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sur 489 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le lieutenant Ernst Jünger a été blessé 14 fois au cours de la guerre, échappant chaque fois miraculeusement à la mort.
Ces sursis nous permettent aujourd'hui de mieux comprendre, à travers ce récit brut d'évènements vécus, toute l'horreur de cette guerre qui fit dix millions de victimes. Elle n'a malheureusement pas servi de leçon puisque celle qui succéda à la "der des ders" fit six fois plus de morts..
Ernst Jünger nous invite à le suivre, de la Lorraine à la Flandre en passant par la Somme, jusqu'au fond des tranchées et des chemins creux pour nous faire vivre de manière très réaliste l'âpreté et l'horreur de combats au résultat incertain, de tous ces assauts inutiles pour reprendre quelques mètres de terrain aussitôt reperdus.
De quoi faire réfléchir, mais aussi un hommage à tous ceux qui ont combattu, de part et d'autre et dont le souvenir nous permet de faire en sorte que leur sacrifice n'ait pas été tout-à-fait vain.
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On a beau s'investir en lecture de témoignages de guerre, on est toujours à des années lumière du ressenti de ceux qui les ont vécus. Celui de cet auteur allemand me semble pourtant faire exception à cette impression à cause de la distance qu'il insère entre la relation des faits, tirés du journal qu'il a tenu tout au long du conflit, et ses propres sentiments. C'est avec une froideur quasi journalistique qu'Ernst Jünger relate ses années d'une guerre qu'il a vécues de bout en bout, avec l'inestimable chance de s'en sortir après pas moins de quatorze blessures.

Est-ce une forme de mea culpa de son appartenance aux armées de l'envahisseur ou bien son éducation personnelle qui lui impose une certaine retenue dans le langage à l'égard de l'adversaire, une hauteur de vue dénuée d'attendrissement. Penchons pour cette seconde hypothèse, car ce respect du combattant tous camps confondus est assorti d'élans lyriques dans la description des paysages et circonstances de la guerre, y compris les plus dramatiques lorsque : « L'homme au coup dans le ventre, un tout jeune garçon, était couché parmi nous et s'étirait presque voluptueusement comme un chat aux rayons tièdes du couchant. Il passa du sommeil à la mort avec un sourire d'enfant. »

Car pour le reste, ce point de vue allemand évoquant cette boucherie organisée comporte les mêmes scènes d'horreur que ce qu'on peut lire chez nos auteurs nationaux lesquels ont également vécu ces années de cauchemar : des Henri Barbusse, Roland Dorgelès, Blaise Cendras, Maurice Genevoix, Louis-Ferdinand Céline pour ne citer que les plus souvent évoqués dans ce genre de littérature écrite en lettres de sang. Tous autant qui ont tenté de faire savoir aux générations suivantes ce qu'ils ont vécu dans leur chair et leur âme. Leur âme qu'il savait à chaque instant prête à prendre son envol vers des cieux qu'ils avaient la candeur d'espérer plus cléments que le cloaque des tranchées d'Artois ou de Champagne.

On a peine à s'imaginer que des hommes aient pu faire à ce point leur quotidien de la fréquentation de la mort, voyant autour d'eux se déchirer les chairs, s'éteindre des regards. le ton de cet ouvrage amoindri de la sensibilité humaine qu'on peut trouver dans le feu d'Henri Barbusse ou les croix de bois de Dorgelès renforce cette impression d'une forme d'accoutumance à l'épouvante. Faisant des vies humaines une sombre comptabilité au même rang que celle des armes et équipements de la logistique du champ de bataille.

Cet ouvrage reste un récit de ces terribles combats de 14 vécus dans l'environnement restreint d'une unité ballotée par les événements meurtriers. J'allais dire dans l'intimité d'une unité. Mais pour qu'il y ait intimité il faut qu'il y ait durabilité de coexistence. Ce qui n'était pas le cas puisque les unités se reconstituaient aussi quotidiennement que les pertes en réduisaient les effectifs. du sang neuf venait abreuver les tranchées au fur et à mesure que les familles confiaient leur progéniture, de plus en plus jeune, à la voracité de la grande faucheuse. Funeste industrie infanticide commandée par des intérêts très supérieurs dont les traités effaceront la responsabilité à la satisfaction de voir la paix retrouvée.

C'est une forme de fascination d'horreur qui me fait revenir vers ce genre de littérature. La vaine tentative de comprendre ce qui peut jeter les hommes les uns contre les autres dans des boucheries de cette ampleur. Ce qui peut faire qu'il n'y ait pas de conscience supérieure capable d'empêcher une tragédie collective à pareille échelle. Mais non, la « der des der » n'attendait finalement que la suivante pour contredire ceux qui pensaient avoir atteint les sommets de l'horreur. Ainsi est la nature de celui qui tient tant à la vie et se complaît à la mettre en danger.

Orages d'acier d'Ernst Jünger dont le lyrisme qui plut à André Gide au point de lui faire dire qu'il était le plus beau livre de guerre qu'il ait lu m'a quant à moi paru aussi froid que le regard de son auteur en couverture.
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Les jeunes élèves français apprennent que leurs compatriotes mobilisés en août 1914 sont partis au front 'la fleur au fusil', persuadés de revenir rapidement en vainqueurs. Dans ce 'journal de guerre' Ernst Jünger témoigne que les jeunes Allemands partirent dans le même état d'esprit.
Tous déchantèrent vite, en voyant leurs camarades tués à leurs côtés.

Le titre de ce récit autobiographique résume parfaitement son propos.
Balles, grenades, schrapnels (obus à balles inventé par Henry Shrapnel), et obus, firent partie de la vie des soldats affectés en première ligne.
Certains furent tués sur le coup ; les soldats grièvement blessés s'en sortaient rarement ; ceux qui furent plus légèrement touchés avaient une chance de survie s'ils ne restaient pas du mauvais côté de la ligne de front et échappaient aux complications médicales (gangrène) ; certains sombrèrent dans la folie.

L'auteur eut souvent de la chance, il fut blessé plusieurs fois mais n'en garda pas de séquelles majeures, et semble avoir conservé les idées claires, même si ses prises de risques répétées semblent a priori moins compréhensibles que la terreur qui s'emparait de beaucoup.
Jünger évoque peu sa peur, non qu'il veuille se montrer en héros, plutôt parce qu'elle semble s'être effacée dans le feu de l'action, sous le poids de la fatigue physique, ou derrière son engagement patriotique.

Ce témoignage est intéressant même si les nombreux récits de combats deviennent lassants à lire.
Il permet d'appréhender ce conflit autrement qu'à travers les chiffres de ses victimes. Il y eut durant la 'Grande guerre' plus de 9 millions de militaires tués (dont 2 millions d'Allemands représentant 15 % des mobilisé de ce pays, 1.8 millions de Russes, et 1.4 millions de Français - soit 18 % de ceux mobilisés), et plus de 8 millions de civils morts (hors les victimes de la grippe espagnole). Et les blessés, bien sûr...
Il montre aussi le conflit tel qu'il put être perçu du côté allemand.
Les français connaissent bien la bataille de Verdun, avec 53 millions d'obus tirés (plusieurs par mètre carré, mais près d' ¼ était défectueux), une "cote 304" rabotée à 297 mètres d'altitude, environ 135 000 soldats français et 140 000 allemands tués !
Ici, Jünger décrit des combats auxquels il a participé lors de la bataille de la Somme. En quelques mois, 200 000 soldats britanniques, 135 000 français, et 170 000 allemands y furent tués, et une portion de la ligne de front déplacée d'une dizaine de kilomètres vers l'est. Les historiens ne résument cependant pas le bilan de la bataille de la Somme à ces nombres de victimes et à cette faible conquête territoriale. En effet, cette bataille amena le commandement allemand à limiter son engagement à Verdun et à déclarer un blocus maritime qui s'avéra finalement contre-productif puisqu'il incita les américains à entrer dans le conflit.
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En janvier 1915, le jeune Ernst Jünger, à peine âgé de vingt ans, arrive sur le front quelque part dans la Champagne crayeuse non loin de la petite ville de Bazancourt. L'ambiance qu'il y découvre lui semble plutôt calme. Les temps de permission à l'arrière se passent en joyeuses beuveries parmi une population française amicale. Mais tout change soudainement quand il se retrouve du côté des Eparges. Là, c'est un véritable baptème du feu pour lui, un déluge de fer et de feu avec une hécatombe de soldats. Lui-même est blessé à la cuisse. Rétabli, il remonte sur le front à l'automne suivant du côté de Douchy, mais cette fois à titre de sous-officier. Il participe à la première bataille de la Somme où à nouveau il est blessé légèrement. Il s'illustrera ensuite à la bataille de Cambrai ainsi qu'à celle des Flandres. Il aura comme adversaire des Français, des Hindous, des Ecossais et des Néo-Zélandais. Il sortira vivant et décoré de toutes ces années de guerre mais avec sept blessures dont certaines fort graves et rien moins qu'une vingtaine d'impacts dans le corps.
« Orages d'acier » est le témoignage au jour le jour d'un soldat allemand lambda qui monte les échelons, subit toutes les épreuves de cette terrible guerre, le froid, la boue, l'humidité, les rats, les gaz, les pilonnages d'artillerie, les combats à la grenade ou au corps à corps avec un courage et une abnégation remarquable. Son récit assez brut de décoffrage reste dans la lignée d' « À l'ouest rien de nouveau » d'Eric-Maria Remarque côté allemand ou des « Croix de bois » de Roland Dorgelès, voire du « Feu » d'Henri Barbusse côté français. Mais sans aucun romantisme ni pathos. Junger ne se plaint jamais. Il subit tout avec calme et constance. Il parle français, s'entend parfaitement avec les gens qui le logent et n'a pas le moindre mot haineux ou méprisant envers ses adversaires. Chevaleresque, il leur rend hommage pour leur courage et leur détermination quand certains sont ses prisonniers. Il est même très impressionné par la bravoure des Highlanders écossais. Son récit, qui n'est qu'une longue suite de combats, de descriptions de soldats blessés ou tués de toutes les manières possibles et imaginables, donne une idée de ce que nos anciens ont dû endurer des deux côtés de la ligne de front.
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Orages d'acier porte bien son nom...... du ciel tombent inlassablement des milliers de tonnes de bombes......
Au fond de leur tranchées..... Les histoires et les visions des soldats allemands.
De la souffrance, du bruit , de la fumée....de la boue.....
Cela paraît si incroyable de se trouver dans un tel enfer que notre esprit d'aujourd'hui trouve cela totalement irréel.
Et pourtant non ce fut une réalité !!
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C'est un récit, un témoignage fort au plus près, puisque l'auteur a remis en forme les notes qu'il prenait dans les combats. Ou plutôt, sous la pluie d'artillerie, tant cette Grande Guerre, qui n'est pas encore la Première, n'est qu'un déluge de feu et d'aciers, de bombes, d'obus, de balles, de mitrailles et autre projectiles. Il y a finalement peu de combats directs, au corps à corps, entre adversaires. Il ne peut donc pas y avoir de tonalité épique, puisque l'épopée est impossible dans un combat où le principal ennemi est une force mécanique et industrielle, la machine qui tombe du ciel. La mort est donc aveugle et aléatoire, et frappe au hasard, à quelques centimètres près l'un ou l'autre des soldats. Si l'auteur survit, ce n'est même pas vraiment de la chance, mais le destin.
Jünger nous dresse un paysage apocalyptique qui fait appel à tous les sens : le bruit des bombes, les odeurs des cadavres en décomposition, le goût du vin dont on s'enivre pour oublier ou celui de la soupe trop claire et inconsistante, le toucher de la boue et des vermines grouillantes, la vue des entrailles et des membres décomposés. Certaines scènes sont donc difficiles à lire, le lecteur se retrouve immergé parmi les combattants.
Et si ce texte est un si grand texte de guerre, c'est parce qu'il n'y a pas de haine envers l'ennemi. A la lecture, on peut d'ailleurs se demander de quel "côté" se trouve Jünger, les conditions sont exactement les mêmes dans chaque camp. C'est un jeune universitaire cultivé, qui parle français et anglais, apprécie les romans de ces pays. Loin de toute propagande, il ne nie pas l'humanité des ennemis.
En cette année de souvenirs, la mémoire de la Grande Guerre ayant évolué, on ne peut que penser au gâchis terrible d'hommes, Allemands, Français, Anglais ou Hindous, pour des causes inutiles qui les dépassaient.
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Orages d'acier est le récit autobiographie d'un soldat allemand, Ernst Junger, durant la première guerre mondiale. Décrivant magnifiquement les attaques ennemies, mais aussi l'angoissant ennui présents dans la guerre, et cette haine entre les homme, Junger arrive à nous fasciner tout en nous déroutant. La guerre, pure et dure. La guerre, avec son sang, ses décès, cette rage. Un récit qui vous prend aux tripes, et qui vous remue le cerveau même après avoir lu la dernière ligne.
Deux camps ennemis, et, pourtant, un seul et même but, sauver sa peau, coûte que coûte. On apprend aussi beaucoup stratégiquement, et sur la guerre de tranchée en elle même.
Un très beau livre de guerre. Si ce n'est le plus beau.
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Si ce livre d'Ernst Junger est, à l'instar de Ceux de 14 de Genevoix, auquel il est souvent comparé, un témoignage essentiel sur la Grande Guerre, il m'a pourtant moins enthousiasmé, et cela ne tient pas au fait qu'il soit vu du côté allemand (car j'ai adoré "À l'ouest rien de nouveau" de Erich Maria Remarque), mais au fait qu'il soit - paradoxalement - au ton plus martial, plus patriotique. Là où on sent Genevoix, Remarque, Barbusse, Chevallier faire leur devoir avec plus ou moins de fatalisme, on sent chez Junger davantage d'enthousiasme guerrier. De tous ceux que j'ai lus, il me semble que c'est celui qui a pris le plus de plaisir, ou tout du moins qui a manifesté le plus d'enthousiasme patriotique. Il ne nie pas les horreurs de la guerre, mais il en fait malgré tout une aventure qui mérite d'être vécue, c'est ce qui fait que j'ai eu davantage de mal à adhérer au propos. Il a aussi, il faut le dire, un style très littéraire, pour ne pas dire ampoulé, qui s'accommode parfois assez mal avec les choses qu'il décrit.
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Ernst Jünger , jeune allemand, raconte son aventure lors de la Première Guerre Mondiale. Il ira d'Orainville à Guillemont en passant par Les Eparges. Plusieurs fois blessé (14 fois au total), il montera en grade, pour finir lieutenant dans les Sturmtruppen. C'est un héros militaire qui recevra la décoration de l'Ordre Pour le Mérite. Durant sa campagne, il a tenu des carnets de description sur lesquels il s'appuie pour nous donner ce récit.

On ressent avant toute chose que Jünger fait partie de cette race d'aventuriers qui n'a pas froid aux yeux, il fait preuve d'un grand courage au front où il se lance avec passion et ardeur. Il s'est d'ailleurs engagé volontairement dans cette guerre. Pour passer l'ennui lors de ses longues heures de garde, il se lance dans des patrouilles et fait face à un danger permanent qui le stimule. S'il est intrépide, il est aussi une personne cultivée, intelligente, qui parvient à prendre de la distance par rapport à ce qu'il voit et ce qu'il décrit. Son récit est une description assez froide de la guerre, on ressent assez peu d'émotions : que ce soit de la tristesse envers ses camarades morts au combat ou de haine vis-à-vis de l'ennemi, il n'est pas ici question. Non, Jünger nous décrit ses aventures dans les tranchées, les impacts des obus, les tirs de shrapnells, les blessures au combat, les corps en charpie, la boue qui se transforme en piège, les gaz qui s'insinuent malgré les masques.

Il faudra attendre le chapitre « La Grande Bataille », envolée magistrale dans laquelle on découvre plus de sentiments, une ardeur au combat qui se transforme en joie lors de l'assaut mais aussi de la tristesse de voir tant de morts. Ce chapitre nous montre que Jünger est à la fois un vaillant soldat, téméraire, courageux, mais aussi un homme courtois et respectueux. En effet, lors de la fureur de l'assaut d'une tranchée, il épargnera un ennemi anglais qui lui montrera une photo de sa famille.

Le livre est parfois répétitif, et l'on peut avoir l'impression de relire les mêmes passages : description de la tranchée et des abris, effets des obus et des mines, corps mutilés, cadavres qui jonchent le sol… Mais il s'agit de la Grande Guerre et l'on ne peut pas faire l'impasse sur ce qu'elle fut : un massacre. C'est en tout cas un témoignage passionnant qui change de certains récits sur la guerre : on sent que pour Jünger, la guerre révèle les hommes et parfois les élève au rang de héros. La fierté, le courage, la virilité sont mis en avant, il n'y pas de lamentation. Pour autant il ne nie pas la réalité de la guerre et son horreur et admet que, parfois, seule la chance (ou le destin ?) détermine la survie ou non d'un homme. Un livre d'une grande lucidité.


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Ou comment éviter de devenir militariste.
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