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EAN : 9782262032470
384 pages
Perrin (13/03/2014)
3.38/5   4 notes
Résumé :
« Avec quelle rage l’antigaullisme […] s’acharne à propager la légende de ‘La résistance de Londres’ ! Aux uns comme aux autres, j’oppose la vérité : La France libre fut africaine. » Voilà ce que soutenait fort justement Jacques Soustelle. A l’automne 1940, le Royaume-Uni n’apportait effectivement à la France libre ni combattants, ni matières premières, ni territoire national, ni souveraineté. La France libre s’étendait en réalité de la frontière tchado-libyenne au ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'historien Eric Jennings poursuit une oeuvre d'une remarquable cohérence à l'intersection de l'histoire de la Seconde guerre mondiale, de l'histoire coloniale et des études africaines. C'est la lecture de Robert Paxton qui l'a poussé à s'intéresser à l'Empire colonial français : le célèbre historien américain soutenait que Vichy disposait à l'égard de l'Allemagne d'une grande marge d'autonomie. Eric Jennings a cherché à tester cette hypothèse dans les colonies françaises, loin du joug allemand. Dans la thèse qu'il a soutenu à Berkeley en 1998 (publiée chez Grasset en 2004), il démontrait que Vichy avait mené de sa propre initiative une politique comparable à celle mise en oeuvre en métropole sous la soi-disant contrainte allemande : lois sur la jeunesse, mesures discriminatoires à l'égard des Juifs ou des francs-maçons … Après s'être intéressé aux zones de l'Empire restées fidèles au maréchal Pétain, il explore l'autre versant de l'histoire de la France coloniale durant la Seconde guerre mondiale : celle des territoires ralliées à la France libre.

le principal mérite de la scrupuleuse étude de Eric Jennings est de réhabiliter cette histoire méconnue. On fait partir l'épopée de la France libre de Koufra en 1941 ou de Bir Hakeim en 1942, en plein désert de Libye, en oubliant le point de départ des hommes de Leclerc. On réhabilite, avec le film « Indigènes », l'armée d'Afrique composée essentiellement de soldats maghrébins ralliés à De Gaulle à l'été 1943 en omettant le recrutement de 17.000 Africains dans les rangs de la France libre de 1940 à 1943.

En juin 1940, la France libre est tout au plus un Appel. Une vision prophétique sans doute, une poignée de combattants courageux, mais pas de territoires ni de matières premières et guère de légitimité. Avec quelques poches éparses de l'Inde et du Pacifique, l'AEF et le Cameroun vont fournir à la France libre cette base territoriale qui lui faisait défaut. Selon la jolie formule de Jean Lacouture, grâce aux Trois Glorieuses – ces trois journées des 26, 27 et 28 août 1940 qui virent les ralliements successifs du Tchad, du Cameroun et du Moyen-Congo – « De Gaulle a cessé d'être un squatteur sur les rives de la Tamise ». le ralliement de ces territoires tint à un fil. Eric Jennings démontre la part de la géographie – l'AEF et le Cameroun dépendait des colonies voisines, notamment du Nigeria et du Soudan britanniques ou du Congo belge – mais surtout celle de la volonté d'une poignée d'hommes, quelques desperados gaullistes (René Pleven, André Parant, Claude de Boislambert, Edgard de Larminat) qui, non sans bluff ni ruse, persuadent les administrateurs de ces territoires de rallier la France libre en août 1940. le ralliement du Gabon, plus poussif, attendra le mois de novembre. Alors que la France libre échoue piteusement à prendre Dakar ou Saint-Pierre-et-Miquelon et s'engagent dans de funestes combats fratricides en Syrie et à Madagascar, l'AEF et le Cameroun constitueront pendant trois ans ses seuls territoires. Ils lui apportent ses combattants et ses ressources : l'or qui renfloue les caisses et le caoutchouc dont la production pallie la perte des territoires alliés en Asie du sud-est.

La France libre a-t-elle pour autant rompu avec les pratiques de la colonisation ? La mémoire instrumentalisée de la conférence de Brazzaville en 1944 puis celle du président de la République qui accorda aux colonies africaines leurs indépendances en 1960 accréditent la thèse rétrospective d'un gaullisme émancipateur. Or, les faits démontrent le contraire. La France libre a perpétué les pratiques coloniales de la IIIème République. Voire elle l'est a aggravées au nom de l'effort de guerre. Elle pratiqua l'enrôlement forcé dans les campagnes. Elle soumit les Africains à des conditions de travail exténuantes pour exploiter l'or ou le caoutchouc.

Mais la « situation coloniale » n'est pas immobile. Si les colons européens semblent développer un sentiment de toute-puissance garanti par les impératifs de guerre, les Africains prennent conscience des torts qui leur sont faits. Dix ans avant le Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire, ils portent plainte contre leurs tortionnaires qualifiés de « vichystes » ou de « nazis ». le temps de l'émancipation n'est pas loin favorisé tout à la fois par l'impact psychologique de la débâcle, le renversement brutal de l'ordre vichyste par un mouvement séditieux, la rupture avec la métropole, le « prix du sang » payé sur les champs de bataille …
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Enfin, les très nombreux essais sur le thème de la "Françafrique" ont eu tendance eux aussi à ignorer l’impact de la France libre en Afrique, cette fois dans l’après-guerre. Il s’agit donc ici en partie d’une l’histoire de l’oubli. Néanmoins, en termes mémoriels, j’affirme ici que l’image de la France libre africaine, que le souvenir de Brazzaville gaulliste, ont été déployés de façons multiples et parfois contradictoires depuis 1945. Ainsi, dans le sillage de la décolonisation, les relations franco-tchadiennes, franco-congolaises et franco-gabonaises peuvent être utilement appréhendées à travers le prisme mémoriel de l’Afrique française libre au combat.
L’épopée de la France libre est connue dans ses moindres détails, répliquera-t-on. Certes, les nombreux récits des ralliements de l’AEF et du Cameroun, et de ses premiers triomphes, à Koufra, puis au Fezzan en 1941, et surtout à Bir Hakeim en 1942, se sont gravés au fil du temps en images d’Épinal. L’ascension fulgurante de Philippe Leclerc, qui confectionne lui-même ses galons pour faciliter le basculement du Cameroun dans le camp de la France libre le 27 août 1940, le serment de Koufra du 2 mars 1941 durant lequel ce même Leclerc jure de ne pas déposer les armes jusqu’à la libération de Strasbourg, la traversée du désert, l’héroïque défense de Bir Hakeim du 26 mai au 11 juin 1942 contre les troupes déterminées d’Erwin Rommel, sont repris comme autant de vignettes et de litanies, parfois à la phrase près. Raison de plus pour revisiter cette histoire à la lumière des archives – en portant une attention particulière à la dimension africaine de la question. Car dans les mémoires des principaux acteurs français libres, comme dans beaucoup d’histoires du mouvement, l’Afrique et les Africains sont à la fois omniprésents et invisibles. Les mémoires tendent à préciser le nom de chaque Européen tombé, parfois suivi par un chiffre – souvent plus élevé – de "tirailleurs" anonymes. Si on les devine, les Africains restent toutefois en arrière-plan.
Mon pari ici est de retrouver leur trace, et de restituer leur condition, leur rôle, leurs actions, leurs paroles, et leur sort. Ceci pour les combattants africains, bien entendu, mais aussi pour les chauffeurs, mineurs, chefs, porteurs, ouvriers, travailleuses, et récolteurs et récolteuses de caoutchouc, ayant tous joué un rôle dans le versant africain de l’histoire de la France libre. Mon but est non seulement de mesurer l’importance de l’Afrique pour le mouvement gaulliste, mais aussi de déterminer de quelle manière la guerre et la France libre comptèrent pour les Africains.
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En 1942, Leclerc confie au volontaire FFL américain Hassoldt Davis (dit Bill Davis) que la France libre aurait pu bénéficier des « combattants superbes » que sont les Nord-Africains. S'il regrette de ne pouvoir faire appel à des soldats maghrébins avant 1943, Leclerc fera à son corps défendant grand usage des troupes issues du Cameroun et de l'AEF.
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