Kito Katoka

Il manque tellement de mots à mon histoire

Des grand·es parent·es, une jeune élève « il manque tellement de morceaux à mon histoire », une comptine « Mon petit oiseau », la méchanceté des « idiots » dans les cours de récréation, une déficience auto-nommée « bigleuserie », les diverses conséquences de l'albinisme, les cris d'une cicatrice vivante sur une cuisse, un silence construit autour des marques et du passé…

Cy Jung nous entraine dans l'univers des mots magiques, des orphelin·es qui ne connaissent que peu de leur histoire que les adultes cachent, de la confrontation aux autres élèves plus sensibles à la perception de la différence qu'à l'humanité commune, « Disons que je suis blanche mais noire en même temps. C'est compliqué cette affaire de couleur », de ces si difficile « dire la vérité », des rêveries solitaires et des recompositions des paysages qu'elles permettent, de la Tanzanie, des crocodiles albinos, « Que je soit différente, plus blanche qu'un blanc alors que je suis noire, et bigleuse aussi ? », des histoires racontées, « J'ai remarqué que les maitresses, ça raconte des histoires toute la journée mais que, dès qu'il s'agit de donner un air fantastique à la réalité, elles nous envoient en dépistage »…

Le récit de Kito est entrecoupés de très courts chapitres. le passé réel, « les pages collées du livre », surgit lentement par bribes, laissant d'abord entrevoir puis comprendre des événements meurtriers…

Les objets de l'origine, un séisme émotionnel, les pages enfin décollées, le calme de la cicatrice, Clémentine, le judo, une seconde naissance avec les points de suture du vétérinaire, l'histoire et la construction, « A force de ne pas connaître mon histoire, je me suis enfermée dans un monde imaginaire », le temps des pratiques occultes, le regard des autres, « Je ne voudrais pas être normale, plutôt rester différente sans tout le temps me faire remarquer »…

Un regard sensible sur l'enfance « noire albinos » d'une survivante, l'entre-deux mondes constitutif de la (re)construction de soi dans les espaces du silence, « La Lune rit avec nous, et toute la bande de lutins qui passait à l'instant dans le paix, de l'autre coté des grilles »…
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Je n'ai pas aimé la partie sur l'enfance. L'histoire sur la jeunesse de la narratrice était évidemment intéressante, mais j'éprouve toujours des difficultés à lire un récit où parle un enfant. C'est toujours un peu artificiel et c'est un jeu d'équilibrisme périlleux rarement réussi : comment montrer le monde du point de vue d'un enfant sans recourir au lexique d'un adulte qu'il n'est pas censé maîtriser ?

La partie sur la période adulte m'a laissé sur le côté de la route : profondément athée à tendance agnostique, j'ai eu beaucoup de mal à adhérer à l'aspect sorcellerie de l'héroïne et esprits qui ne correspond pas à mon système de pensée.

Cela étant, la lecture était agréable, la narration réussie avec un jeu de temporalité maîtrisée et j'ai plongé dans un univers inconnu pour moi : l'albinisme et la sorcellerie. J'en suis ressorti avec une profonde interrogation : quelle est la part de fiction et de réalité dans ce qui est présenté ? Est-ce presque de la folie du narrateur ou suis-je vraiment hermétique au sujet ? À vous de me dire !