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sur 489 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cette période est à la fois proche et tellement lointaine. Dans ce journal de guerre, pas de haine pour celui d'en face, pas d'appesantissement sur son sort.
La mort peut arriver à tout moment, c'est à la fois violent et absurde.
Pourquoi l'un reste en vie au contraire d'un autre.
Dans quel état d'esprit ressort t'on de cet enfer ?
Un livre fort
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Belle découverte, je l'avais acheté il y a quelque temps et je craignais de l'ouvrir, étant resté hermétique au seul livre que j'ai lu de l'auteur, le Coeur aventureux. Pour ceux qui seraient comme moi, rassurez-vous, c'est un simple livre de témoignage sur la première guerre mondiale. Je le trouve supérieur littérairement à certains livres du même type qui ont pu être écrits côté français, comme le Feu de Barbusse. Mon seul regret est l'absence de traitement de la question de l'armistice et de l'effet sur les troupes allemandes, ce moment est traité d'une seule phrase, éclipsé par l'obtention de la médaille "pour le mérite", cette célèbre décoration prussienne qui n'était décernée qu'à la crème de la crème, dont le visionnage du film Blue Max ou le Crépuscule des Aigles vous permettra de comprendre toute l'importance. Je me suis un peu intéressé à la polémique sur l'auteur, je la trouve parfaitement injustifiée. Certes, comme beaucoup d'autres, Jünger a été soldat pendant la seconde guerre mondiale, mais il n'était absolument pas un partisan du régime, détestant tout particulièrement la politique d'Hitler envers les juifs. Lui reprocher des écrits nationalistes écrits dans les années 1920, dans un contexte politique dégradé, me paraît excessif et injustifié. Pour revenir à l'Orage d'acier, j'en ai apprécié le style, très précis, à l'allemande, avec des petites envolées, mais jamais trop romantiques. Pour la plupart de l'ouvrage, Jünger est opposé aux Anglais, heureusement. ça m'aurait fendu le coeur de le voir tirer sur des français. J'ai appris par la suite que Jünger était très francophile, ayant servi dans la légion étrangère à 18 ans, juste avant que la guerre n'éclate. ça ce ressent à la lecture, il n'a jamais de mots durs ou xénophobes contre ses adversaires, qu'ils soient Anglais, Anzacs (Néo-Zélandais & Australiens), Hindous, ou encore Français, et ce même dans des circonstances où ça pourrait être compréhensible, avec tous ses amis qui tombent, les un après les autres, sous le feu ennemi . Jünger me réconcilie un peu avec la littérature allemande.
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"Cet exemple montre que dans la vie, le sens de l'ensemble décide des impressions particulières"

Dit-il en ayant un haut-le-coeur en voyant un conducteur d'auto s'écraser le pouce en tournant la manivelle du moteur. Et c'est vrai. Ernst Jünger, jeune homme de 20 ans en 1915 venait de nous décrire pendant 120 pages la manière dont ses compagnons d'armes mouraient autour de lui, sans en épargner les détails qui font de la guerre moderne plus une scène de boucherie qu'un combat chevaleresque idéalisé.

Ce récit nous plonge dans le carnet de campagne d'un jeune lieutenant originaire du Bade-Wurtemberg, engagé volontaire qui voulut avoir le frisson de la guerre. Il ne fut pas déçu, dès son premier jour, le village où il était fut pilonné. Quelle autre manière pour mieux accueillir les bleus ?

Le récit de sa guerre permet bien de se rendre compte de la validité de la citation d'accroche que j'ai sélectionné. La mort est sans doute le personnage principal, c'est un compagnon qui est avec vous à chaque instant, à chaque page. Quand les camarades crient « au gaz », quand les ennemis envoient des mines, des obus, du shrapnel, de plus ou moins gros calibres qui font jaillir du sol des gerbes de terre, quand il faut monter à l'assaut. Il décrit froidement ses camarades tombant un à un, des gens qu'il ne connaît pas, des pères de famille, des jeunes gens encore étudiants il y a peu, des fermiers, des bûcherons, des mineurs, mais aussi quelques amis rencontrés sur-le-champ de bataille.

La majorité de sa vie de combattant se déroule la nuit puisque l'on ne doit pas être vu quand on tente un sabotage de l'autre côté ou que l'on va espionner l'ennemi. de longues nuits, dans l'argile et la craie de Champagne, vivant comme des taupes, attendant un mouvement de l'autre côté ou un pilonnage.

Et puis, la Somme, cette bataille qui fut la première d'envergure pour les troupes britanniques qui se battirent conjointement avec les Français revenant de Verdun. C'est la première fois du récit où Ernst se sent dans un paysage qu'il ne connaît pas. Auparavant, il allait se reposer dans des villages où les habitants logeaient encore, là, il ne découvre que des décombres et des cadavres de civiles. La Somme fut en effet une bataille qui laboura tout le nord de la France de par les milliers de pièces d'artillerie qui furent alignés.

Toujours dans la droite lignée de la phrase d'accroche, Jünger nous raconte durant la bataille de la Somme, un bombardement matinal pratiqué par les Anglais avec des obus de gros calibres. le bombardement dura toute la matinée ce qui l'agaça au plus haut point et il décida d'aller dans la galerie d'un camarade pour boire et passer le temps. C'est une scène incroyable dans le sens où elle respire la normalité alors qu'elle se déroule pendant l'adversaire tente de détruire leur position.

Et malgré cette violence, il y avait des règles à respecter. Jünger s'entretint avec un officier français, de tranchée à tranchée, pour lui faire remarquer en français, que ses hommes avaient abattu un Allemand en traître. Et, vers la fin de la guerre, il rapporte un ballet de volontaire de la Croix-Rouge qui passait entre les feux de l'infanterie sans recevoir un seul tir. On remarquera que la plupart du temps quand il parle avec des officiers ennemis, il parle soit en anglais soit en français et ceux-ci lui répondent.

Bien que la guerre de 14-18 fut une de celle qui réunit le plus de velléités et d'envie de destruction de l'ennemi de la part du commandement, permise par l'artillerie toujours plus lourde qui faisait jaillir du sol des geysers jaune et noir. Jünger nous raconte que vers 1918, lors d'une des dernières grandes offensives allemandes, il blessa un Highlander qui des années plus tard lui envoya une lettre pour lui décrire la blessure que l'allemand lui avait fait. Il n'y avait pas d'animosité particulière entre ces étrangers réunis face à face sous le coup du sort, c'était une question de tuer pour rester en vie, mais la politique, l'envie de destruction émanait des instances dirigeantes et non de ceux qui étaient dans la boue.

On pourra être marqué par le détachement qu'à Jünger quand il s'agit de morts, de blessés qu'il doit abandonner pour continuer l'assaut, ce ne sont que des éléments fugaces d'une plus grande toile de fond. Mais c'est un officier, il a donc des hommes sous sa responsabilité d'où le fait qu'ils doivent continuer à mener l'assaut même s'il faut des laisser pour compte.

Quand il s'agit de parler de bataille, il déploie une panoplie d'adjectif, de verbe de mouvement et détail toute la manoeuvre, c'est la passion qui l'anime. C'est donc un livre très intéressant puisque nous avons au début du récit un jeune homme, désirant en découdre et tête brûlée. Et puis au fil du récit, c'est un guerrier qui en sort, un héro Wagnérien voulant jusqu'à la fin du conflit montrer qu'il y a encore de la « force virile » chez le peuple allemand. Il fait porter d'ailleurs la charge de la défaite allemande à plusieurs facteurs, le manque de provision pour les soldats et surtout le manque de moyen et de matériel mettant ainsi à mal la théorie du « couteau dans le dos ».
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(novembre 2009)

Résumé et structure du roman
Dans une série de courts chapitres, portant chacun le nom d'un combat, 'Orages d'acier' raconte les campagnes d'un soldat durant quatre ans. L'auteur raconte les occupations quotidiennes du combattant : la garde, le repos dans l'abri, l'attente, la fatigue... L'un des grands récits inspirés par la guerre 1914-18. A la fois roman d'apprentissage et réflexion profonde sur le destin de l'homme face à la mort collective.

Histoire du texte
Jünger s'est basé pour écrire ce récit d'un jeune lieutenant de l'armée allemande, engagé volontaire lors de la Première Guerre mondiale, sur les seize carnets qu'il a tenus durant toute la période de la guerre. L'écrit sous sa forme actuelle est le résultat d'un travail de composition et de réécriture des années d'après-guerre et même au-delà. Les éditions allemandes successives au cours des années vingt et trente présentent des différences textuelles importantes et l'édition définitive, la septième, date de 1978. le livre a été publié pour la première fois en 1920 à compte d'auteur à 2 000 exemplaires. Jünger voulait à l'origine intituler son livre le Rouge et le Gris en référence à Stendhal et a finalement opté pour une image empruntée aux sagas islandaises dans un poème scaldique.
Le livre a fait l'objet de nombreuses traductions dans neuf langues différentes

Description
Le témoignage porté par le livre est celui d'un héros militaire. Jünger a été blessé quatorze fois et a souvent combattu en première ligne dans les troupes de choc à la fin de la guerre. Avec le grade de lieutenant, il est resté, avec le capitaine Erwin Rommel, le plus jeune soldat à avoir été décoré de l'ordre Pour le Mérite, distinction la plus prestigieuse de l'armée allemande.
Contrairement aux autres témoignages littéraires publiés sur la guerre des tranchées, ici, la peur ou le sentiment d'horreur face au déchaînement de la violence ne sont que brièvement perceptibles.
Quand il s'agit de décrire les blessures ou les cadavres, la description demeure « clinique » et détachée. La langue de l'auteur prend en revanche plus d'élan lorsqu'il s'agit de décrire l'émotion du combat, l'ardeur qui s'empare de lui au moment de l'assaut, la satisfaction d'avoir abattu un adversaire – sans jamais éprouver de haine à son égard. André Gide a écrit dans son "Journal" : « le livre d'Ernst Jünger sur la guerre de 14, Orages d'acier, est incontestablement le plus beau livre de guerre que j'ai lu, d'une bonne foi, d'une honnêteté, d'une véracité parfaites".

Orages d'acier par rapport à ses contemporains
C'est d'ailleurs la grande différence du livre de Jünger avec celle de ses contemporains
(Gabriel Chevallier "la peur", ré-édité dernièrement, version française du conflit;
Erich-Maria Remarque "A l'ouest rien de nouveau", classique lu à l'école, version allemande du conflit,
et plus superficiellement Henri Troyat écrivain français dans "Les semailles et les moissons", saga du siècle avec des passages très forts sur les désastres humains de la guerre de 14-18).

En effet, Jünger, véritable combattant, s'est "détaché", "dissocié" de l'horreur, et est devenu mécaniquement un soldat en guerre, pour ne décrire son attachement à des valeurs "pacifistes" que plus tard. L'Allemagne humiliée au diktat de 1918 a eu besoin de ces soldats-là pour créer l'Allemagne nazie (à laquelle a appartenu Jünger et Rommel dans des destins différents). Néanmoins, Rommel comme lui ne sont pas devenus "nazis", ils sont restés des allemands de 14, fierté et bravoure dit l'histoire. Jünger a néanmoins été protégé par Hitler là où Rommel a lutté contre Hitler. Jünger était peut-être devenu plus "philosophe" qu'homme d'action …

Les autres témoignages littéraires sur 14-18 parlent surtout de l'horreur de la guerre des tranchées, des gaz, des rats, de la peur constante, continuelle, du froid, des tenues françaises voyantes à des km, des désastres neurologiques à leur retour. Ils sont tous partis la fleur au fusil, et pour six mois. Ils sont pour la plupart revenus écoeurés quand ils revenaient vivants. C'est l'une des guerres les plus meurtrières, celle qui a fait entrer l'Europe dans le XXé siècle, celle qui est à l'origine de la liberté des femmes (elles travaillaient pour remplacer les hommes, elles étaient veuves, elles ont commencé à lutter pour leur droit de vote à cette époque-là), à l'origine des mouvements pour la dignité de l'homme, des mouvements pacifiques …. le film "Joyeux Noël" décrit l'ambiance insensée de cette guerre des tranchées, des hommes qui se parlaient sans hausser la voix tant leurs tranchées se séparaient de quelques mètres, et qui tout d'un coup recevaient l'ordre d'aller tirer et trancher à coup de baïonnettes.

L'Allemagne a été effroyablement humiliée à la fin de la première guerre, et des hommes comme Jünger ne sont pas rentrés pacifistes de la guerre mais habités d'une ardeur au combat et d'une fierté allemande à restaurer d'urgence (ce qui sera le terreau de Hitler). Et pour que l'Allemagne émerge de son chaos, il fallait la faire sursauter sur sa haine de l'étranger qui dominait et pillait une nation vaincue. Et c'est ainsi que ces cultivateurs, ces ouvriers, ces comptables, ces enfants, pour qui la désobéissance aux lois, l'usage de faux, la tuerie, avaient été des actes d'héroïsme en 14-18 sont devenus encore plus méchants en 39-45 ….

Pourquoi faire la guerre ?
Certains disent aujourd'hui que l'une des raisons majeures pour lesquelles les hommes font la guerre, c'est que la compétition, le danger obligent à vivre intensément l'instant présent (ce que les bouddhistes disent être la capacité au bonheur …), là où la pensée comme l'émotion vadrouillent dans le passé et dans l'avenir, le corps est ici et maintenant. Et cette sensation crée une excitation, une fascination poussant les hommes à la répétition de l'action, en l'occurrence guerrière. Et lorsque la Loi, l'Etat t'y autorisent (en se déclarant la guerre), cela fait sur le terrain de terribles soldats décorés … dont faisait partie Jünger en 14-18, mais plus en 39-45. Parler à des sportifs vous apprend qu' "être au contact de mon corps me permet de vivre l'instant présent et d'y être heureux". de là, il n'y a qu'un pas pour ne pas s'étonner que le sport est l'un des moyens largement utilisés pour gérer les impulsions agressives des jeunes comme celles des peuples entre eux (les jeux olympiques servent la paix du monde …)



Orages d'acier VS A l'Ouest rien de nouveau

Ces deux livres de guerre cultes, chacun dans leur style, ont la particularité de se dérouler pendant la 1ère mondiale, mais dans le camp allemand. Pourtant, on peut dire que tout les oppose :

- le milieu social des auteurs :

Remarque se retranche modestement derrière un héros désabusé, issu d'un milieu modeste : Paul Baumer. Sa mère meurt, faute de soins dans un bon hôpital. Sa famille vit dans un petit appartement en ville. Son livre « A l'Ouest, rien de nouveau » est un roman peu épais (de ce fait, il est parfois étudié en classe), mais ses évocations des combats sont directes, alors qu'en réalité, l'auteur n'a jamais vu le front ; il fait mouche avec peu de mots ; l'ensemble est surtout emprunt d'une pesante mélancolie.

Jünger, lui, est une personnalité bien différente : c'est le plus pur produit de l'aristocratie prussienne, guerrière et patriotique. Son récit est à la première personne du singulier : il assume totalement son engagement et sait se mettre en valeur. Il a bénéficié d'une éducation soignée, et ses talents d'écrivains sont réels : dans « Orages d'acier », sa plume est rythmée et colorée : on lit ce pavé en haletant, tellement son récit est épique et bien ficelé. Une sorte de « Guerre et paix » du XX°S. !

- L'intensité de leur engagement militaire :

Ernst Jünger, lui, comprend que le métier des armes est fait pour lui, il fait rapidement une école d'élève-officier, de laquelle il sort avec succès. Il deviendra Adjudant, Leutnant (sous-lieutenant) puis Oberleutnant (Lieutenant) pendant la Grande guerre. Il fera partie des soldats les plus décorés du conflit, avec son insigne doré pour ses nombreuses blessures, et surtout, sa prestigieuse et rarissime étoile « pour le mérite » décernée par le Kaiser lui-même…

Le héros de Erich Maria Remarque fait partie des engagés volontaires de 1914 (« Krieg Freiwilligen ») devançant l'appel, certes, mais il le regrette vite ; il n'a fait que suivre tous ses camarades, eux-mêmes endoctrinés par leur instituteur. Cela donne lieu ensuite à une rencontre gênée entre son ex-instituteur et lui pendant sa permission… Paul Baumer reste curieusement membre de la troupe, des sans-grade du début à la fin… Pendant une cérémonie, il ne reçoit pas de décorations par l'Empereur, réservées aux les soldats les plus valeureux….

- Leur vision de la guerre :

Pour Ernst Jünger, la guerre est une expérience initiatique individuelle ; il sait qu'il est doté de qualité pour commander, d'une santé très robuste… et il a aussi beaucoup de chance ! Il comptabilise une vingtaine de blessures, mais sans subir aucune amputation ! La guerre, au même titre que le sport et la culture, sont des activité naturelles pour les hommes : c'est avant tout une occasion de montrer sa réelle valeur : la force est dans le sang et elle ne peut se maîtriser. Jünger est et restera un homme de droite, un conservateur non nazi.

Le héros de Remarque pense tout autrement : la guerre est une absurdité totale provoquée par des gouvernements hautains et irresponsables, au service de leur propre gloire. La personne de l'Empereur Guillaume II est l'objet de nombreuses interrogations de sa part, et il comprend progressivement qu'il ne s'agit que d'un homme qui est son égal en humanité ! La guerre n'est qu'un fléau, et son roman en décrit minutieusement tous les travers : hôpitaux-boucherie, tranchées-mouroirs, assauts désespérés, bombardements infernaux, gaz asphyxiants… Mais cela est dit sans haine, à la manière d'un « candide » voltairien qui découvre petit à petit les laideurs du monde… A chacun de se faire son opinion : son récit est en fait un pur roman d'obédience pacifiste.

- Vie et fin des héros :

Le récit de Jünger est purement autobiographique, voire même apologétique. Sa glorieuse histoire ne s'arrête par le 11 novembre 1918 ; versé dans la réserve, il deviendra Hauptman (Capitaine) au cours de la seconde guerre mondiale. Il passera l'Occupation en France, à vivre en dandy parisien. Il rejoint Remarque, en quelque sorte, mais seulement en 1944 : il fait partie des comploteurs du 20 juillet 1944 contre Hitler : au cours d'une féroce répression, 5000 officiers sont éliminés, mais Jünger y échappe en raison de sa popularité et de son passé de patriote… Reconnu pour ses oeuvres littéraires (« Jeux africains », « Héliopolis »…), ce vaillant vieillard arpentera l'Europe avant de décéder récemment, quasiment centenaire !

Chez Remarque, la boucle est bouclée quand le héros Paul Baumer meurt à la fin, bêtement, deux jours avant l'armistice du 11 novembre ! En fait, Remarque le pacifiste fuit pour s'installer aux USA à l'arrivée des nazis au pouvoir. Son livre sera même brulé dans un "auto-da-fé" nazi. Il n'écrira plus rien, comme si « A l'Ouest, rien de nouveau » avait finalement suffi à exorciser ses souffrances… Mais un film en sera une fidèle adaptation (voir chronique). A noter que c'est son point de vue est repris par l'historiographie, jusque dans la B.D., avec le fameux Tardi, qui est aussi très engagé…

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Engagé volontaire à 19 ans dés 1914, sur conseil de ses professeurs, Ernst Junger a passé plus de quatre ans sur les champs de bataille de France.
Quatre années à combattre en première ligne, desquelles il ressortira blessé à quatorze reprises.

À travers son journal, on suit le développement du conflit; de la guerre de mouvement à la guerre de matériel, en passant par la guerre de position, ainsi que le déroulement de grandes batailles auxquelles il a pris part (Les Eparges, La Somme, Cambrais etc...).
On suit également le quotidien des soldats et leur ressenti du début à la fin du conflit.
Enfin, on peut voir l'évolution de la pensée de l'auteur sur la guerre. Si au début, on peut le voir comme un jeune en quête d'aventure, puis comme un citoyen défendant sa patrie, les combats le feront devenir un homme épuisé, pour qui la lutte ne semble plus avoir de sens.

Un témoignage complet donc qui mérite d'être lu.
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Après avoir lu "Ceux de 14", je voulais lire cette période côté Allemand. Comment ils l'ont vécu de leur côté...
Il n'y a pas beaucoup de différence, des soldats qu'on envoie à la boucherie, d'un côté ceux pour défendre leur terre, d'un autre côté ceux pour la conquérir.
Au cours d'une charge, dans une tranchée, L Auteur croise pour la première fois un ennemi. le soldat Anglais sursauta quand il aperçu ce soldat Allemand avec une arme braquée sur le lui. le soldat Anglais n'a pas sorti son arme mais une photo de famille. A cet épisode, L Auteur écrit "J'ai par la suite considéré comme un grand bonheur de m'être dominé et d'avoir passé mon chemin. C'est justement cet adversaire qui depuis m'apparut souvent en rêve. Cela me fit espérer que ceux qui me suivaient lui laissèrent aussi la vie" (P.308).
Dans ce journal, on y trouve les mêmes descriptions de combat. Eux aussi étaient victimes de leur propre artillerie, des histoire insolites "[...] et tirai jusqu'à ce que mon index fut noir de poudre. C'est là qu'à dû être atteint, parmi d'autres, cet Écossais qui m'écrivit après la guerre, de Glasgow, une lettre charmante, où il décrivait avec précision le lieu de sa blessure." (P.327).
Ce journal est vraiment incroyable, l'Auteur l'est tout autant.
Dans conquête d'Histoire, il ne reste plus qu'à trouver un épisode de cette drôle de guerre côté Britannique...
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Patriote. Fanatique. Fougueux car jeune, très jeune. Idéaliste. Précurseur des commandos. Trompe la mort. Chanceux. Chair à canon. Nationaliste.
Miraculé, véritablement miraculé...et survivant d'une boucherie humaine stupide. Jünger est tout cela.
Ce récit est certes une apologie du combat mais Jünger est un si grand écrivain que l'on touche à l'inhumain, au surhumain.
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Ernst Jünger, tout jeune engagé volontaire lors de la Première guerre mondiale, tint des carnets pendant toute la durée du conflit. Plus tard, il reprit ses notes et les mit en forme, les compléta de façon scrupuleuse pour livrer un récit autobiographique où il raconte avec force détails et lucidité, l'atroce banalité journalière des soldats c'est à dire l'enfer permanent le froid, la pluie, la vermine, la faim, le vacarme du front , la promiscuité, la peur, la souffrance, la mort, mais aussi la fraternité, l'amitié, la compassion, l'empathie , les gestes d'humanité envers l'ennemi…
C'est un des livres de référence de ce conflit , celui qui décrit sans ostentation, mais avec lucidité et objectivité, celui qui témoigne du vrai. Je suppose que bon nombre de réalisateurs se sont référés à cet ouvrage pour certaines de leurs mises en scène au cinéma.
J'ai lu aussi ce livre pour retrouver des lieux connus, pour savoir comment certains habitants de villes et villages, notamment dans le Pas-de-Calais, que je connais , ( et cela pour retrouver traces de la vie de mes aïeux à cette époque) avaient vécu durant ces années, alors qu'ils côtoyaient , bien malgré eux, l'ennemi (Arleux, Henin -Lietard, Monchy, Croisilles, Berles, Ecoust Saint Mein…)
Jünger fut un soldat qui faisait « son métier », par amour de sa patrie, en tuant, mais en conservant une certaine humanité , n'hésitant pas à laisser la vie sauve à un blessé, à ordonner de donner une sépulture aux corps ennemis, à respecter les civils.
Il échappera à la mort mais sera blessé à plusieurs reprises (14) , Son attitude pendant la seconde guerre mondiale sera profondément marquée par ces années sur le front , dénonçant, combattant la barbarie nazie. A lire pour mieux le connaître ses Journaux Parisiens, c'est ce que je ferai prochainement.
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Orages d'acier est un mélange de tout ce que recèle la guerre en même temps que tous les sentiments qu'elle suscite. C'est le livre d'un vaincu, dont le goût de l'héroïsme jusqu'au-boutiste peut parfois dérouter, mais il y a dans ces pages un témoignage d'une puissance rare.

Puissance souvent ténébreuse, exprimée notamment par des phrases telles que celle-ci : « Parmi ces grandes images sanglantes, il régnait une gaieté sauvage, inconnue. » Vérité, honteuse peut-être et pourtant bien réelle, comme l'auteur le note lors d'un assaut : « Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s'empara de nous, comme si, de très loin, se déversait en nous la force de l'assaut. Elle arrivait avec tant de vigueur qu'un sentiment de bonheur, de sérénité me saisit. »

Revers de la médaille, cette constatation qui hante l'avenir de nombreux combattants, une fois le feu de la guerre éteint : « Il existe une responsabilité dont l'État ne peut nous décharger ; c'est un compte à régler avec nous-mêmes. Elle pénètre jusque dans les profondeurs de nos rêves. »

Jünger – qui s'appuie sur des carnets remplis sur le front pour livrer son témoignage – analyse ainsi de terribles sentiments qu'il lui arrivait d'éprouver lui-même et plus seulement de constater chez les autres : « Ainsi, en ces instants, je ne ressentais pas de crainte, mais une aisance supérieure et presque démoniaque. » Plus loin, il écrit : « L'oeil et l'oreille étaient comme fascinés par cette destruction tourbillonnante. »

Mais si, au début, il y a le « courage de l'inexpérience », assez vite surviennent des remarques qui crient l'absurdité de cette guerre fratricide, ce suicide de l'Europe : « Les manifestations de la volonté guerrière me paraissaient étranges et incohérentes, comme des chaînes d'événements sur un autre astre. » La désolation devient l'ordinaire : « Pas de pied de terre où ne se fût joué un drame, pas une traverse derrière laquelle ne fût embusqué le destin, jour et nuit, prêt à accueillir au hasard une victime. » C'est là une « orgie de destruction » où l'on erre « comme un immense tas de décombres au-delà du monde connu ».

Précipité dans des batailles particulièrement éprouvantes – comme celles de la Somme ou Cambrai –, le lieutenant Jünger retranscrit avec un sens visuel implacablement net la réalité de la mort : « L'odeur de décomposition, dans cet air lourd, avait crû jusqu'à devenir intolérable » ; « Des filets de sang, à la surface de certains trous de marmite, révélaient que déjà plus d'un homme s'y était englouti ».

Le lieutenant Jünger est un observateur méticuleux de son environnement, il décrit la guerre dans ses moindres détails, même les plus vils, comme la destruction systématique des villages et l'empoisonnement des puits en prévision de l'avancée ennemie : « Ce fut la première fois où je vis à l'oeuvre la destruction préméditée, systématique, que j'allais rencontrer jusqu'à l'écoeurement dans les années suivantes. »

Orages d'acier, qui raconte les divers « visages » de la guerre, est aussi une oeuvre littéraire à part entière, et ne saurait être cantonné au simple témoignage. Dans ces pages naissait un écrivain, ce que l'avenir ne démentit pas…
Ex
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