AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782915018875
164 pages
Quidam (08/01/2016)
4.58/5   12 notes
Résumé :
« Le piano n’est pas un instrument pour jeunes filles, Massimo, c’est un instrument pour gorilles. Seul un gorille a la force d’attaquer un piano comme il devrait être attaqué, défier le piano comme il devrait être défié. »

Noble, riche et excentrique, Tancredo Pavone est un compositeur d’avant-garde dont la vie est rapportée par Massimo, son ancien majordome. Massimo se souvient de l’ego bien trempé comme des opinions très tranchées de son maître, do... >Voir plus
Que lire après Infini : L'histoire d'un momentVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Un court roman intéressant,où Massimo, ancien majordome d'un grand compositeur d'avant-garde, d'origine sicilienne ,Tancredo Pavone, est interrogé par un anonyme sur son maitre, après le décès de celui-ci.
Pavone, homme seul, divorcé parlait beaucoup à son domestique. En faites, il se parlait plutôt à lui-même. Un homme singulier, excentrique, maniaque de chaussures, trés imbu de son talent et ses origines aristocratiques et un original dans ses idées. Dans un échange à l'humour très british, Massimo, avec l'ingénuité de l'ignorance rapporte les propos de son maître, dans ses moindres détails .Sauf que ces propos ,qui parlent un peu de tout, et surtout centrés sur le phénomène de la création artistique, musicale en particulier, sont assez sophistiqués pour qu'il puisse s'en rappeler avec autant de précision. Et là est le talent de l'écrivain, qui à travers la bouche de ce naïf , qui refuse de jouer le jeu avec les questions relatives à la domesticité ou autres détails intimes, mais rapporte le reste, sans aucun jugement, nous fait savourer une forme romanesque originale, sans nous faire à aucun moment douter de la fidélité aux paroles entendues.A travers ce patchwork de propos on va peu à peu découvrir ce "pazzo".
Pavone ,un perfectionniste , aux idées pointues, qu'aucune performance de ses oeuvres ne satisfait ,/ qui ne se soucie ni de la reconnaissance de ses oeuvres, ni de leurs exécutions au grand public,/ à qui suffit d'écouter sa propre musique avec "son oreille intérieur ",/ Pavone qui cherche le son idéal dans une même note qu'il joue 666 fois et en fait même une composition,/ Pavone qui a horreur des médias qui pousse les musiciens à la " prostitution"/ Pavone qui considère l'Art comme " une trés trés grande voie " pour la transcendance"/ Pavone qui critique au vitriol de grands compositeurs ,(« Les Anglais n'ont pas eu de compositeur important depuis Purcell [...]. Ils ont un gâteau indigeste appelé lardy cake et leurs principaux compositeurs modernes, soi-disant, Sir Edward Elgar et Sir Ralph Vaughan Williams sont les équivalent musicaux de ce gâteau.»), mais aussi la haute société anglaise, l'Italie........ Pavone, aux propos parfois logorrhéiques ou tenant de la diatribe, une personnalité terriblement humaine, maniaque à l'infini, qu'on perdrait à ne pas connaître,malgré l'antipathie qu'il suscite .....


Librement inspiré de la vie du compositeur italien Giacinto Scelsi (1905-1988),que je viens de connaître à l'occasion de ce livre, donc double gain, Tancredo semblerait être son sosie, vu la similitude des biographies. L'auteur d'ailleurs remercie dans une note en fin de récit , la Fondation Isabella Scelsi, Rome, de l'avoir autorisé à incorporer des fragements des écrits de Scelsi dans son roman.

Première rencontre avec l'écrivain anglais Gabriel Josipovici, et sûrement pas la dernière !
Commenter  J’apprécie          372
Le parcours d'un compositeur, immense et dérisoire, raconté par la voix de son fidèle majordome : une nouvelle merveille signée Josipovici.

Massimo, l'ancien majordome du compositeur disparu Tancredo Pavone, rapporte dans un entretien avec un anonyme, sans doute un journaliste, les pensées de son ancien «employeur», un homme bien singulier.

Aristocrate sicilien fortuné, personnage hautain sans doute et en tous cas terriblement réactionnaire, qui, après une jeunesse dorée passée à écumer les casinos et clubs de bridge de la Côte d'Azur, a étudié la musique à Vienne, a côtoyé Henri Michaux, Philippe Soupault et beaucoup d'autres écrivains dans le Paris d'avant et après-guerre, avant de vivre une vie recluse à Rome, dédiée à la recherche obsessionnelle du son ultime : La figure de Tancredo Pavone, inspirée à l'auteur par celle du compositeur et poète Giacinto Scelsi (1905-1988), se dévoile au travers des propos du majordome, et des souvenirs, que les questions vagues ou perfides de celui qui l'interroge font ressurgir.

Le couple Massimo – Pavone, maître et serviteur, parole et oreille, créateur et auditeur, mort et vivant, avec ce majordome hypermnésique qui semble reproduire les paroles entendues dans la bouche de Pavone sans les juger, parfois même sans les comprendre, produit une sorte d'effet comique, car les propos passionnants sur la musique ou la création, l'effondrement de la culture, des thèmes chers à l'auteur, côtoient des considérations tout à fait surprenantes, comme cette attention maniaque qu'il porte à la propreté, et à l'entretien de ses milliers de cravates et de costumes, ou ses fascinations mystiques nées de voyages en Inde et au Népal, et sur les terres de l'ancien royaume d'Ifé dans l'actuel Nigéria.

Ce qui se révèle avec le déroulement de l'interview et du temps, les souvenirs du majordome se faisant plus précis, et la familiarité entre Massimo et Pavone plus profonde au fil des années, est le portrait d'un homme qui laisse entrevoir ses failles, son humanité vulnérable malgré la hauteur de l'art à laquelle il prétend, en particulier lorsque Massimo conduit le compositeur vieillissant sur les routes de Campanie, et que celui-ci livre ses pensées au rythme de ce qu'on imagine être le paysage qui défile.

Toute l'oeuvre de Gabriel Josipovici tisse des liens entre la littérature et les autres arts, autour de Pierre Bonnard dans «Contre-jour», de la musique de J.S. Bach dans «Goldberg : Variations» et souligne comme dans ce roman, publié en anglais en 2012, à paraître en janvier 2016 chez Quidam éditeur (avec une traduction impeccable de Bernard Hoepffner) les paradoxes de l'obsession artistique, aussi grande qu'illusoire.

Et enfin l'écriture, uniquement en dialogues, compose un livre au rythme unique, un bonheur de lecture vivant et enjoué, en dépit du pessimisme de nombre de ses motifs, en boucles et en détours, qui rappelle en écho les monologues brillants de Jack Toledano dans «Moo Pak».

Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/12/04/note-de-lecture-infini-gabriel-josipovici/

Vous pourrez acheter ce roman à la librairie Charybde dès sa parution en janvier 2016, ici :
http://www.charybde.fr/pages/search?q=josipovici
Commenter  J’apprécie          120
Sous-titré l'histoire d'un moment, Infini est un excellent roman de Gabriel Josipovici dédié au son et aux bien entendants, mais pas seulement, traduit de l'anglais avec brio par Bernard Hoepffner et sorti chez Quidam le 7 janvier. Un récit à plusieurs voix au sein duquel le malentendu est fréquent et fait partie d'un jeu virtuose au rythme mesuré mais sûr, entraînant et réjouissant, érudit et intelligent. Une oeuvre spirituelle et musicale qui frotte, qui pince, qui souffle et qui tape sur la corde sensible sans jamais rompre le fil d'un récit qui s'enroule et se déroule comme un clavier, ou une partition. La suite de cette chronique en image et en musique ici : http://ericdarsan.blogspot.fr/2016/02/infini-gabriel-josipovici.html
Commenter  J’apprécie          30
Me voilà donc refermant ce livre merveilleux (oh oui, c'est une merveille) et découvrant le compositeur Giacinto Scelsi dont l'auteur s'est librement inspiré… et là, une autre merveille, des sons, des notes uniques et leur force de pénétration, oui, c'est le mot, elles me pénètrent, infiltrent chaque cellule de mon corps… et ça vibre à l'intérieur, ça n'en revient pas, ça ne connaissait pas, pas comme ça, pas si directement du son au corps…

Dans ce roman, Massimo, le majordome d'un compositeur italien (Tancredo Pavone, il est chantant ce nom, vous ne trouvez pas ?) nous relate tout ce que son patron lui avait raconté lorsqu'il était à son service et jusqu'à sa mort. Il nous parle de musique, bien entendu, mais plus généralement d'art, de création artistique, de vie, de spiritualité, de société, d'humains, d'éducation, d'amour… Et ce livre, il est amour : celui de Massimo pour son ancien patron, celui de Pavone pour la musique ou plus précisément le son et… pour la vie !

Durant toute son existence, Pavone a cherché l'essence même du son et au travers de lui, l'essence même de la vie. Et de mon côté, je me suis sentie en communion avec ce drôle de personnage à la fois si exigeant (même dur parfois) mais si authentique et donc si attachant. En tout cas, je suis tombée de plus en plus amoureuse de ce livre à chaque page tournée. Je me suis régalée, je l'ai savouré, j'ai goûté l'émerveillement ému qu'il provoquait en moi et j'en éprouve plein de gratitude pour cet artiste qu'est Gabriel Josipovici !
Lien : https://emplumeor.wordpress...
Commenter  J’apprécie          20
C'est fort sympathique, mais autant aller relire les 3 volumes de Scelsi chez Actes Sud...
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Why is it, Massimo, he said to me, that men are so ashamed of being seen to be vulnerable? It is not as if others do not know it, since we all come down to the same thing in the end.( Pourquoi Massimo, me dit-il, les hommes ont-ils si honte de montrer leur vulnérabilité ? Ce n'est pas comme si les autres n'en savaient rien, puisque à la fin nous avons tous affaire à la même chose.)
Commenter  J’apprécie          256
Les Anglais étaient jadis les gens les plus civilisés du monde, a-t-il dit, mais ils font à présent partie des plus barbares. Les Français sont les seules personnes civilisées qui restent, a-t-il dit. Ils résistent à la barbarie de l’Amérique, à la barbarie du Nouveau Monde, mais ils ne pourront pas toujours résister. Bientôt personne ne saura plus ce que signifie le mot civilisation. Nous devons nous détourner du monde, comme les sages hindous le savent depuis longtemps, a-t-il dit, parce que le monde ne sera jamais à la hauteur de notre idée de ce que le monde devrait être. Nous devons nous exercer tous les jours, a-t-il dit, tous les jours, Massimo, afin d’éradiquer notre désir de faire du monde un endroit meilleur et plus civilisé. Bientôt, a-t-il dit, même le souvenir d’une civilisation passée aura disparu, pas de notre vivant, Massimo, a-t-il dit, et certainement pas du mien, mais dans très peu de temps, très peu de temps. Nous avons atteint la fin de la période néolithique, Massimo, a-t-il dit. Ce n’est que maintenant que nous avons atteint la fin de la période néolithique. Vos enfants, Massimo, a-t-il dit, ne sauront plus que le lait est produit par des vaches, ils ne sauront même pas ce qu’est une vache. Ils sauront seulement ce qu’est un supermarché, qui est l’endroit où l’on peut acheter du lait. Ainsi nous pénétrons dans une nouvelle ère, a-t-il dit. Après la fin du néolithique nous atteignons l’ère du synthétique. Personne ne saura plus ce qu’est une pierre, personne ne saura ce qu’est un arbre, personne ne saura ce qu’est une fleur, personne ne connaîtra le symbole mathématique de l’infini.
Commenter  J’apprécie          20
Je n’ai jamais eu besoin de beaucoup manger ni de beaucoup dormir, a-t-il dit, ce qui est une chance parce que certaines de mes meilleures idées musicales me sont venues la nuit quand je marchais dans les rues de Rome. Il faudrait marcher dans les villes la nuit, a-t-il dit, c’est alors que l’on a conscience de l’âme d’une ville, et Rome est la quintessence d’une ville. Les conversations que l’on a dans une ville la nuit, avec des inconnus qui passent et les gens que l’on rencontre dans les bars ouverts la nuit dépassent toutes les conversations que l’on peut avoir dans la journée. Pendant la journée, tout le monde est occupé, tout le monde vaque à ses affaires, a-t-il dit, mais la nuit c’est comme si la notion d’objectif disparaissait, et chaque moment a sa propre valeur intrinsèque. Toute personne qui marche dans une ville la nuit marche dans le présent, a-t-il dit, alors que toute personne qui marche dans une ville pendant la journée marche dans le passé ou l’avenir.
Commenter  J’apprécie          20
When you look back at the history of the world, Massimo, he said to me, what you see is the history of sheep. Of madmen leading sheep and sheep following madmen.( Quand tu regardes au passé, à l'histoire du monde, Massimo, me dit-il, ce que tu vois est l'histoire des moutons. D'un fou qui mène des moutons,et des moutons qui suivent un fou).p.63
Commenter  J’apprécie          70
D’abord, a-t-il dit, j’ai attaqué tous les pianos à ma portée avec mes poings et mes pieds. J’ai fait claquer les couvercles et j’ai caressé les cordes et j’ai utilisé mes coudes pour étouffer les touches. Le piano a été mon premier amour, a-t-il dit. J’ai compris que je pouvais lui faire exprimer tous les sons que je voulais et beaucoup d’autres dont je n’avais même pas rêvé. Il était heureux, a-t-il dit, que les maisons où nous habitions aient été si grandes parce que, même toutes les portes fermées, je faisais un bruit de tous les diables. Je ne voulais rien avoir à voir avec les sons de salon qu’exprimait le piano quand mes parents invitaient les pianistes et chanteurs célèbres de l’époque à jouer et chanter, e-t-il dit. Je haïssais ces pianistes et chanteurs du fond de mon cœur. Je haïssais les sons qu’ils produisaient et je haïssais les airs qu’ils se donnaient. Il a fallu deux guerres mondiales pour nettoyer le monde de ces sons et de ces chansons. Il faudrait les aligner devant un des murs de leur salon et les fusiller, a-t-il dit, tout comme les pianistes et les chanteurs qu’ils invitent. Le piano est un univers, Massimo, a-t-il dit, ce n’est pas un monde, ce n’est pas un pays, et ce n’est certainement pas un salon, c’est un univers. Examinez un piano s’il vous plaît, Massimo, a-t-il dit, et voyez de quoi il est fait. Regardez la bizarrerie de sa forme et la variété de ses surfaces. Le piano n’est pas un instrument pour jeunes filles, Massimo, a-t-il dit, c’est un instrument pour gorilles. Seul un gorille a la force d’attaquer un piano comme il devrait être attaqué, a-t-il dit, seul un gorille possède une énergie suffisamment sans inhibitions pour défier le piano comme il devrait être défié. C’est quand j’ai réalisé cela, a-t-il dit, que j’ai pris soin d’aller étudier le gorille en Afrique.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : musique expérimentaleVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (25) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1084 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}