Pour ouvrir cette brève note de lecture, je reviens sur une certaine légende selon laquelle
Lacan aurait été un imposteur et que son oeuvre ne serait rien d'autre qu'une vaste esbroufe. Autrement dit, il aurait passé trente années consécutives à préparer ses séminaires, à raison d'une fois par semaine, et de neuf mois par an, dans l'unique intention de se foutre de notre gueule. Ou bien cette légende est de mauvaise foi, ou bien il faut admirer la pugnacité d'un homme dévouant sa vie entière à berner ses auditeurs.
Je m'avance sur une autre voie suggérant que les idées de
Lacan sont peut-être un peu trop simples à comprendre, ce qui déroute l'idéaliste. Dans la lignée de
Freud, et lui adressant en ceci un superbe hommage, il se montre bien trop matérialiste pour la plupart des chercheurs en « réalisme humaniste ». Lorsque ces derniers s'interrogent sur le sens caché de ses déclarations,
Lacan leur répond : assonance ! et leur désir de découvrir un monde idéal surplombant la triste sphère des paroles s'effondre lamentablement. Vexés comme l'enfant qui apprend que sous le père Noël se cache le vieux daron, ils s'accrochent aux basques de l'usurpateur et le recouvrent d'un fleuron d'injures pathétiques.
Lacan, c'est
l'inconscient. La psychanalyse, c'est l'oubli qui parle tout seul. Ça parle à travers
Lacan.
Lacan se fait le porte-parole d'un message qui n'est pas le sien mais qui serait l'insu de
Freud. Cet insu freudien peut aussi n'être rien d'autre que la transmutation du symptôme lacanien en sinthome.
Philippe Julien dresse un condensé efficace des notions les plus insistantes de l'oeuvre lacanienne en les situant dans une perspective historique qui montre les nombreux remaniements d'une pensée en perpétuelle élaboration. La première édition de ce livre date de 1985, quatre ans après la mort de
Lacan. Philippe Julien se demande alors ce qui va advenir de l'héritage lacanien.
Lacan a-t-il achevé son retour à
Freud ? Quel pourrait alors être le sens d'un retour à
Lacan ?
En exergue de ce livre, un mot bizarre et renversant : « A ceux dont la passion qui du vrai les brûla a fait d'eux une proie des chiens de leurs pensées. »