, je ne parle pas. de toute façon, je n'ai jamais rien à dire (« Les gens ne changent jamais d'avis au cours d'une conversation. Ils ne le font que dans le silence et la solitude »). Parler ? Mais pour dire quoi… je ne sais même pas. du bulletin météorologique ? du prix d'une pipe dans le bois ? de la vie qui est derrière soi ? Peur d'ennuyer les autres assurément avec une conversation sans intérêt, une vie transparente. Mais est-ce ça, donc, les mondanités d'usage entre amis, parler pour ne rien dire, à tout va à tout vent, pour combler le silence au-dessus de la trompette de Miles. Alors j'observe, en silence, je passe une bonne soirée, je découvre ces vies, ces tranches de vie, ces morts. Je suis bien au chaud, la neige dehors, la chaleur d'un feu et d'un whisky, et Bitches Brew qui distille ses notes.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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Le tableau est planté :
"La Cène" dernier dîner partagé par Jésus et ses 12 apôtres la veille de sa crucifixion.

Ce livre m'a fait pensé à cela.

Pour Thanksgiving Sean invite à dîner ses meilleurs amis de toujours.
Ils seront 12 à table.
Le 13ème sera le narrateur ; Dieu ? à chacun de voir en lisant ce livre.

- Ils parlent, ils boivent, ils égrènent leurs souvenirs communs et les souvenirs cachés plus ou moins avouables.

Ils se connaissent presque par coeur, les mêmes blagues, les mêmes réflexions éculées surgissent lors de leurs échanges.

Ils s'observent, se rappellent tous les bons et les mauvais moments.

Chaque personnage est décortiqué.

Entre chaque chapitre le narrateur nous dit, qu'elle sera leur fin de vie à chacun et de quelle manière il va les rappeler à lui.

Bouquin très bien écrit, intéressant pas d'une gaité folle mais tellement humain.


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Conversations entre convives un soir de Thanksgiving dans une bourgade de l'Amérique profonde, peut-être en l'an de grâce 2000, voilà la matière de ce roman très agréable à lire, moins à suivre dans ses détails, donnant l'impression d'une succession d'anecdotes que l'auteur rend vivantes, savoureuses, et souvent dotées d'une profondeur avérée autant que discrète.

Nancy Huston a écrit son ouvrage en anglais, avant de le traduire elle-même en français, apportant ainsi les nuances de cette langue qu'elle connaît bien.

Sean Farell a réuni pour ce Thanksgiving douze personnes, amis ou connaissances, artistes, universitaires, écrivains pour certains d'entre eux. La plupart sont âgés, certains sont en couple ou l'ont été, leurs origines sont variées : Russie, Biélorussie, Ukraine, Irlande, Afro-Amérique des années Martin Luther King, et pour une majorité, endroits divers de l'Amérique du Nord, de la côte Est à Vancouver.
Un personnage vient de façon récurrente, douze fois, comme le nombre d'invités à cette fête, s'intéressant à chacun d'eux à leur tour pour en dessiner le futur et leur disparition dans la mort : le seul individu capable de donner la vie, de l'ôter, d'en imaginer les bons comme les mauvais moments, avec un arbitraire total, c'est bien sûr Dieu. Dieu qui s'octroie un chapitre (court) sur deux pour planter ces décors des lendemains qui menacent les parcours de chacun.

Chloé a vingt-trois ans, vient avec son bébé et son mari, plusieurs décennies de différence d'âge. Elle a roulé sa bosse, intimement liée à un frère junkie, Colin, qu'elle perdra en route sans parvenir à l'oublier.
Beth est médecin urgentiste, distraite par les cas cliniques souvent atroces qu'elle rencontre, par ailleurs préoccupée par sa boulimie et ses rondeurs.
Charles qui se définit comme un descendant d'esclaves noirs, et dont le père luttait aux côtés de Martin Luther King, Charles déstabilisé par un divorce, mais dont Myrna reste la référence.
Katie et Léonid dont le temps n'a pas terni la passion amoureuse, n'ont pas fini de faire le deuil de leur fils David, héroïnomane, mort d'une overdose.

Chacun est envahi, parfois dévasté, par des interrogations existentielles sur ce qui a fait que leur vie a basculé : perte d'un proche, d'un enfant, exil, séparation, glissement dans la drogue… Quand ce n'est pas parfois tout simplement une petite manie, un geste anodin que l'on voudrait soustraire aux autres. Quoi qu'il en soit, la planète et tous ses recoins ont servi de laboratoire d'expérience pour la plupart des convives, que leurs pas ont mené sur tous les continents et au gré des soubresauts de l'Histoire. Vies légendaires ou vies minuscules, destins où tout semble possible ou chance à côté de laquelle on passe, on dirait que ces moments fugaces de bombance et de beuverie sont paradoxalement durables pour chacun, comme la chute de neige abondante qui a transformé le paysage et obligé les invités à dormir sur place.
Nancy Huston a réalisé un tour de force en créant de la légèreté dans la conversation, en multipliant les anecdotes révélatrices du passé de chacun, en instillant de la chaleur sans calcul dans les relations ou en leur apportant une ironie subtile.

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Mélancolique ironie que ce récit choral d'agapes pour Thanksgiving qui nous permet de sonder le for intérieur des 13 invités de ce diner d'amis et collègues, au destin et au parcours varié, avec une majorité de couple dans la cinquantaine et d'intellectuels universitaires, médicaux ou juridiques. En effet, si ce totem des célébrations américaines se conçoit dès l'origine comme une action de grâce adressée à Dieu pour le remercier d'avoir facilité la survie de pionniers (moyennant néanmoins le massacre d'autochtones), la romancière canadienne Nancy Huston a eu l'ingénieuse idée de rajouter, en ultime narrateur omniscient, les commentaires du Tout-puissant qui dévoilent, après chaque chapitre le destin mortifère, parfois cruel, parfois soudain, le plus souvent tragique et imprévu, qui adviendra à chaque personnage. En cela, s'affirme avec malice sa propension de scénariste capable de tirer les fils de la vie de chaque protagoniste et de décider de leur sort, reproduisant en sens inversé la symbolique de la fête. Ces interludes souvent caustiques viennent rythmer un repas où tout un chacun exprime dans son for intérieur, et à sa manière, sa part de deuil, de souffrance, d'exil, d'incommunicabilité, de culpabilité, de versatilité des sentiments, d'incompréhension face aux aléas de la vie, de honte et surtout de solitude, malgré des liens amicaux, conjugaux ou familiaux que l'on croyait pérennes. Les divers registres d'émotions habilement dosés par l'auteur rendent alerte la lecture de ce roman en langue française à la tonalité bien américaine, faisant du lecteur une pythie compassionnelle qui espère néanmoins que les présages divins envisagés, et parfois abrupts, se renverseront réellement en une agonie légèrement plus douce.
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un livre où Dieu parle et ce n'est pas la bible il nous parle des vies qu'il enlève aux héros de ce livre
livre étrange et envoûtant
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Il ne se passe a priori pas grand chose dans ce roman, puisqu'il s'agit d'un repas entre amis et conjoints de ceux-ci qui perdure jusqu'au lendemain à cause d'une neige qui a recouvert toutes les routes devenues impraticables. Dans les faits, donc, rien que du très banal, mais l'action se passe en réalité dans l'introspection de chaque personnage, ses pensées sur les autres et sur son propre passé, les associations d'idées fréquentes entre un petit événement du présent et des souvenirs. Chacun est un peu avec les autres et beaucoup dans son for intérieur et la richesse de ce récit tient donc à la psychologie des personnages. Ainsi qu'à la distance, dont on se rend compte, entre ce que chacun croit connaitre sur les autres invités et la réalité (je repense particulièrement à la façon dont tous perçoivent Chloé la jeunette, l'innocente qui n'a pas connu grand chose selon eux, alors qu'elle a plus "vécu" que la plupart...), et entre ce que chacun montre de lui et la réalité, avec ses secrets troubles.
C'est aussi un récit sur la vieillesse, la nostalgie, la difficulté de se voir entrer dans une phase de vie où les gens ne se reconnaissent plus eux-mêmes, et une sorte de "memento mori", appel à vivre intensément avant la fin, lorsqu'on découvre dans certains chapitres le sort que réserve un Dieu qui s'amuse arbitrairement avec ses créatures à ces dernières (et qui parle à la première personne).
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J'ai été séduite par le concept du livre (un chapitre sur deux se passe à table, à hauteur d'homme, et l'autre à hauteur divine). Il est intéressant par son propos aussi, à vouloir démontrer qu'il ne sert à rien de s'inquiêter des choses sur lesquelles nous n'avons pas prise...Mais un peu lourd parfois.
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Toujours un plaisir de retrouver Nancy Huston et sa si belle écriture !
Ici une plongée passionnante au coeur des pensées de 12 convives, de leur passé fait de beauté et de noirceur,
une représentation originale de dieu,
une occasion de réfléchir à ce que l'on peut faire, ne pas faire, défaire, dans le temps inconnu qui nous reste à vivre !
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Sean invite pour un souper de Thanksgiving onze convives. Les discussions sont animées, certains se remémorent des moments plus difficiles de leur vie. Entre chaque chapitre intervient Dieu qui nous indique le sort qu'il réserve pour chacune des personnes autour de la table.

Voici un roman qui se lit comme un charme! Par une structure narrative hors de l'ordinaire qui alterne entre le passé et le présent, Nancy Huston dresse le portrait de ces douze écorchés de la vie. Nous découvrons les rapports entre eux, leurs joies, leurs peines, leurs aspirations. J'ai adoré découvrir le destin réservé aux personnages. L'écriture de l'auteur est à mentionner, son récit coule sans fausse note.
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