Si je n'accorde que trois étoiles à cet essai, ce n'est pas parce qu'il est inintéressant, loin de là. C'est plutôt qu'il a un goût de trop peu. le lecteur reste sur sa faim. On aurait souhaité que l'argumentation convoquât plus d'exemples empruntés à l'histoire de l'art, à la littérature, au cinéma. le superbe film de
Julia Leigh n'est même pas cité, alors qu'il offre un point de vue original en se plaçant du côté de la belle endormie, et dévoile un étrange jeu de passivité voulue, assumée, comme pour mieux laisser glisser sur soi les aléas de la vie. Certes, Vincent Jouve s'attarde sur le livre de Yasunari Kuwabata dont est inspiré le film, mais l'approche de la réalisatrice est très différente, et aurait mérité au moins d'être mentionnée. Passons sur ce point. Il me paraît également dommage que les faits-divers, c'est-à-dire les réalisations, souvent moralement et légalement condamnables, de ce fantasme emprunté à un motif artistique et littéraire ancien, ne soient pas plus amplement étudiés. La fin de l'essai est en revanche très réussie. Plus sociologique, elle s'attache aux variantes contemporaines (terriblement appauvries, en fin de compte) du fantasme de la belle endormie, avec notamment la question des vidéos pornographiques qui fleurissent autour de ce thème. Mais on voudrait en lire davantage, et la fin, stimulante par son questionnement psychologique, est un peu abrupte.
De l'Antiquité à nos jours, l'auteur lève des pistes, varie les sources, mais jamais il ne prend le temps de les explorer plus en détail. Certes, ce n'est pas le propos de cette collection qui se caractérise par des formats courts ; mais là, c'est vraiment trop court !
Ne boudons toutefois pas notre plaisir. Ceux qui ne connaissent rien au sujet trouveront dans cet opuscule une introduction parfaite, assez universitaire dans sa forme. Libres à eux de poursuivre ensuite la découverte de ce motif aux enjeux innombrables.