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sur 460 notes

Critiques filtrées sur 1 étoiles  
350 pages consacrées à l'ésotérisme et au satanisme à travers l'histoire de Gilles de Rais, compagnon de Jeanne d'Arc, c'est beaucoup !

Les discussions concernant le satanisme et les messes noires, agrémentées de recettes hautes en couleur de deux messieurs arrogants et misogynes ne m'intéressent pas. Je ne sais pas où Huysmans veut en venir, mais si c'est là son chemin vers la foi catholique, il est bien biscornu.

Je ne terminerai pas ce livre : dommage, il est bien écrit. Tant de talent et d'érudition au service d'un aussi piètre sujet, ça laisse pantoise. Certes, l'auteur manie une raillerie discrète et se tient à distance : mais quelques soient ses ultimes conclusions, que de temps perdu à de vaines contorsions !

Nous sommes à la fin du 19 ème siècle. Des Hermies et Durtal sont contents d'eux et élitistes. Dans leurs habits de dandies passéistes, ils fustigent l'époque à laquelle ils appartiennent, méprisent les bourgeois dont ils sont, le peuple envers lequel ils se montrent insupportablement condescendants, et les femmes.

Celles-ci cristallisent tous leurs préjugés : réduites au rôle de cuisinières serviles, d'hôtesses muettes, et de supports de célébration de messes noires, elles sont en outre de piètres lectrices, selon la rengaine bien connue :  les hommes déserteraient massivement une culture décadente et l'abandonneraient aux femmes ; les éditeurs, voulant survivre, l'expurgeraient de tout ce qu'elle recèlerait encore de grand, de noble, d'exigeant, en un mot de mâle, pour leur proposer le produit sentimental et déshonoré dont elles raffolent. La chute vient toujours de l'autre.

Désoeuvrés, nos deux galopins en culottes longues ne savent manifestement pas à quel suppôt du Malin se vouer : il n'y a en effet rien à attendre d'une époque qui se vautre comme une prostituée dans la fange écoeurante du naturalisme ; alors pourquoi ne pas s'offrir un grand frisson en soumettant l'histoire, dont on sait quelle science à géométrie variable elle est, aux délires pimentés d'un Moyen-âge mythifié ?

J'ai quand même lu de larges extraits de ce roman avant de le refermer et n'ai rien trouvé de neuf, mis à part de passionnantes et érudites envolées, hélas piétinées par la cavalerie de fantasmes répétitifs (Huysmans tente de se défausser de ses personnages par l'ironie, mais la part autobiographique demeure très visible).

Tout cela m'a ramenée à ma classe de Terminale, il y a très très longtemps, au siècle dernier : mon prof de philo, jeune agrégé à peine plus âgé que nous, beau comme un Dieu et charismatique en diable (nous étions une classe de filles exclusivement) nous avait proposé, tout en suivant le programme, d'explorer en parallèle le thème de l'agressivité à travers une biographie de Gilles de Rais (par Georges Bataille), l'Affaire des Poisons, et les oies cendrées de Konrad Lorenz.

Il arrive ainsi qu'une lecture avortée vous restitue tout un pan de mémoire. « Là-bas » exprime une fascination érotique pour le mal (présente aussi chez Bataille, bien sûr) : notre professeur a su nous mettre en garde contre toute tentation de flirt avec Satan (et avec sa personne aussi). Je lui rends hommage ici de nous avoir si bien armées contre les miroitements sectaires, cabalistiques et initiés.

Car ce n'est pas la peine de recourir au diable pour expliquer l'existence du mal : il n'est qu'une catégorie de l'esprit créée pour désigner ce qui menace l'homme dans son désir de "persévérer dans son être" ; au seuil de sa maison se tient "Souffrance", qui nuit et jour monte la garde . Et quand "Souffrance" donne l'alerte, c'est que déjà le mal est là, et qu'il est tard.

Le mal, c'est la prison de l'incarnation, l'indifférence des atomes et le silence de Dieu ; le mal, c'est la Vie elle-même qui fait mal.

Et c'est suffisamment terrible comme ça. "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie", dit Pascal.

Une vie est à peine suffisante pour avoir un peu moins peur. Alors lisons les mystiques rhénans (parmi lesquels Hadewijch d'Anvers et ses pareilles, Ruysbroeck l'Admirable auquel Huysmans lui-même se réfère), lisons Farîd al-Dîn Attâr, Blaise Pascal, Fiodor Dostoïevski, Hermann Hesse, Clarice Lispector, et laissons tomber toutes ces fariboles.
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P.S : aussi bien, l'auteur est libre d'écrire ce qu'il veut (s'il a des lecteurs, tant mieux !) ; je signale donc pour les amateurs qui l'ignoreraient encore qu'il existe un autre livre de Huysmans sur le même sujet : il s'agit de "Gilles de Rais : suivi de la Magie en Poitou et de deux documents inédits en Poche édités le 4 avril 2007."





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