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sur 4689 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le Procès est une sorte de farce douce-amère à visée philosophique. Franz Kafka n'est pas si loin, avec son Procès, de l'esprit de Voltaire et cette farce pince-sans-rire nous pose, avec beaucoup de gravité, les deux questions suivantes :
Qu'est-ce que la culpabilité ?
Qu'est-ce que la loi ?

De mon point de vue, on s'inscrit pleinement dans une démarche philosophique, même si le versant de satire sociale ne peut être exclu.
Le Procès met mal à l'aise. C'est voulu. Il nous oblige à prendre position. C'est voulu également.

Nul ne peut prétendre avoir tout compris, tout vu, tout senti de cette oeuvre tellement particulière. Sur cent lecteurs du Procès, vous aurez cent (voire plus) interprétations fort différentes des mêmes passages.

Cela vient pour une part de l'écriture même de Kafka, une sorte d'écriture onirique, qui s'apparente à la réalité, sans jamais en être, exactement comme dans le processus mystérieux de nos rêves ou de nos cauchemars. (J'y vois d'ailleurs une nette parenté avec la fin d'Alice au Pays des Merveilles et ne serais pas surprise qu'elle ait inspiré ce livre.) Des situations occlusives, obstruées, sans issue, loufoques, où l'on est tombé en croyant dur comme fer avoir gardé le contrôle de bout en bout et d'où l'on sort, sans davantage savoir pourquoi ni comment.

Cela provient aussi de l'histoire propre et de la genèse de l'oeuvre, non achevée, non destinée à être publiée en l'état et d'ailleurs publiée contre l'avis même de l'auteur qui, mourant, s'était opposé à la publication de ses travaux en cours. Certains liens peuvent donc sembler manquer, mais ce n'est absolument pas dommageable pour la lecture car l'un des effets d'écriture de Kafka est justement de distiller adroitement des informations incohérentes ou non corrélées qui sèment le trouble à dessein.

Nous voici donc aux prises avec un homme, Joseph K., fondé de pouvoir dans une banque, qui, un beau matin, voit arriver chez lui deux gaillards, qui lui stipulent qu'il est arrêté. Lui est innocent, du moins, c'est ce qu'il dit. Mais l'est-il vraiment ? Pour quel motif est-il arrêté ? Nul ne le dit, mais " La Loi ", le sait, et ses voies sont impénétrables, elles aussi. Son procès commence mais nul ne sait où, pourquoi ni comment, ni sur quels documents ni qui en sont les acteurs judiciaires.

Franz Kafka décrit le lent processus d'aliénation mentale que crée cette situation d'incertitude, de non-dits, d'annonces contradictoires, d'attentes interminables confrontées aux démons de la solitude.

On a, après la mort de Kafka et à la lueur des événements survenus dans les grandes dictatures communistes, interprété le Procès comme prémonitoire à ce genre d'excès. Ce n'est pas le parti que je prends, et je crois qu'on a beaucoup surinterprété certains aspects du roman en en occultant d'autres, même si je comprends le parti pris politique et le trouve défendable.

Je crois surtout qu'on néglige beaucoup l'humour contenu dans cette oeuvre bien que, de prime abord, elle ne viennent pas tout de suite à l'esprit comme un livre drôle, et pourtant. de même, on n'interprète pas ou peu, ou dans un sens bien obscur, le rôle et le comportement des femmes dans le Procès.

Pourquoi quasiment toutes les femmes plus ou moins désirables s'amourachent-elles toutes de K. lorsqu'il est accusé et ne semblaient-elles pas le faire avant ? L'une d'elle, Leni, fournit une explication peu plausible qui nous questionne furieusement : " Lorsqu'un homme est arrêté et accusé, il devient plus beau. " Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Que cherche à nous dire Kafka ? Peu loquace sont les commentateurs sur ce point...

Non, ce qui a retenu l'attention c'est surtout le questionnement d'ordre métaphysique que propose Kafka, et c'est vrai que là, c'est du lourd. Dans l'une des scènes, K., pour assurer sa défense, s'ingénie à rechercher toutes les actions qu'il a commises avant son arrestation.

Ce passage en particulier me paraît très intéressant car qui, parmi les innocents que nous sommes ou que nous croyons être, peut regarder l'ensemble de ce qu'il a fait et se dire qu'il n'a jamais été coupable de quoi que ce soit envers qui que ce soit ?

L'autre axe fort du roman, notamment au travers du seul chapitre publié du vivant de l'auteur, Dans La Cathédrale, qui met en scène la parabole du gardien et de la forteresse Loi, nous interpelle sur ce qu'est la loi. La loi dit-elle toujours la vérité ? Prend-elle toujours le parti du juste ? Qui fait la loi ? Pour qui ? Qui connaît la loi ? etc. Autant de questions qu'il est troublant de se poser et que le Procès nous oblige à nous poser.

Je ne peux pas dire que la lecture m'ait toujours enthousiasmée mais il est indubitable que ce livre nous questionne jusques aux tréfonds de nous-même avec une force suffisamment rare pour être qualifiée d'exceptionnelle. Si vous ne vous sentez pas le courage de lire tout ce livre, les deux chapitres vraiment très forts, que je vous conseille absolument, pour des raisons différentes, sont celui intitulé Début de L'Instruction et celui intitulé Dans La Cathédrale.

En somme, tout ceci concourt à faire de ce livre bizarre, dérangeant, iconoclaste un incontournable, mais tel n'est là que mon avis, ne m'en faites pas procès car il ne signifie sans doute pas grand-chose.
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Sa langue était l'allemand, sa religion le judaïsme, sa passion : la littérature. Franz Kafka (1883-1924), qui devait croupir pendant des années dans l'état de salarié d'une compagnie d'assurance commerciale qui lui faisait faire des actes qu'il désapprouvait, surtout quand ils n'étaient pas en accord avec la morale ou la simple humanité, passait ses temps libres, souvent solitaires, à écrire, mais il souhaitait cependant ne rien laisser venir au grand jour de son oeuvre, désir que, fort heureusement, son ami le poète Max Brod allait refuser d'exaucer.
J'avais entre quinze et seize ans lorsque j'ai lu le procès et il m'en est resté des souvenirs ineffaçables en même temps qu'une attirance plus ou moins consentie pour cet écrit qui peut faire peur et troubler en même temps qu'il nous ouvre les yeux sur la réalité des relations entre administrés et administrations, relations où l'administré se trouve placé toujours dans une position d'infériorité, fort humiliante face à des agents administratifs qui regardent leurs interlocuteurs comme des pions anonymes et qui tirent leur force de ce qu'ils détiennent, s'ils désirent accéder à ce genre d'informations, des dossiers qui peuvent leur révéler ce qu'ils veulent savoir sur les personnes qui viennent leur présenter leurs requêtes. Or, le héros du roman, Joseph K., est justement dans cette situation d'impuissance et de dépendance dês lors qu'apprenant qu'il a affaire à la justice pour des faits dont il ignore tout et qui pâtit lourdement de se trouver dans cette situation jusqu'à devenir victime au quotidien d'une obsession d'autant plus inquiète qu'il estime être innocent et n'avoir rien à se reprocher alors qu'il voit se tourner vers lui les regards de gens indifférents à son problème, incrédules, voire soupçonneux. Même quand on a de la compassion pour lui et même si certains sont prêts à l'aider, ils ne peuvent rien eux non plus et se heurtent comme lui à un mur. Cela va jusqu'à l'absurde, et c'est bien d'absurde qu'il s'agit, et cependant cet absurde a quelque chose d'objectif en ce qu'il décrit l'absurdité de nos vies quand, dans la confrontation avec une administration, surtout devant les instances juridiques, on se trouve réduit à n'être qu'un numéro -celui d'un dossier traité parmi des milliers, voire des millions d'autres, ce qui nous réduit à n'être plus qu'un objet et non plus un sujet, encore moins un sujet agissant. À la limite pourrait-on tolérer un sujet obéissant, mais l'on préfère encore plus un sujet qui se contente de subir silencieusement ce qui lui arrive parce que c'est la loi et la "logique (illogique et injuste mais imparable) des choses". Joseph K. refuse cet état de choses, il a sa manière à lui de réagir, de contester, de s'insurger (sans faire toutefois trop de vagues), mais c'est son souci de savoir qui est en soi une révolte et un acte subversif aux yeux de l'autorité et de l'opinion, comme s'il était totalement vain, et celui qui se rebelle est gênant en ceci qu'il ne se laisse arrêter par rien dans cette quête, premier pas vers la tentative de justification et de réhabilitation, combat pour se disculper et pour rétablir la vérité et son honneur qui finalement n'est jamais entièrement satisfait, parce que la justice n'est décidément pas de ce monde. Oui, Monsieur Joseph K. cessez donc de demander à avoir accès à votre dossier et à le consulter, car l'on ne sait même pas où il se trouve : comment voulez-vous qu'on le sache, que l'on sache où le chercher puisque l'on ignore justement où il a fini par arriver. Contentez-vous de savoir que vous êtes accusé et que cela est arrivé. Et d'ailleurs, tout le monde le sait, à quoi bon vous battre, à quoi bon soulever des montagnes de dossiers. Cela ne pourra rien changer.
Je ne vais pas décrire la fin de ce roman, ouvrage inquiétant qui nous oblige à nous poser les bonnes questions : ne sommes-nous pas concernés nous aussi, chacun pour son compte ? Ce livre est-il réaliste ? Nous montre-t-il le "monstre aveugle" auquel nous remettons nos identités, dans l'oppressante mainmise où il nous maintient tous, isolément aussi bien que collectivement ?
Y a-t-il là-dessous quelque adhésion à un fatalisme dostoïevskyen ? À chacun de trouver la réponse qui lui semblera la plus juste.
Reste que ce livre, même s'il paraît insupportable, ne vous lâche pas : vous en terminez la lecture, et vous en sortez troublé, et marqué à jamais.

François Sarindar

Souvenirs et impressions laissés par une lecture bien lointaine.
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L'une des choses les plus nuisibles à notre cher Kafka est l'interprétation toute faite. le plaisir que prennent certains à coller des étiquettes du genre roman philosophique, ou roman à thèse aux oeuvres de Kafka et surtout ce fameux roman "Le Procès".

Ainsi, je vais vous présenter comment j'ai lu "Le Procès" de Kafka.

D'abord, le Procès est la description minutieuse d'un cauchemar. Un personnage se retrouve tout-à-coup, et malgré lui, dans une situation qu'il ne peut changer, il visite des lieux étranges, prend à la légère sa situation délicate, rencontre des filles à son chemin et ces dernières tombent dans ses bras facilement. Il est au centre de tout ce qui se passe, tout le monde le connait et l'épie curieusement! Les circonstances les plus sérieuses se marient aux plus burlesques, et Kafka continue son majestueux travail de narrateur qui se joue de son lecteur en affectant le sérieux. Comme dans un cauchemar, on est hanté par une force majeure qui nous conduit là où elle veut, ici la force d'un tribunal que le personnage ne peut que s'y soumettre minablement. Comme dans un cauchemar, les lieux sont étranges; un tribunal qui n'a rien d'un établissement réel.

Ensuite, le Procès doit se lire comme un roman! Un roman original qui s'inscrit dans l'histoire littéraire du roman et non dans l'histoire des idées. Kafka n'est pas un philosophe, ni un moraliste. Aussi ne faut-il chercher ici ni satire de totalitarisme, ni critique de l'injustice, ni représentation de la bureaucratie, ni une leçon de morale contre la sexualité et l'indifférence de K. (du moins à mon avis). le Procès est une oeuvre littéraire et s'explique par la littérature. Un roman qu'on lit avec passion; on suit ce Joseph K. (non pas Kafka, mais (K)auchemar) et par la magie kafkaïenne (et non pas kafkologique, en référence à ces clichés qui tournent autour du "personnage" de Kafka) on prend au sérieux certains événements, et l'on croit que les choses suivent un cours logique (surtout les comportements de K. vis-à-vis son procès et son accusation et les remarques des autres personnages et leurs conseils). Mais le récit n'est pas qu'angoisse et malaise (partagés entre lecteur et héros), K. trouve des moments d'évasion pour oublier un instant son procès omniprésent; avec cette scène où il voit pour la première fois le lieu où va se passer son procès, ces hommes, ces femmes et cette petite fille, cette scène d'amour burlesque au cours de l'audience! et ses flirts avec les filles.

Par ailleurs, on constate la solitude de K. au milieu de cette foule de personnages qui ne peut l'aider, son indécision voire contradiction, sa révolte secrète (étouffée avant de se montrer) et sa condition pitoyable. Et ainsi comme dans "Le Désert des Tartares" le temps passe et l'affaire devient plus difficile jusqu'à l'ultime fin qui atteint le sommet de l'ironie dans l'attitude de K.

Si on veut parler de scènes intéressantes il faut citer tout le roman! Kafka a cet art de présenter le monde en rêve, en métaphore onirique!
Mais chacun peut y voir ce qu'il veut en tant que lecteur et opter pour toutes ces interprétations qui pullulent partout (au détriment du sympathique Kafka et au bonheur des kafkologues).

P.S. L'un des meilleurs livres sur Kafka est celui de Kundera "Les testaments trahis".

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Il y a maintenant plus de quarante années, je me souviens avoir mis un temps très long à lire le procès!
Comme le calvaire absurde, sans fin et cauchemardesque de Joseph K., je n'en finissais pas.
Kafka, d'ailleurs, ne l'avait pas achevé le procès!
Que c'était long et pénible, jusqu'à ce que la fin de ma lecture ne se précipite!
Je me suis retrouvé, parfois, dans ces rêves au long cours dont on a du mal à sortir.
Le film d'Orson Welles me replongea, avec ses gammes noires grises et blanches, dans ce Procès qui ne quittait pas ma mémoire.
Un jour, je repartiras dans le procès avec Joseph K.
Un tel livre, on y revient.

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Sombre et pessimiste, l'univers Kafkaïen est sublimé par son plus célèbre titre, le Procès.
De l'écriture en plusieurs temps, décousue et disparate de ce roman, transpire l'inconstance d'un récit qui ne devrait pas être édité.

Kafka a le sens de la dramaturgie, des contrastes et des contradictions.
L'atmosphère est paranoïaque, il y a un énorme fossé entre les mots prononcés et l'attitude de ceux qui les prononcent.
Dans cette société sans règles tangibles, les chemins sont sans issues.

Les messages brûlent derrière les mots.

Le monde intérieur de Joseph K est sombre. K comme Kafka!

La noirceur et l'oppression nous engloutissent tout au long de la narration, les scènes en huis clos, dans des endroits sombres et enfermés renforcent la sensation de claustrophobie. Paradoxalement, un humour d'une noirceur accablante, faussement ingénu, cocasse et grotesque est toujours présent.

Le thème principal est évidemment la culpabilité et par conséquent la justice, qui peut devenir une dictature où la machine judiciaire écrase les individus de manière aveugle et autoritaire.
Prémonition ou simple analyse visionnaire ?
Le nazisme et le stalinisme viendraient s'instaurer quelques années à peine plus tard…
De quoi réfléchir sur le destin d'un individu et la désillusion de la quête de sens.

La narration est volontairement accentuée par un manque de réalisme dans un monde abracadabrant et dysfonctionnel, où l'on cherche le sens de la justice, le sens ultime de la vie.

En évoquant également le libre arbitre, Kafka soulève la question de la quête de sens.
Kafka est un ovni qui est venu dynamiter la littérature en y amenant de nouvelles thématiques et un univers bien à lui, et remettre ainsi en cause nos valeurs morales.










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J'ai toujours aimé Kafka. Je le relis tous les dix ans environ. A chaque fois, je prévois d'être déçu et de me demander ce que j'avais bien pu y voir dix ans avant. Mais le charme opère de nouveau.

Je me représente involontairement le monde de Kafka en clair-obscur, en noir et blanc, comme les décors du Cabinet du docteur Caligari, du Golem de Wegener ou d'un film de Murnau. C'est quelque chose de radicalement étranger à l'esprit voltairien de la littérature française. Mais c'est aussi une lecture dont je me suis rendu compte qu'elle s'adressait essentiellement aux hommes, ce qu'il m'était impossible de suspecter a priori. Souvent, notamment au cours de mes études universitaires ou au début de ma carrière d'enseignant, j'ai essayé de partager Kafka avec des amies étudiantes ou des consoeurs, et la réaction, invariablement (sur une cinquantaine de cas environ), c'était: "Je n'aime pas", "On n'y comprend rien", "C'est chiant", "Je ne suis pas arrivée à le lire", "je me demande ce que tu y trouves", etc. Pourquoi? Je n'en sais rien.

Kafka en allemand - j'en connais de larges passages par coeur - est un peu différent de la traduction de Vialatte. Mais Vialatte est un traducteur génial, et j'ai autant de plaisir à lire les deux. La grande traduction est un art autonome, car les langages - la combinaison d'une langue et d'une personnalité - sont toujours, nécessairement, incompatibles pour l'essentiel. Il s'ensuit que toute traduction est donc une création littéraire à part entière, à considérer comme telle. Edgar Poe par Charles Baudelaire, Franz Kafka par Alexandre Vialatte sont des chefs-d'oeuvre. Mais ce n'est pas un hasard. Baudelaire et Vialatte avaient la passion de leur sujet. Leurs traductions n'étaient pas inspirées par l'appât d'un bénéfice quelconque en dehors de la satisfaction de créer. Quelquefois, ça ne suffit pas. Il y a des traductions ratées, comme le Monde des non-A de van Vogt par Boris Vian qui - un peu inexplicablement - est la plus illisible cochonnerie qu'on puisse se farcir par temps de pluie.

Mais Kafka par Vialatte reste un chef-d'oeuvre indépassable, autonome, valable en soi et pour soi, indépendamment même de l'original. Je me souviens qu'une grosse maison d'édition dirigée par des philistins quelconques (oui, je sais bien que c'est un pléonasme) avait pensé commercial d'opérer un aggiornamento du Procès en s'arrogeant l'audace de "corriger" (!) la traduction de Vialatte. Ca ose toutes les profanations, les cons. Comme Erik Satie à Jean Poueigh, on a envie de leur dire "vous n'êtes qu'un cul, pire, un cul sans musique". Mais ils ne comprendraient pas.

Bien sûr, le Procès est mieux interprété dans la perspective de la "romantische Ironie" héritée de l'irrationalisme militant du Cercle d'Iena qui s'opposait résolument à l'esprit français des "Lumières", ou avec quelques éléments de talmudisme ashkénaze... mais on peut aussi très bien s'en passer. C'est plus une lecture à vivre, à ressentir, organiquement, qu'à décortiquer. Et ça, je ne suis pas sûr qu'on puisse l'apprendre. La littérature de Kafka est un peu comme un parasite qui vit sur vous en symbiose, qui vous bouffe un peu la viande, et dégorge épisodiquement un peu de son encre dans votre système circulatoire. S'il n'y a pas à l'origine une compatibilité organique entre le symbiote et son hôte, ça ne marchera sans doute jamais.
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La conscience est le pire juge qui soit

Il n'y a sans doute pas de pire juge que notre conscience. Vivre, la belle affaire ! Mais encore faut-il s'en sentir le droit. Et nous ne sommes pas toujours les meilleurs avocats pour plaider en notre faveur.

Dans notre inconscient fourmillent tout un tas de petits tribunaux, où nous jouons tour à tour le rôle du parquet, de la défense, de la partie civile, ou du jury qui aura à délibérer de notre sort.

Il nous arrive de nous accommoder de petits arrangements pris avec la vérité, et de pieux mensonges auxquels il nous est rassurant de croire... Et notre esprit est un magistrat qui n'hésite pas, parfois, à se laisser corrompre - pour le meilleur comme pour le pire.

Dans la salle des pas perdus où nos pensées vagabondent de-ci de-là, nous attendons, fébrilement, de connaître le verdict de notre conscience. Quel châtiment nous réserverons-nous ? Et à quel tribunal laisserons-nous le soin de nous juger ?

Chez Kafka, la question est vite tranchée. C'est la Cour d'assises, ni plus ni moins. Mais qu'est-ce donc que ce “faux procès” où l'accusé ignore ce dont il est coupable ?

Ce roman - qui ne laisse pas de provoquer chez le lecteur un sentiment d'inquiétude et de malaise - est un livre qu'il est bon d'avoir lu ne serait-ce qu'une seule fois dans sa vie.

Sa lecture fut pour moi un véritable choc, et j'espère de tout coeur que cette histoire pour le moins étrange n'en finira pas de conquérir de nouveaux lecteurs.

© Thibault Marconnet
Le 28 juin 2019
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Critiquer le procès qui oserait s'y coller ?
En dire du mal : vous n'y pensez pas ! Vous savez ce que vous risquez ! Chuut ne pas prononcer le mot Pr...
En dire du bien : oui mais qui sait ? le Bien, le Mal... tout dans la loi (comme dans la lecture) est affaire d'interprétation !
Si on (et d'ailleurs qui est ce "on" ?) me comprenait de travers ?
De toute façon, on me jugera pour mon papier qu'il soit enthousiaste ou médisant ! On me condamnera...
Et à quelle peine, par quel jury ?
Plutôt dire tout et rien ! tourner autour du pot...

Critiquer le Procès, Messieurs les Jurés, moi jamais ! Voyez-vous, rien qui, dans ces quelques phrases, ne dénature l'oeuvre, ni même qui y fasse allusion ! Comme l'enfant qui vient de naître, je viens me présenter devant vous, Monsieur le juge !
Pardons, naître ? Je n'aurais pas dû ? Je ne le ferai plus Monsieur le juge. Plus jamais ! Promis.

À Dieu vat ! Que l'on me condamne, bon Dieu, que l'on condamne ma critique, toutes mes critiques Tout ! Plutôt que voir une culpabilité sourde et silencieuse envahir mon entourage, ma prose, pourrir mon souffle déjà court, mon espace vital qui rétrécit, le fauteuil où je lis qui imperceptiblement baisse la garde, le bureau où je n'écris déjà plus... Maudite culpabilité qui recouvre tout notre paysage d'une mélasse de mots nauséabonds.

PS : Que le tribunal des Babéliotes me condamne à son tour à une 2e peine s'il le faut pour cette critique totalement inepte donc inutile ! Peu m'importe n'est-il pas écrit en toutes lettres : "ce qui est inutile, c'est de se mêler personnellement de son procès".
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Le premier chapitre du procès, le début de la fin.
La procédure a pour fin de conduire l'homme à sa fin mais qu'en est-il du processus de l'écriture existentielle de Kafka ?
Le décor expressionniste écrase littéralement les protagonistes avec ses plafonds bas, ses angles morts, ses couloirs qui n'en finissent pas, ses portes qui paraissent démesurément loin, à cause de la perspective. Lignes de fuite, point de fuite possible pour Joseph K.
Le Tribunal, la Banque, la Bureaucratie. Rien de plus terrifiant pour tous ceux qui ne supportent pas l'attente, qui ne supportent pas de savoir où en est leur procès, leurs requêtes. Joseph K. , fondé de pouvoir, se sent, paradoxalement, impuissant. Il se sent harcelé par le Tribunal, persécuté par son procès. Aussi l'accusé se fait-il la victime au cours du procès.
Le procès, c'est l'histoire d'un jugement erroné sur la personne. Il y a des préjugés de la part de K. On le juge de même. L'accusé qui se réclame innocent, et ce de manière catégorique, n'est-il pas coupable de ne pas se remettre en question alors même qu'il remet en question, auprès du juge d'instruction, la Justice ? le juge d'instruction n'est-il pas là pour rééduquer Joseph K. dans une parodie de procès ?
Et il revendique son statut, son pouvoir, comme si le pouvoir conféré par son statut de fonctionnaire, à la banque, était nécessairement fondé. Il se considère toujours dans ses rapports aux autres, comme étant supérieur à ses interlocuteurs. Les personnes qui lui font face sont toujours des subalternes ou des personnes qui ne méritent pas leur statut à ses yeux aussi ne supporte-t-il pas son supérieur hiérarchique direct, le directeur adjoint, et ne considère-t-il jamais les membres du Tribunal suffisamment compétents pour traiter son affaire aussi se moque-t-on de son comportement déplacé, anormal, parce qu'il ne respecte pas les codes élémentaires du droit qui régissent l'ordre de la société. Il ne respecte pas la Loi mais quel commandement enfreint-il ?
Ne sachant pas ce qu'il a fait avant son arrestation, on ne peut que le juger selon ses actes et ses paroles, selon sa manière d'être pendant le Procès. En cela, Kafka se pose comme étant pré-existentialiste.
Dans la cathédrale, Joseph K. écoute le sermon de l'aumônier de la prison, monté sur sa chaire, un sermon qui lui est personnellement destiné étant donné que l'homme d'église l'interpelle et qu'ils sont seul à seul. le prêtre lui présente la Parabole des Portes de la Loi – la Loi - comme dans les Tables de la Loi - et il propose plusieurs commentaires du texte selon la tradition judéo-chrétienne. K. condamne à la lecture du texte le gardien des Portes l'accusant de tromperie mais l'aumônier lui répond que « d'aucuns disent […] que l'histoire ne confère à personne le droit de porter un jugement sur le gardien. » parce qu'il sert la Loi et que la Loi est sacrée, essentielle, nécessaire, mais K. reproche à cette « sinistre » version de « faire du mensonge l'ordre universel ». Cette parabole n'est-elle pas porteuse de vérité ?
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L'univers de Kafka est un mélange d'absurdité, d'étrange, d'oppression et d'onirisme. Ce livre est une pure merveille qui reste gravé dans notre mémoire longtemps après l'avoir lu.
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