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Les livres de la terre fracturée tome 1 sur 4

Michelle Charrier (Traducteur)
EAN : 9782290172841
576 pages
J'ai lu (28/08/2019)
4.12/5   766 notes
Résumé :
La terre tremble si souvent sur votre monde que la civilisation y est menacée en permanence. Le pire s'est d'ailleurs déjà produit plus d'une fois : de grands cataclysmes ont détruit les plus fières cités et soumis la planète à des hivers terribles, d'interminables nuits auxquelles l'humanité n'a survécu que de justesse. Les gens comme vous, les orogènes, qui possédez le talent de dompter volcans et séismes, devraient être vénérés. Mais c'est tout l'inverse. Vous de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (131) Voir plus Ajouter une critique
4,12

sur 766 notes
Après trois ans à me promettre de lire cette série « bientôt », je me suis enfin décidée à la sortir du fond de ma PÀL. Bien m'en a pris, parce qu'elle me réconcilie avec un sous-genre de SF dont je suis peu friande, à savoir le post-apocalyptique.

Nous sommes dans un univers (sous-entendu, la Terre quelques milliers d'années dans le futur) où s'enchaînent les « fins du monde » à grands coups de séismes, d'éruptions volcaniques et/ou de tsunamis dévastateurs. La civilisation s'est radicalement transformée, la survie de l'humanité est la priorité n°1, avec tout ce que ça suppose de décisions pragmatiques. Et certains individus, les orogènes, sont capables de contrôler les mouvements de la terre, ce qui leur vaut la haine sans merci des « fixes ».

On suivra le destin de trois de ces orogènes, trois femmes : Essun, mariée et mère de famille, qui voit sa vie basculer quand son mari découvre ce qu'elle est réellement, tue leur fils de trois ans et kidnappe leur fille. Damaya, petite fille rejetée par sa famille, qui est confiée à la garde du Fulcrum, un organisme chargé de gérer les orogènes. Enfin, Syénite, jeune femme du dit Fulcrum, qui se voit chargée d'une mission sous la houlette d'un nouveau mentor. Parmi les trois, Essun a la particularité d'être désignée au « vous », un choix narratif dont la portée réelle apparaîtra au fil des tomes (le premier s'achevant sur la révélation de l'identité du narrateur).

Malgré un univers et des thèmes très durs, je n'ai pas ressenti l'impression que me laissent beaucoup de romans de post-apo, à savoir de tomber dans une surenchère de cruauté gratuite et écoeurante. Ici, tout semble organique, les personnages et les relations qu'iels entretiennent sont décrits avec énormément de finesse. Certain·es lecteurices pourront les trouver froid·es, du fait de leur côté pragmatique, mais même la froideur se décline en plein de nuances intéressantes et émouvantes. J'ai adoré Essun et son rapport à la maternité (sujet délicat s'il en est). Mais s'il y a un personnage qui se démarque tout particulièrement, c'est celui d'Albâtre, le mentor de Syénite. D'ailleurs, la relation que les deux entretiennent et son évolution est particulièrement intéressante aussi.

Roman dur, où transparaît la rage face à l'injustice, face à la recherche systématique d'un bouc émissaire et face à la déshumanisation, sur fond d'enjeux écologiques. Il y a là-dedans beaucoup de finesse et de non-dits, qui n'atténuent en rien la puissance de l'histoire. La plume de l'autrice, très particulière, déroute beaucoup au début, mais relève d'une grande maîtrise narrative qui prend tout son sens au fil des tomes.

Je ne sais pas si je dois en conclure que l'attente valait la peine, ou si je regrette de ne pas m'y être attaquée plus tôt… mais clairement, le résultat était à la hauteur !
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Récompensée par plusieurs des prix littéraires les plus prestigieux pour ses romans aussi bien que ses nouvelles, Nora K. Jemisin est une autrice américaine dont la réputation n'est plus à faire, que ce soit aux États-Unis ou en France. Cela fait pourtant deux ans que ce premier tome des « Livres de la Terre fracturée » traîne dans ma PAL sans que je ne parvienne à rassembler suffisamment de motivation pour l'entamer, alors même que j'ai beaucoup apprécié les autres écrits de l'autrice (qu'il s'agisse de sa « Trilogie de l'héritage » ou du recueil de nouvelles « Lumières noires »). Confinement oblige, j'ai fini par prendre mon courage à deux mains, et s'il y a bien une chose que je regrette, c'est d'avoir autant attendu pour découvrir cette merveille ! Réputée pour avoir été récompensée trois années consécutives par le Prix Hugo (2016 pour le premier tome, 2017 et 2018 pour les suivants), la trilogie met en scène une planète Terre qui n'a plus rien à voir avec celle que nous connaissons aujourd'hui, tant sur le plan civilisationnel que géographique. L'environnement y est désormais résolument hostile aux hommes qui se sont réunis en petites communautés dont la seule et unique préoccupation est de se préparer à survivre à la prochaine « cinquième saison », une période de durée variable durant laquelle les conditions de vie se dégradent encore un peu plus suite au déclenchement de catastrophes naturelles allant du tsunami, aux éruptions volcaniques, en passant par les tempêtes, les tremblements de terre… de même, l'organisation sociale de ces communautés et leur degré d'innovation technologique n'ont plus rien à voir avec notre monde aujourd'hui (même si certains artefacts venues de civilisations disparues demeurent). Ce contexte général nous est exposé de manière un peu brute dans un (bref) prologue qui, en quelques lignes, posent les bases de ce nouveau monde qui nous est totalement inconnu et dont on peine pour le moment à comprendre les subtilités. A ces quelques pages de contextualisation à l'échelle d'un continent (le Fixe) succède une contextualisation à l'échelle d'un individu, et c'est là que l'autrice introduit ses personnages.

Le roman alterne entre le point de vue de trois personnages : trois femmes, et surtout trois orogènes. Orogènes ? Des individus capables d'entrer en contact avec la Terre et de manipuler les champs de force qui la traverse. Ces derniers sont autant capables de limiter l'ampleur d'un tremblement de terre ou d'une éruption par leur maîtrise, que de les provoquer par leur manque de contrôle. Pour cette raison, les orogènes (plus communément désignés sous le nom de « gêneurs ») sont craints et haïs par tous, au point d'être victimes de véritables lynchages lorsque l'un d'entre eux est identifié dans une communauté (leurs pouvoirs sont difficilement détectables si bien qu'il est impossible de les identifier tant qu'ils ne les exercent pas de manière visible). le seul endroit où les orogènes peuvent vivre dans une relative sécurité est à Lumen, capitale de l'empire Sanze, au sein du Fulcrum, un centre d'apprentissage destiné aux « gêneurs » que l'on forme à contrôler et utiliser leurs pouvoirs. Les trois protagonistes sont donc des orogènes. La première Essun, voit sa vie basculer lorsqu'elle rentre chez elle et découvre sa fille enlevée et son fils mort, roué de coups par son père après que celui-ci ait compris que sa femme (et donc leurs deux enfants) étaient des orogènes. Bien décidée à se venger et à récupérer sa fille, la voilà qui quitte sa communauté pour entreprendre un dangereux voyage à la poursuite de son mari. La seconde, Syénite est une élève du Fulcrum qui est parvenue à monter peu à peu dans la hiérarchie et à qui on confie une mission à mener hors des murs de l'enceinte : libérer le port d'une ville côtière du corail qui empêche sa bonne utilisation. A priori rien de bien sorcier, sauf que le compagnon de route qu'on va lui imposer va totalement bouleverser sa vision du Fulcrum et de leur situation. Enfin, la dernière, Damaya, est une petite fille dont la famille vient de réaliser qu'elle est une orogène et qui, pour éviter que la communauté ne la tue, fait appel à un Gardien, un membre du Fulcrum chargé d'encadrer les « gêneurs » et de les conduire à Lumen. le roman alterne entre le récit des unes et des autres de manière classique, avec une particularité dans le cas d'Essun puisque ses chapitres sont écrits à la deuxième personne du pluriel quand les deux autres sont rédigés à la troisième du singulier.

Avec deux paragraphes nécessaires rien que pour exposer (brièvement !) les faits, vous vous doutez bien que le roman se révèle particulièrement dense. Difficile d'ailleurs de le classer dans une quelconque catégorie tant il emprunte à différents courants. Ainsi, si l'aspect post-apo saute aux yeux dans la mesure où l'action prend place « après la fin du monde », le fait que l'on ne reconnaisse absolument rien de notre monde, ni sa géographie, ni son fonctionnement, ni son histoire, pourrait tout à fait nous inciter à croire qu'on se trouve dans un univers de fantasy à part. Un univers qui, il est vrai, se révèle classique par certains aspects, à commencer par ces individus dotés de pouvoirs et persécutés à cause de leur différence (le parallèle avec X-men est tentant, même si, dans le cas présent, l'autrice prend soin d'expliquer comment fonctionnent les capacités surnaturelles de ses personnages). le roman fait cela dit aussi preuve de beaucoup d'originalité et se révèle particulièrement bien construit. L'autrice court en effet le risque d'entretenir pendant quelque temps la confusion du lecteur en le laissant dans le flou concernant la plupart des règles qui régissent ce nouveau monde, tout en en dévoilant suffisamment pour éveiller sa curiosité et lui apporter quelques repères. de nombreux aspects restent ainsi en suspens pendant une bonne partie du roman, avant que des éclaircissements ne viennent peu à peu expliquer, complexifier ou enrichir. L'autrice n'a également pas son pareil pour donner de la consistance à son univers grâce à une multitude de petits éléments qui pourraient paraître anodins mais qui permettent de mieux comprendre l'organisation sociale mise en place (avec les noms d'usage par exemple et la classification des individus en fonction de leurs capacités : Reproducteur, Dirigeant, Costaud…), ou le fonctionnement du Fulcrum (les différents « grades », les particularités des lieux…), ou encore l'histoire du Fixe, ce continent traversé siècle après siècle par des « saisons » de plus ou moins grande intensité et avec lesquelles les humains doivent composer. La menace omniprésente représentée par ces « saisons » participe à instaurer une ambiance « survivaliste », puisque toutes les ressources et toutes les décisions prises par les communautés visent à se prémunir contre la prochaine catastrophe. Cette inéluctabilité n'est évidemment pas propice à l'instauration d'un climat de confiance et de solidarité, aussi a-t-on affaire à un monde cruel, régit par des principes de bases et une doctrine (la lithomnésie) qui ne laisse aucune chance aux faibles.

Un univers passionnant ne sert toutefois pas à grand-chose si les personnages ne sont pas eux aussi à la hauteur, et, là encore, N. K. Jemisin ne déçoit pas. Car qu'on ne s'y trompe pas : même si l'autrice prend bien soin d'exposer en détail les spécificités de son univers (et elles sont nombreuses !), elle ne perd pour autant jamais de vue le coeur de son récit, à savoir le parcours de ces trois héroïnes. Et quelles héroïnes ! Une fillette abandonnée par les siens, une jeune femme qui voit son avenir lui échapper, et une mère meurtrie : trois femmes torturées, abîmées par la vie, vulnérables et pourtant tellement fortes. L'autrice signe ici trois portraits absolument bouleversants qui ne peut que susciter l'attachement immédiat du lecteur. L'identification avec Essun est d'ailleurs d'autant plus renforcé par l'utilisation du « vous » qui créé un lien plus étroit encore avec le lecteur. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, qu'ils aient un rôle positif ou négatif auprès des protagonistes. Albâtre, un orogène ayant atteint de plus haut degré de maîtrise du Fulcrum et rongé par toutes les horreurs dont il a été témoin, est sans aucun doute le plus marquant et le plus bouleversant de tous, mais on s'attache aussi à Hoa, l'étrange petit garçon qui va s'attacher aux pas d'Essun, tandis qu'on ne peut s'empêcher d'être pris d'une fascination presque malsaine pour le redoutable Gardien Schaffa. Cet attachement que l'on porte aux personnages rend d'autant plus douloureuses les épreuves qu'ils ont à traverser. le roman est résolument sombre, presque désespérant par moment, et comporte des scènes à vous retourner l'estomac ou vous briser le coeur. Une scène de torture, en particulier, est difficile à supporter, mais la disparition d'être chers aux héroïnes est également vécue comme un vrai déchirement. Cela peut parfois mettre le lecteur mal à l'aise, voire lui donner envie de reposer le livre pour se mettre en PLS, d'autant que l'autrice n'offre pour le moment aucune lueur d'espoir (ce serait même l'inverse). Il serait néanmoins dommage de renoncer à découvrir cet univers et ces personnages qui valent incontestablement le détour, de même que la construction du roman. Celle-ci figure en effet parmi les (nombreux) points forts de l'ouvrage, puisqu'elle permet à l'autrice d'enchaîner les retournements de situation totalement inattendus, soit parce qu'ils rebattent totalement les cartes, soit parce qu'ils nous amènent à voir les personnages différemment.

Avec ce premier tome des « Livres de la Terre fracturée », Nora K. Jemisin signe un roman remarquable qui vous laisse à la fois émerveillé et abasourdi. L'univers mis en scène est captivant (et n'a pas encore livré tous ses secrets), mais ce sont surtout les personnages et la construction du roman qui témoignent le mieux du talent de l'autrice qui possède un talent de conteuse incroyable. Nul doute que la suite sera du même acabit, aussi ai-je hâte de m'y atteler. Une pépite, à découvrir absolument !
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Oeuvre se situant entre SF et Fantasy que je ne tenterai même pas de résumer, tant l'univers décrit est « Autre », imprégné de ce « sense of wonder » qu'on ne rencontre plus que rarement dans la production SFFF récente.
Il est vrai que pénétrer (abasourdi) dans et sur La Terre fracturée a exigé un peu d'effort, or, dès que j'avais -réellement- fait connaissance avec les personnages principaux féminins de cette histoire, j'étais entraînée dans leurs récits et leurs vécus... douloureux.
Ces femmes ne possèdent pas seulement un très fort caractère (caractères que je ne développe pas parce que je ne veux pas « spoiler » la vérité cachée derrière leurs personnalités)... mais également un grand pouvoir de « magie lithosphèrique », ressenti comme une menace par les habitants « normaux » de ce continent continuellement secoué par des séismes et éruptions volcaniques.

L'auteure dévoile avec talent, et très progressivement, l'histoire et les configurations sociétales directement liées à la structure géographique de ce monde minéral et... violent. Violence qui découle d'un constant mobilisme tectonique, d'une société de communautés perpétuellement en alerte et en mouvement et la politique discriminatoire d'une caste dirigeante ayant su tirer profit de légendes « historiques ».

J'ai autant apprécié ce dévoilement progressif, (assimilant ainsi plus aisément les étrangetés et comportements parfois étonnants des personnages principaux) que les thèmes abordés... la différence (si préjudiciable !), la quête de l'identité (féminin) et l'espoir de liberté... un jour... peut-être.
L'autre « force » de ce texte réside dans l'écriture, travaillée, ciselée et parfaitement maîtrisée.
Un coup de coeur pour ce Prix Hugo 2016.
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Tout simplement brillant

Sur des bases qui n'ont pourtant à priori rien d'original (une science-fantasy post-apocalyptique / de la Terre mourante où une caste de « magiciens / mutants » appelés Orogènes est discriminée), N.K. Jemisin bâtit un univers et un roman exceptionnels, en terme de cohérence, de richesse ainsi que de subtilité dans la narration et le traitement des thématiques (centrées sur la discrimination, la stigmatisation, le dogmatisme, etc). L'intrigue et la découverte progressive de ce supercontinent ravagé par l'activité sismique et volcanique, qui anéantit quasiment à intervalles réguliers (les fameuses cinquièmes Saisons -en réalité des hivers « nucléaires »-) la civilisation et l'humanité, se révèlent passionnantes. Mais c'est sa narration d'une très grande qualité (dans le style, l'immersion et la structure) qui achève de faire de la Cinquième saison un vrai chef-d'oeuvre, méritant totalement son prix Hugo et à lire absolument, un alliage d'une pureté inégalable entre dépaysement et réflexion.

Retrouvez l'argumentaire complet sur mon blog.
Lien : https://lecultedapophis.word..
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L'histoire se déroule sur un continent unique, le Fixe. Quelques éléments disséminés ici et là, n'écartent pas la piste de la Terre, mais rien n'est moins sûr… En effet, le Fixe connaît une activité sismique et volcanique très importante, la tectonique des plaques travaille la planète dans ses tréfonds engendrant raz de marée, tsunamis, tremblements de terre, explosions des volcans. Pourtant, la vie existe. Hélas, le terrible Dieu local, le Père Terre est régulièrement d'humeur massacrante, et déclenche une Cinquième Saison : un hiver apocalyptique.

Malgré les forces dévastatrices à l'oeuvre les humains survivent d'épreuve en épreuve (ils sont coriaces ces bougres!). Proches de l'éradication lors des épisodes les plus durables, ils survivent en se regroupant en comm (pour communauté).

Les seules structures centralisées et continentales sont des lieux de savoir ou de maîtrise technique telle la 7° Université ou le Fulcrum . Ces deux centres accueillent des étudiants afin de les former. Si l'université a un périmètre classique, ce n'est pas le cas du Fulcrum.

I

l existe une catégorie méprisée, tenue à l'écart, et souvent tuée en bas-âge : les orogénes. Leur tort : ils vivent en symbiose avec la terre.

Ce système de magie, à défaut de meilleur terme, est tout à fait original et captivant.

Les orogénes ressentent secousses, mouvements de terrain et points chauds. Rien d'extraordinaire en cela; non seulement ils y sont sensibles mais ils possèdent la capacité de puiser cette énergie pour la transformer. Quand un orogène adulte maîtrise son talent si particulier, il peut l'utiliser pour atténuer voire gommer des secousses, ou geler le carreau d'une arbalète; après tout, ce n'est qu'une transformation de l'énergie par la voie calorique…

L'enfance est bruit, joie et chamaillerie. Une période pour se découvrir. Un jeu un peu brutal, une raillerie ou une contrariété peut révéler un don caché, et mettre au ban de la comm les enfants ainsi découverts. Dans le meilleur des cas, ils sont recueillis par le Fulcrum, dans le pire abattus sur place. Cette institution ne ressemble pas à un internat ou un orphelinat, le camp de redressement s'apparente davantage à la vie millimétrée et calibrée des élevés orogénes.

Ces artificiers de la terre ne sont pas les seuls possédant des aptitudes particulières. Ils sont encadrés par des Gardiens dotés d'un champ de nullité. Leur affectation à leurs pupilles s'opère dès le « recrutement » et pour la vie. Ils exercent un contrôle sur eux dès cet instant, et cette emprise tient à la fois de la manipulation que de la maltraitance psychologique (et physique).

L'auteur nous propose de suivre la vie de divers personnages. Une enfant, deux femmes, et un homme, pour l'essentiel. C'est surtout l'occasion de brosser les conditions de vie à différents stades et dans différentes conditions de l'orogéinité. L'enfant Damaya voit son secret découvert lors d'une chamaillerie, un Gardien la « recueille », commence son apprentissage entre douceur, prévenance et cruauté, et l'escorte jusqu'au Fulcrum où elle va poursuivre sa formation.

Si cette jeune fille, douée et solitaire nous évoque d'autres figures de la littérature (Hermione, par exemple), ce n'est pas le cas de Syénite, une jeune femme, 4 anneaux (hiérarchie propre au Fulcrum) entêtée, tout aussi solitaire, avec un potentiel très intéressant.

Son caractére est affirmé et acerbe, et bien qu'elle fasse profil bas au sein de cette institution, le lecteur sent un volcan qui couve sous les cendres. Une mission d'importance lui est confiée, doublée d'une requête précise. A son grand déplaisir, un mentor supervisera sa tâche, un 10 anneaux du nom d'Albâtre, et l'étalon qui doit lui donner un enfant… La double mission ne sera pas de tout repos (et pour cause), alors que tous deux se détestent au premier regard.

La dernière femme centrale du récit est Essun « vous« , qui vivez à Tirimo avec deux enfants et un mari, dissimulant votre différence… jusqu'au jour ou votre conjoint s'en aperçoit et massacre votre fils sous vos yeux…

Le récit alterne entre ces trois personnages principaux. La procédé narratif est habile, peu courant et peut surprendre initialement. Une fois plongé dans la lecture, et s'appropriant Essun, « vous« , l'immersion est totale; l'histoire est vécue avec les entrailles, les vôtres et celle de la terre. Il est évident que les trames possèdent une résonance entre elles, et qu'elles sont destinées à se rejoindre, mais le voyage en compagnie de ces tranches de vie éclaire le cas des orogéne avec précision et compassion.

Malgré leurs défauts, leurs caprices parfois, ils sont globalement attachants, voire très attachants, bien travaillés pour avoir de la consistance. Même les personnages secondaire gardent des traits de personnalité propres qui leur permettent de ne pas se fondre dans la masse des stéréotypes habituels.

La Cinquiéme saison est un roman captivant, proposant un univers torturé et une lutte pour exister savoureuse. L'auteur nous offre un récit alliant divertissement, frissons, et fond. Un prix Hugo mérité. L'envie de lire la suite est impérieuse…

Critique plus compléte sur mon blog
Lien : https://albdoblog.com/2017/0..
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critiques presse (2)
eMaginarock
14 octobre 2019
C’est long à lire avec beaucoup trop de digressions et un changement de personnage à chaque chapitre qui déroute complètement. De plus, le roman est un peu trop dialogué pour moi avec un manque flagrant de descriptions.
Lire la critique sur le site : eMaginarock
Elbakin.net
26 septembre 2017
Autant dire qu’il est aisé de sortir ébranlé d’une pareille lecture et que l’on peut même se demander si l’on a vraiment envie de plonger dans un tel récit.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
« Je suis heureuse que vous m’ayez donné un mentor, senior.
– Non, vous ne l’êtes pas. » Toujours souriante, Feldspath sirote à son tour un peu de sain, petit doigt bagué en l’air. On dirait un concours d’étiquette privé – le plus beau sourire hypocrite remporte la mise. « Si cela peut vous consoler, sachez que nul n’en aura moins bonne opinion de vous. »
Parce que chacun saura de quoi il s’agit, en réalité. Certitude qui n’efface pas l’insulte, mais dont Syénite tire un certain réconfort. Et puis, au moins, son tout nouveau « mentor » est un dix-anneaux, ce dont elle tire également un certain réconfort : ça signifie qu’on a en effet bonne opinion d’elle. Elle triturera cette histoire au maximum pour en exprimer jusqu’à la dernière trace d’amour-propre.
« Il vient de terminer une tournée des Moyessud », reprend Feldspath d’une voix douce. La conversation n’a par essence aucune douceur, mais Syénite est sensible aux efforts de la senior. « Il devrait bénéficier d’un plus long repos avant de repartir en voyage, mais le gouverneur du quartant a insisté pour que nous nous occupions au plus vite du port d’Allia. C’est vous qui lèverez le blocage ; votre mentor se contentera de superviser les choses. Il devrait vous falloir un mois pour vous rendre là-bas sans vous presser, à condition que vous évitiez les grands détours… De toute manière, il n’y a pas urgence, puisque le problème du récif corallien n’est pas exactement nouveau. »
Sur ces mots, Feldspath a l’air réellement, quoique brièvement, agacée. Le gouverneur du quartant d’Allia a dû se montrer particulièrement pénible, à moins que ce ne soient les Dirigeants d’Allia. Depuis que Feldspath est devenue sa senior attitrée, il y a de cela des années, Syénite ne lui a jamais vu plus grise mine qu’un sourire hésitant. Elles connaissent toutes deux les règles : les orogènes du Fulcrum – les orogènes impériaux, les bêtes noires, ceux qu’il vaudrait sans doute mieux éviter de tuer, quel que soit le nom qu’on leur donne – sont censés se montrer en permanence polis et professionnels. Les orogènes du Fulcrum sont censés donner en permanence une impression d’assurance et de compétence, du moins en public. Les orogènes du Fulcrum sont censés ne jamais exprimer la moindre colère, pour ne pas mettre les fixettes mal à l’aise. Mais Feldspath ne commettrait pas l’incorrection d’utiliser un terme aussi insultant que fixettes – voilà pourquoi c’est une senior, responsable d’un certain nombre de supervisions, alors que Syénite arrondit seule ses propres angles. Si elle veut atteindre le niveau de Feldspath, il va falloir qu’elle prouve son professionnalisme. Et qu’elle se plie à quelques contraintes supplémentaires, semble-t-il.
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À en croire la légende, le Père Terre ne détestait pas la vie, à l'origine.
Les mnésistes racontent même qu'Il a fait tout Son possible pour en faciliter l'émergence déconcertante à Sa surface, il y a de ça très, très longtemps. Il a conçu des saisons prévisibles et régulières ; Il a veillé à ce que les vents, l'océan, les températures changent assez lentement pour que le moindre être vivant puisse s'adapter, évoluer ; Il a invoqué des eaux capables de se purifier et des cieux de s'éclaircir après l'orage. Il n'a pas créé la vie - le hasard s'en est chargé -, mais Il l'a trouvée fascinante, Il s'est réjoui de son existence, Il a été fier de S'offrir à une beauté aussi étrange et indépendante.
Et puis les hommes se sont mis à Lui infliger des horreurs. Ils ont empoisonné Ses eaux au point qu'Il ne pouvait plus Lui-même les purifier, et ils ont tué une bonne partie des autres vies qui s'épanouissaient à Sa surface. Ils ont percé la croûte de Sa peau et se sont enfoncés dans le sang de Son manteau pour accéder à la moelle suave de Ses os.
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Les jours passent. Plusieurs jours.
Une poussée divise le rein minéral de l’intérieur. Son occupant le quitte en rampant puis s’effondre à proximité. Un autre jour passe.
La masse refroidie, coupée en deux, dévoile des entrailles tapissées de cristaux disparates, d’un blanc laiteux ou d’un vif rouge sang. Le fond des demi-géodes baigne dans un liquide pâle très fluide, quoique le sol alentour en ait absorbé l’essentiel.
Le corps que renfermait la chose gît face contre terre parmi les rochers, nu, sec, mais toujours animé des tressaillements laborieux de l’épuisement. Toutefois, il parvient peu à peu à se redresser. Chacun de ses mouvements est réfléchi et très, très lent. Il lui faut longtemps pour se lever. Une fois debout, il s’approche en titubant – lentement – de la géode, à laquelle il s’appuie pour ne pas tomber. Ainsi étayé, il se penche – lentement – et y plonge la main. Un geste d’une brusquerie inattendue : il a brisé l’extrémité d’un cristal rouge. Un petit morceau, de la taille d’un raisin peut-être, aussi aiguisé qu’un débris de verre.
L’enfant – car c’est de cela qu’il a l’air – porte ce raisin coupant à sa bouche, où il disparaît. Mastication bruyante, trop bruyante, craquements et grincements dont résonne la vallée. Quelques instants plus tard, le garçonnet déglutit. De violents frissons s’emparent de lui, et il s’entoure un instant de ses bras. Un faible gémissement lui échappe. On dirait qu’il vient de prendre conscience de sa nudité, du froid, de ce que sa nudité dans le froid a de terrible.
Un effort lui permet de se maîtriser. Il plonge à nouveau la main dans le rein minéral – ses mouvements sont plus rapides, maintenant – pour en tirer d’autres cristaux, qu’il empile au fur et à mesure sur la géode. Les gros cristaux émoussés s’effritent sous ses doigts comme du sucre, alors qu’ils sont en réalité beaucoup, beaucoup plus durs, mais l’enfant ne rencontre aucune difficulté, parce que ce n’est pas réellement un enfant.
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"On n'est pas humains.
— Si. On est humains.“ La voix d'Albâtre explose." Je me fous de ce qu'a décrété le conseil machin-machin, avec ses gros crétins bouffis de suffisance, je me fous des classements des géomestres et de toutes ces conneries. Ils se mentent à eux-même en disant qu'on n'est pas humains pour ne pas avoir à se sentir coupables de la manière dont ils nous traitent… “
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Un trou dans le motif. Un noeud dans la trame. Des choses dont vous devriez prendre note, ici et maintenant. Des choses qui n'y sont pas, remarquables par leur absence.
Notez ainsi que nul dans le Fixe ne parle d'îles. Non qu'elles n'existent pas ou soient inhabitées, bien au contraire. Mais les îles naissent souvent près des failles ou au-dessus des points chauds, ce qui en fait des formations éphémères à l'échelle planétaire, apparaissant lors d'une éruption, disparaissant lors du raz-de-marée suivant. Pourtant, les êtres humains aussi sont éphémères à l'échelle planétaire. Le nombre de choses dont ils ne prennent pas note est littéralement astronomique.
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Vidéo de N. K. Jemisin
N.K. Jemisin and Book Riot's Jenn Northington discuss Jemisin's novel The City We Became. This is a spoiler zone! No plot point is off the table from The City We Became!
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