Il était une fois… Jiselle, hôtesse de l'air américaine d'une trentaine d'années. Elle est belle, indépendante, célibataire et son prénom veut dire « princesse » en danois. le destin voulait donc qu'elle rencontre le prince charmant sur son beau cheval blanc. Un avion blanc en l'occurrence puisque le dénommé Marc Dorn est un sublime pilote de ligne faisant rêver toutes les femmes de la compagnie aérienne. Quelle chance que ce fantasme sur pattes s'amourache d'elle !
Alors les tourtereaux s'envolent pour une lune de miel magique puis vivent heureux jusqu'à la fin de leurs jours.
Ah non, je me trompe de bouquin !
En fait monsieur est veuf, père de trois enfants et le lecteur avisé se doute bien qu'il n'est pas aussi parfait que Jiselle pouvait l'espérer. Dès le mariage acté, il lui demande d'arrêter de travailler et d'emménager avec sa progéniture, ce que notre princesse s'empresse de faire, n'ayant certainement jamais entendu parler du féminisme. Jiselle s'occupe des enfants, surtout de Sam le petit dernier. Les deux ados Sara et Camilla semblent quant à elles s'être donné le mot pour battre des records de méchanceté et de mesquinerie envers leur nouvelle belle-mère. La cohabitation s'annonce tendue…
Par ailleurs les américains doivent désormais vivre avec une grave menace au-dessus de leurs têtes : la grippe de Phoenix. Personne ne connait l'origine de cette nouvelle maladie ni comment s'en protéger mais elle fait des ravages incroyables aux États-Unis.
Britney Spears y succombe rapidement, ainsi que le fils de
Donald Trump et de très nombreux anonymes…
Les autres pays commencent à fermer leurs frontières et petit à petit, les américains deviennent persona non grata dans le reste du monde.
Jiselle va devoir gérer seule ce changement drastique d'existence après que Marc aura été « retenu » en Allemagne pendant des jours, puis des semaines et des mois. Les magasins se vident, les écoles ferment, l'essence vient à manquer et les pannes d'électricité deviennent de plus en plus fréquentes…
Qu'en ai-je pensé ? Et bien j'ai beaucoup aimé ! Il s'agit de ma quatrième lecture de
Laura Kasischke et j'en sors ravie car une fois de plus j'ai été surprise.
Contrairement à plusieurs critiques, je ne trouve pas que le début ressemble à un roman à l'eau de rose (bien que je ne sois pas une spécialiste du sujet) car cette histoire d'amour est tellement grossière qu'il n'y a que Jiselle pour y croire. Sa mère le lui répète d'ailleurs depuis le début !
Il s'agit plutôt d'une sorte de conte de fée à l'envers : l'histoire commence par la fin (amour, mariage, bonheur…) puis se dégrade petit à petit et Jiselle déchante. L'image de la « pantoufle de verre » nous suit tout le long du roman sous la forme de superbes escarpins noirs, à la différence que notre Cendrillon ne remet jamais la main sur sa deuxième chaussure.
L'idée d'ajouter une dystopie est originale. Cela aurait pu être « casse-gueule » mais grâce au talent de l'auteur, les deux parties de l'histoire sont parfaitement imbriquées et tout est bien mené. L'atmosphère de fin du monde est angoissante à souhait, tellement crédible que cela pourrait bien nous arriver demain.
Nous sentons la volonté de
Kasischke d'en découdre avec le mode de vie américain et nous prenons un malin plaisir à lire la déconvenue de ceux qui croyaient que rien ne pourrait jamais leur arriver.