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EAN : 9791033908111
224 pages
Harper Collins (13/01/2021)
3.68/5   95 notes
Résumé :
Les Bordes, c'est un lieu et c'est une famille. En l'occurrence, sa belle-famille qui ne l'aime pas. Elle, Brune, le bouclier. Mère responsable, tenant solidement sur ses deux jambes, un oeil toujours fixé sur le rétroviseur ou l'entrebâillement de la porte, qui guette, anticipe, tente de maîtriser les risques. Ce week-end, comme chaque année en juin, elle prend la route avec ses deux enfants pour rejoindre Les Bordes et honorer un rituel familial.
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Critiques, Analyses et Avis (62) Voir plus Ajouter une critique
3,68

sur 95 notes
Comme tous les ans en juin, les Bordes se réunissent à la ferme familiale du même nom, pour un pique-nique en bord de lac. Avec son mari et ses deux jeunes enfants, Brune, la narratrice, y retrouve son beau-frère et les siens, mais surtout ses beaux-parents qui la détestent. le week-end est donc pour elle une épreuve, qu'elle redoute d'autant plus que, mère anxieuse et sur-protectrice, elle envisage la ferme et ce coin de campagne comme des lieux de tous les dangers, souvenirs obligent...


Si le monologue de Brune est l'occasion d'abattre, avec une bonne dose de vérité dérangeante, tous les clichés de la maternité heureuse, l'on ne tarde guère à trouver cette mère au bord de la rupture un rien exaspérante dans l'excès de ses alarmes, son obsession de la perfection et ses crises émotionnelles qui sapent d'ailleurs définitivement son autorité. C'est que, chez Brune, la maternité est le révélateur de failles profondes, l'explosif qui fait sauter les couches de protection dont elle était parvenue à s'envelopper dans un semblant d'équilibre. La charge d'âmes renvoie brutalement à la figure de la jeune femme son manque de confiance en elle et ses angoisses, laissant à nu une vulnérabilité dont le lecteur s'irrite avant d'en comprendre la raison, enracinée aux Bordes depuis le temps de l'enfance.


Décortiqués en profondeur dans leur psychologie, les personnages nous sont livrés dans leur vérité brute, révélant sans fard la violence sous-jacente qui peut empoisonner les relations familiales, au gré de drames et de blessures jamais cicatrisées, surinfectées par les non-dits où couvent chagrin, amertume et colère. Imparable parce qu'enfermée dans le huis clos de l'intimité, la méchanceté y atteint d'autant plus facilement des paroxysmes, que chacun se pense victime, cherche un coupable à sa souffrance, et qu'un enfant facilement culpabilisable fait un parfait bouc-émissaire. D'abord agacé par ce qui paraît à première vue de pusillanimité chez Brune, le lecteur sombre peu à peu avec elle dans l'ambiance délétère des Bordes, bientôt convaincu que le pire reste à venir. Et c'est désormais la même prescience du danger qu'il partage avec la jeune mère.


Aucun de ses personnages n'échappe à l'impitoyable scrutation d'Aurélie Jeannin. Tous éclairés sans concession dans leurs peurs, leurs frustrations et leurs manipulations affectives, ils dessinent un tableau accablant de noirceur, indéniablement convaincant, de la nature humaine dans ce qu'elle a de plus intime : la sphère familiale, lieu de tous les amours et de toutes les haines.

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Ça commence avec un trajet en voiture. Une lutte de tous les instants pour se concentrer sur la conduite, et tenter d'ignorer les deux pestes qui s'agitent sur les sièges à l'arrière. Ne pas crier, reste calme. Mission quasi-impossible, d'autant que la destination n'est pas de celles qui font rêver : le pique-nique annuel aux Bordes, tradition incontournable de cette belle-famille, les Bordes, qui parade avec ce nom de famille qui les ancrent sur leur territoire.

Si les enfants sont ingouvernables, l'ambiance à la ferme est très hostile. Sans mots, il y en a peu à franchir les lèvres, l'inimitié transpire, travers les murs sales et les sols usés et cette chambre restée fermée depuis des années.

Pour cette femme qui lutte avec une anomalie neurologique rare, qui transforme son quotidien en une lutte attentionnelle permanente, l'angoisse est chevillée au corps. Elle est constamment dans la projection des dangers potentiels et innombrables, qui pourraient atteindre ses enfants. Angoisse d'une mère, sous-tendue par un passé traumatisant, et un présent qui lui prouve chaque jour dans son travail de juge d'instruction que la menace n'est pas uniquement une lubie de névrosée.

Ce roman provoque une tension extrême, de tous les instants à l'unisson avec cette mère inquiète, qui entraine le lecteur dans cette quête du piège inattendu, qui pourrait nuire à sa progéniture. Et on craint avec elle le moment où quelques secondes d'inattention précipiteraient le récit dans l' horreur, ou pas. Futur inconnu pour un présent caché.

C'est aussi le récit de l‘ambivalence d'une femme, épuisée par le désir de bien faire, faille sur laquelle s'appuient les enfants pour la tyranniser, jour et nuit. L'envers du décor de la maternité.

C'est un récit qui prend aux tripes, avec l‘intensité d'un thriller, alors que le fond de l'histoire restitue des détails du quotidien si familiers.

Très efficace.

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Tragédie d'une mère au bord de la rupture
*
Avec un titre pareil, je vous laisse imaginer que la lecture de ce roman ne parle pas de moments joyeux et légers.
En effet, il raconte les pensées d'une maman angoissée (à l'extrême) telle que nous pouvons en rencontrer dans ce monde stressant.
Moi même maman de 3 ados, je me suis parfois retrouvée dans certaines réflexions et situations.
*
Ce roman se déroule de manière linéaire, scandé par chapitres horaires, de manière rationnelle (comme pour faire écho à l'esprit très "rigide" de la narratrice). Cette façon de découper le récit m'a donné une oppression, une impression étouffante de rentrer dans sa tête.
Une tête remplie de peur, d'effroi même, de doutes mais aussi d'amour fulgurant et inconditionnel. Cette mère est dans tous les superlatifs.
*
Le personnage de cette femme (dans sa maternité) est somme toute assez classique dans la littérature, mais ici il est transcendé, exagéré, amplifié jusqu'à l'élever en situation de tragédie.
Le lieu également, est synonyme de danger, de huis-clos oppressant (avec toute la belle-famille toxique).
*
Impossible de lâcher ce livre jusqu'à la fin. Je voulais absolument connaitre le secret de ce traumatisme occulté. Et surtout comprendre jusqu'où peut aller l'être humain quant à la transmission du malheur.
*
PS: j'ai lu un roman similaire récemment, avec ces mêmes interrogations d'une mère aux abois. @Une femme intérieure d'Helen Phillips
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Il était là, chez mon libraire. Un peu à l'écart sur son présentoir, entre Jardin et Joffrin.
Devant lui, une pile de ces nouveautés aux couvertures criardes qui inondent aujourd'hui les têtes de gondoles, ces livres aux titres farfelus et aux histoires faciles qui font ployer les rayonnages et qui se vendent à la tonne.
Lui était seul, discret.
Sagement, il m'attendait.

J'avais déjà beaucoup aimé Préférer l'hiver (le premier roman d'Aurélie Jeannin), j'avais déjà fait connaissance avec l'univers singulier de cette jeune romancière et goûté à la grande qualité de son style, alors je n'ai pas hésité une seconde !
Grand bien m'en a pris : dès l'entame j'ai retrouvé cette plume si particulière, vive et intimiste, qui aiguillonne en profondeur, qui met l'intégralité du texte en tension, qui éblouit mais qui oppresse, aussi.
Car chez Jeannin on ne s'amuse pas. On se questionne, on se dépouille, on se met à nu. Et forcément on souffre, parfois.

Ce n'est pas Brune, l'héroïne des Bordes, qui vous dira le contraire. Mariée, deux enfants, une sensibilité à fleur de peau, Brune est juge d'instruction. Elle sait le poids de la fatalité, elle a traité nombre d'affaires dramatiques, vu survenir nombre d'accidents soudains, imprévisibles, dévastateurs. Rien d'étonnant alors à ce qu'elle vive en apnée, toujours en alerte, dans l'attente fébrile du prochain danger - fortuit mais inéluctable - qui guette ses chers enfants, Hilde (8 ans) et Garnier (4 ans).
Pour elle ça ne fait aucun doute : "Nul n'est à l'abri, jamais. Nul ne peut compter sur le fait que les tragédies se construisent tranquillement, ont des fondements qui les nourrissent jusqu'à leur éclosion. Il est impossible de se préparer. le pire n'a besoin de rien d'autre que d'advenir."

Adviendra-t-il aux Bordes, dans ce lieu-dit de malheur, sur cette terre maudite au climat pesant, chargée de souvenirs douloureux ?
C'est là qu'elle conduit chaque année sa progéniture, dans une belle-famille qui la déteste. le temps d'un séjour éprouvant (le temps d'une journée plus exactement, où chaque heure qui passe est soigneusement décomptée), Brune nous fait partager ses angoisses de mère, ses doutes et son épuisement, sa lutte de chaque instant pour tenir Hilde et Garnier à l'écart d'un monde qu'elle sait semé d'embûches. À la seconde où son aînée a vu le jour, elle a appris à repérer ces "incertitudes suspendues, planant au-dessus d'elle, qu'elle devrait être prête à esquiver", elle a compris d'instinct qu'il lui faudrait "saisir au vol ses enfants pour leur éviter le vide, leur barrer les chocs."
Et puis il fallu les aider à grandir, se montrer toujours disponible, supporter leurs caprices, leurs colères, leurs disputes, jongler avec des emplois du temps de plus en plus serrés, essayer de répondre à toutes leurs sollicitations, ne jamais préférer l'un à l'autre, les protéger de tout, s'effacer derrière eux, s'oublier...

Voilà sa vie de mère.
Voilà l'équilibre fragile qu'elle s'efforce de maintenir, écartelée en permanence entre deux puits sans fonds : l'amour inconditionnel qu'elle voue à ses enfants et la crainte irrationnelle qu'il ne leur arrive malheur.
Voilà la douloureuse fébrilité qui un jour ou l'autre étreint tous les parents, "l'angoisse absolue d'avoir mis en jeu plus grand que soi, l'angoisse absolue d'avoir tout à perdre".

Quelle vision glaçante de la maternité !
Heureusement ici, la lumière est dans l'écriture, dans ces phrases courtes, fortes, poétiques, qui relèguent presque l'histoire au second plan tant elles monopolisent le plaisir et l'attention. Des phrases qui pulsent comme les battements d'un coeur anxieux, un coeur de mère en souffrance, écrasée par sa charge mentale et le poids des responsabilités, épuisée d'avoir sans cesse à tout mettre tout en oeuvre pour que la vie ne dérape pas, que le pire passe au large et épargne les siens.
Voilà quoi, Aurélie Jeannin a des mots qui me touchent. Qui me touchent vraiment.

En bref, les Bordes est un texte poignant, qui traite en beauté de sujets sensibles et qui nous rappelle, s'il en était besoin, qu'on ne peut pas tout contrôler...
Avec ce deuxième roman (à déconseiller peut-être aux futures mamans ?), celle que l'on commence à qualifier de "nouvelle voix de la littérature française" m'aura à nouveau conquis !
Jamais deux sans trois ?
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Ce que j'ai ressenti:

Ce carré qui dimensionnait et bornait son empathie

Ce n'est pas vraiment un carré. À peine un rectangle. Vous savez, un livre…Des pages blanches, des mots en noirs, et ici, un lieu: Les Bordes. Une histoire avec du terreau, du ressentiment et l'instant fatidique. du blanc, du noir, du vide et de l'angoisse. le bord du gouffre, omniprésent. Parce que ça se sent, le drame. Parce que c'est dans l'air, le pire. Et Aurelie Jeannin s'approprie le temps de 200 pages, une façon d'être mère. Une façon d'être femme, fille, modèle, humaine, et de jouer sur tous ses rôles quand l'hypersensibilité, la charge mentale et la tragédie s'en mêlent…Faire partie et être à l'intérieur du carré, subir l'écorchure des recoins, combattre la linéarité, surveiller les angles. Être avec Brune, le temps de comprendre les heures qui s'écoulent dans Les Bordes, des plages horaires qui expliquent une famille et sa dynamique, un week-end de juin qui défile en tensions palpables entre présent et passé…Et il ne reste qu'à déterminer quels fils tirer du carré de terre échauffé, pour que les Bordes livrent leurs Mal-heures terribles…

Que l'acmé ne s'atteint qu'après une ascension.

J'aurai voulu être avec moins d'aspérités, moins de failles, parce que tout s'est inséré à l'intérieur. J'aurai aimé être capable de me verrouiller, pour que ça fasse moins mal. Parce qu'être mère, c'est ça. Être un peu Brune, le temps de quelques pages, et le ressentir puissance exponentielle. Les cauchemars à tout va, le coeur déglingué à tous vents. Être mère, c'est autant protéger que craindre. Etre submergée par l'indicible, la peur, le trop, les autres et puis, soi. Remplir toutes les cases qu'on nous impose, et des fois, lâcher en dedans. Parce que le Trop, est envahissant. Mais aimer, c'est étonnement fort. Plus fort que tout, d'ailleurs. Et il n'y a qu'en portant la vie qu'on le comprend. Mais même avec toute la volonté du monde, c'est un effort titanesque de chaque seconde pour toute la vie. Et c'est usant. le répit n'est pas permis, n'est pas toléré, n'est pas possible. C'est ça, être mère. Essayer d'atteindre la perfection, anticiper les risques, prévoir l'inattendu, être prête à toute éventualité. Mais on sait que la vie est imprévisible, c'est le propre même de la vie. Brune est au coeur des Bordes, et va l'apprendre à ses dépens, dans un bruit mat…

Ils étaient faits de chair, d'os et d'histoires, comme elle.

Il fallait la plume sensationnelle de Aurelie Jeannin, pour rendre ce week-end électrique. Il fallait son talent pour écrire les tourments incessants d'une femme. Il fallait des mots et des silences pulvérisants pour saisir l'avant et l'après d'un drame. Il fallait un carré, une famille et l'attraction pour donner un roman saisissant. Il fallait Les Bordes et des émotions. J'ai eu mon trop-plein et comme rien n'est dû au hasard, j'en reviens secouée…


Ma note Plaisir de Lecture 9/10

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement Babelio ainsi que les éditions Harper Collins pour leur confiance et l'envoi de ce livre.
Lien : https://fairystelphique.word..
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Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Des cas passés devant elle, elle retenait une leçon qui ne faisait aucun doute pour elle : on ne peut pas protéger ses enfants. On ne peut pas les protéger de ces hommes qui les capturent et les emmènent dans d'autres maisons, des caves, d'autres pays, pour utiliser leurs corps, les donner à d'autres sans remords. On ne peut pas les protéger de ces chauffards qui, la nuit venue, les paupières qui crissent sous la fatigue, l'alcool qui s'écoule dans les veines, ne voient plus rien. Que des lignes blanches qui luisent au milieu de la route, mais pas vos enfants sur le bas-côté. Ils les fauchent, les traînent sous leur voiture. Ils ne savent pas ralentir, ne savent pas ce qu'ils ont fait, ce qu'il faut faire. On ne peut pas protéger ses enfants de ces autres humains qui leur briseront le cœur, de ceux qui les blesseront. On ne peut rien contre la maladie, contre ces virus, ces tumeurs, ces maux qui grignotent nos enfants de l'intérieur. Contre ces chiens qui sautent au visage. Contre ces gens qui secouent, battent, enferment. Elle a tenté de tout border, dès leur naissance. Elle les a vaccinés, n'a manqué aucun rendez-vous chez le pédiatre. Elle a suivi leur courbe de croissance, fait mesurer la longueur de leurs os, le périmètre de leur boîte crânienne. Elle a posé des questions, vu les meilleurs spécialistes. Elle a demandé à rencontrer la directrice de la crèche, a acheté des chaussures chez des chausseurs, des chaussures qui tiennent fermement les pieds encore mous. Elle a mouliné les purées, fait des détours pour récupérer le panier de légumes bio. Elle a lu. A observé. A supprimé le bisphénol A. Plus de manches de casseroles d'eau bouillante qui dépassent. Les bouteilles de produits ménagers rangées tout en haut. Des caches aux prises électriques. Et déjà, pour la sortie au zoo, le pique-nique dans le parc, elle a abordé le sujet. Elle a parlé de ces hommes qui rôdent et qu'il ne faut pas suivre. Ces hommes seuls qui ne font rien que cacher leurs yeux derrière des lunettes. Déjà, autour de la piscine, sur les bords des grandes routes et des sentiers montagneux, elle a parlé de ces pierres qui glissent, des trous et du vide. Pour tout, partout, elle a parlé des risques. Elle a tenté de prévenir. Mais elle savait. Dans son bureau comme dans sa vie privée, elle ne connaissait personne à qui il n'était jamais rien arrivé. Pas de vague, pas de drame, pas de création, pas de découverte. Rien qui dépasse. Pas de bosses, pas de creux. Une ligne de vie neutre. Cela existait peut-être. Mais elle n'avait jamais rien vu d'autre que des centaines de personnes, toutes victimes ou coupables, tortionnaires, dommages collatéraux ou témoins a minima. Et puis, de toute façon, elle ne leur souhaitait pas une vie vide. Elle les voulait heureux et épanouis. Elle voulait que la joie domine leur vie. Qu'ils soient audacieux, grands, flamboyants, rayonnants. Elle espérait pour eux des rencontres, des espoirs, des projets, des exceptions. Même s'ils s'accompagnaient de désillusions, de refus, de douleurs. Elle leur voulait une vie pleine et riche, qu'ils termineraient tous les deux vieux, repus de bonheur, exemptés des blessures trop rudes, apaisés, reconnaissants et sereins. Il ne lui restait dès lors qu'à prier pour cela : pas de mort avant la vieillesse. Pas de mort par accident. Par maladie. Par hasard. Juste de la vieillesse qui cueille quand on a déjà beaucoup vécu, que l'on est satisfait et fatigué. Elle ne pouvait pas les protéger de la vie mais elle voulait, tant qu'elle était leur mère, vivante à leurs côtés, les sauver de la mort.
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Elle a changé de prénom. Elle n’a plus de prénom. Même son mari dit « maman » quand il parle d’elle. Elle est une maman. Elle est maman. Elle est la leur. Elle est toutes les mamans. Elle est maman le jour la nuit tout le temps pour tout pour l’un pour l’autre pour les deux pour toujours. Ce « ma » qui précède ce « man ». Ce « ma » qui dit « à moi ». Ma-man, ma mère, ma maman.
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Sa belle-mère aurait pu être une de ces femmes dociles et effacées, qui compensent l’aigreur de leur mari par une discrète mais infinie douceur. Une de ces femmes chez qui tout est excuse. Dont le moindre geste est une requête. Un élan pour demander pardon, au nom de cet autre à côté d’elle, malveillant, noir en dedans. Elle aurait pu être une mère et une grand-mère ronde et molle. Une sucrerie pour équilibrer l’acidité. Mais sa belle-mère était une branche morte. Pas une épave résignée qui se contenterait d’être absente. Non, une branche morte qui reste là, tenace, grise, piquante et déformée. Elle n’était d’aucun soutien, jamais. Elle fixait son mari de ses yeux dévorants, elle appuyait ses questions, nourrissait ses griefs. Elle en rajoutait (…).
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Son fils avait ses cheveux de bébé, malgré ses quatre ans. Des cheveux si fins que l'on ne pouvait pas les sentir entre ses doigts au moment des caresses du soir. Il avait des grains de beauté sur le visage, sur le haut des joues, près des oreilles. Il était parfait. Parfaits aussi, ses poignets fins et ses jambes encore trop courtes, qui ne pouvaient pas aller vite, qui s'emmêlaient. Son fils avait deux pieds ronds, honnêtes et tendres, qui ne se crispaient ni sous les caresses ni sous les chatouilles. Il les offrait au monde, comme deux petits pains, comme des mercis. Elle insinuait les doigts entre ses orteils, enlevait les bouloches laissées par les chaussettes. Elle voulait se glisser là et y mourir un peu, bercée.
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Il manquait un maillon pour saisir les motivations, les enclanchements et les passages à l’acte. Il y avait un néant, une sorte de monde inaccessible, dont on peut connaître l’existence mais ne même pas deviner les contours. C’était comme tenter d’imaginer quelque chose que l’on ne connaît pas, que l’on n’a jamais vu, qui ne ressemble à rien de ce que l’on a déjà appréhendé. C’était comme trouver des raisons au hasard. C’était aussi vain que d’essayer de mesurer l’éternité.
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