Le recueil s'ouvre sur une préface de l'autrice, première chinoise à gagner le Hugo. Elle y explique, sur le ton de l'excuse, qu'il s'agit de ses premières nouvelles et que ses plus récentes sont meilleures. Qu'elle adore écrire de la SF d'idée, mais qu'elle apprend à connaître ce vilain défaut qui consiste à oublier d'y ajouter des intrigues.
Et... je dois dire que la critique qu'elle s'adresse à elle-même est très juste. Chaque nouvelle présente une idée qui aurait été la base d'une excellente histoire... s'il y en avait une.
La première, Pékin Origami, est sa plus célèbre, c'est celle qui a gagné le Hugo. On y voit un Pékin du futur où trois classes sociales vivent les unes après les autres.
D'abord, les élites, qui ont droit à une journée de 24h. Puis ils tombent en hibernation et ses bâtiments entrent dans le sol, remplacés par ceux de la classe moyenne.
Cette dernière, plus populeuse, vit et travaille de 6h à 22h. Puis elle tombe à son tour en hibernation, et lorsque la ville finit de se replier et de se déplier, la classe populaire émerge.
Celle-ci est réveillée de 22h à 6h. Elle ne voit jamais le soleil. La majorité travaille au centre de tris.
C'est génial, non? Mais l'histoire... c'est simplement un type de la dernière classe qui est engagé par un homme de la deuxième pour livrer une lettre à une femme de la première.
C'est tout.
La nouvelle suivante raconte une invasion extraterrestre où ces derniers détruisent toutes infrastructures militaires... tout en finançant le développement des arts et de la culture de chaque nation terrestre.
Encore, idée géniale, supportée par une intrigue inexistante.
Je prévois certainement de lire des nouvelles plus récentes de l'autrice pour voir comment elle a pu corriger cela en en prenant conscience.
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"Au centre de la prospérité ",
la 2e nouvelle de ce livre de Hao Jingfang. Bannie par le gouvernement chinois, c'est la 1ère auteure chinoise à avoir obtenu le prix Hugo. Elle parle de l'homme face au progrès, de surveillance par le gouvernement, et d'espionnage...(Souvenez vous des affaires d'espionnage impliquant Huawei!)
Les Aliens ont conquis la Terre, venant d'une planète inconnue. Ils frappèrent seulement les bases militaires et les stations spatiales, n'hésitant pas à montrer leur apparence de métal, au milieu des flammes et des décombres.
"Un métal lisse, brillant, rigide et sans aucune aspérité".
Ils n'attaquaient jamais la population, seulement les militaires. Mais, dans ce Chaos, et la chute du gouvernement central, ils protégeaient des pillages, les citoyens, les centres culturels, les théâtres, les cinémas, et les musées. Rapidement, la Culture et les écoles d'art prospérèrent sous le règne des Aliens.
Ah Jiu avait raté la plupart des concours d'entrée dans des orchestres renommés, difficile sans l'appui d'un mécène... Elle n'a plus assez d'argent, pour ses répétitions. Sa dernière chance: le concours international de musique classique et contemporaine.
Alors, un Alien la contacta.
Il l'emmena à une réception, où défilait tout le Gotha, des artistes célèbres et renommés, des acteurs, des cinéastes, des peintres, des pianistes, des écrivains... C'est l'auteur de...?
" Dans ce vaste univers, les espèces ne comptent pas, seules comptent les oeuvres d'Art." murmurait l'Alien.
De belles femmes, aux robes bouleversantes, et de beaux hommes au sourire renversant...
Un acteur, au firmament de sa gloire, se transformait, littéralement, devant d'autres, en Homme d'acier... Il bougeait ses poignets et des rayons lumineux, dans l'air, formèrent alors une carapace, lui donnant l'aspect d'un Alien. Tous étaient dans la confidence, au milieu de ce merveilleux banquet.
Le mécène d'Ah Jiu lui fit un contrat, et lui montra la fleur de Lys qui venait d'éclore, sur son poignet. Un circuit intégré qui lui permettrait de les contacter. Elle devait, au moment opportun, apparaître, afin de montrer que les Aliens avaient le pouvoir d'être et de disparaître, à leur gré. Et les citoyens de s'interroger : combien étaient-ils? Etaient ce des Dieux?
Par hasard, Ah Jiu se trouva face à une foule, au milieu de tirs croisés, entre Aliens et résistants humains. le circuit intégré, dans son poignet la transforma en "Homme d'acier".
La jeune femme ne savait pas qu'il y avait des résistants. Mais, elle n'oublierait pas les corps des enfants mutilés, et les cadavres provoqués par la panique, à cause de sa transformation.
C'est l'heure du choix... Elle doit choisir entre Shangri-La, la cité des Arts, construite par les Aliens ou rester avec son mari, Chen Lu, qu'elle n'a pas revu, depuis si longtemps...
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Je dois dire que cela ne m'est pas souvent arrivé, mais ce recueil de nouvelles lu en pleine période de confinement a par certains aspects résonné en moi de façon étrange. Je mettrai deux citations dans la rubrique appropriée.
C'est assez rare que je me mette à ajouter des petits morceaux de papiers pour garder une trace des passages qui m'ont interpellés.
Bien sur, je pense que la période aurait été différente, cet ouvrage n'aurait pas eu le même impact sur moi. Mais voilà, la rencontre a eu lieu.
Je crois bien que c'est la première fois que je lis de la science fiction d'une autrice chinoise. Ici, c'est un recueil de nouvelles, et ce format est intéressant car on s'immerge dans différents univers qui se mettent assez vite en place, du fait de la briéveté du récit.
Je ne les ai pas toutes appréciées de la même façon, mais j'ai beaucoup aimé l'univers de "Pékin Origami" et "L'envol de Cérès". "Le procrastinateur" m'a laissé de marbre, je n'ai rien compris !
Les autres nouvelles sont plus ou moins intéressantes, étranges et parfois dérangeantes, on y retrouve parfois les mêmes thèmes.
C'est un recueil à découvrir.
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Lao Dao hésita, ne sachant où aller. La rue était quasiment vide, si bien qu'on pouvait le repérer facilement. Il se ferait tout autant remarquer dans un endroit public. Il aurait voulu retourner dans le parc, vite retrouver l'endroit du retournement, se reposer un peu dans un coin désert. Il était fatigué et n'osait pas dormir dans la rue. Voyant que les véhicules entraient sans s'arrêter, il tenta sa chance. Ce n'est qu'arrivé à la porte qu'il vit les deux petits robots de chaque côté et hésita. Les voitures et les piétons passaient sans problème, mais lorsque arriva son tour, les deux robots tournèrent leurs roues et avancèrent vers lui en émettant une série de bips stridents. Dans le silence de l'après-midi, le son semblait percer les tympans. Tous les regards convergèrent vers lui. Affolé, il se demanda si sa chemise peu présentable l'avait trahi. A voix basse, il tenta d'expliquer aux robots qu'il avait laissé sa veste à l'intérieur, mais les robots continuaient à faire rugir leur sirène et à clignoter la lampe rouge au-dessus de leur tête sans l'écouter. Dans le parc, les gens s'arrêtaient pour le regarder, comme on l'aurait fait d'un voleur ou d'un individu bizarre. Très vite, trois hommes surgirent du bâtiment à proximité et coururent vers lui. Au comble de l'angoisse, Lao Dao aurait voulu sortir, mais il était trop tard.
Extrait de la nouvelle "Pékin origami" (Prix Hugo 2016)
Dans ce cas, qu'est-ce qui l'a poussée à abandonner son agressivité pour se socialiser ? Les fêtes.
>> Elles n 'avaient pas de signification, au départ, elles marquaient simplement des repères temporels, mais elles amenaient l'ensemble de la communauté à pratiquer en même temps les mêmes rituels, à invoquer les mêmes voeux et à ressentir son appartenance à un même ensemble. C'est ce sentiment commun d'identification qui est à l'origine de la socialisation de l'humanité.
>> Mais à partir d'un certain temps, après que des observateurs d'autres planètes sont venus sur Terre, les fêtes ont commencé à disparaître. Au début personne ne s'en est aperçu. [...] les gens ont commencé à se déshumaniser, à négliger les relations interpersonnelles et à attacher encore moins d'importance à la notion de communauté. Les activité de groupe ont fini par disparaître, et les humains sont devenus des individus isolés et indifférents. Ils se sont repliés sur le réseau dans des mondes virtuels, pour échapper à l'angoisse due au manque de sentiment d'appartenance.
Tu penses que beaucoup de gens t'aiment, mais plus nombreux encore sont ceux qui te haïssent. Ton sacrifice pour eux serait vain, car ils finiront par être éliminés quoi qu'il en soit. Toutes les espèces disparaissent. Dans ce vaste univers, les espèces ne comptent pas, seules comptent les oeuvres d'Art.
On finit toujours par rencontrer des circonstances devant lesquelles on se trouve démuni. C'est le destin : une situation qui vous apparaît clairement mais face à laquelle vous êtes impuissant. Vous ne pouvez alors que vous tourner vers votre solitude. La capacité de prendre soin de vous-même est alors déjà du courage, d'autant plus que votre ancien idéal s'écroule en même temps.
Le titre L'insondable profondeur de la solitude est tiré de l'impression que me font les romans ou nouvelles de SF. Ceux-ci imaginent un monde possible aux marges duquel vivent les humains, qui s'y sentent facilement étrangers et aliénés. Or le sentiment d'être hors du monde est le plus solitaire qui soit.
(Introduction)