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3,73

sur 653 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Écoles fermées. Désinfection. Animaux abattus. Informations alarmistes. Masques.
Quarantaines. Populations fuyant les villes et les maisons de retraites...
Même les cours d'auto-école sont annulés.
«  Pandémie » : le mot est lâché en page 15 de ce roman ! Une sorte de grippe mystérieuse.

Sommes-nous pour autant en présence d'une oeuvre inspirée par notre actuelle crise sanitaire ?

Eh bien non !

Ce roman est sorti en 2010 en France. Et s'il a pu évoquer la grippe aviaire ou la crise de la vache folle, il entre aujourd'hui en forte résonnance avec la covid 19, d'une bien surprenante manière !

C'est tout à fait par hasard que j'ai relu ce titre et j'avoue avoir été très surprise de le ressentir de manière si différente d'il y a dix ans !
La dystopie est devenue notre réalité...
Et notre réalité modifie notre lecture de l'oeuvre...

L'imagination de Laura Kasischke l'entrainera bien loin dans l'accumulation de calamités supplémentaires (auxquelles nous échappons, nous, à l'instant où j'écris ! ).

Nous suivrons donc avec elle dans l'Illinois le lent glissement d'une petite famille vers un état étrange, indéfinissable, fait de repli sur soi et d'un renoncement presque heureux à ce qui faisait sa raison d'être :

Roman de la perte, mais de la (re)construction aussi.
Le thème des mutations adolescentes est abordé, comme souvent par cette auteure qui affectionne cette période de bouleversements et de création (elle en parle très bien dans ses interviews).
La famille recomposée est un autre ressort du récit.Tandis que tout s'effiloche autour d'eux, la jeune belle-mère et les enfants, vont en effet chacun se construire : l'une dans son rôle d'adulte-enfin-mère, les autres abandonnant peu à peu les postures de l'adolescence.
Naissance, donc, d'une famille qui a été reformatée, d'abord par le remariage puis par la crise sanitaire.

L'écriture est, comme toujours chez l'auteure, empreinte d'une extrême poésie qui nous emporte au détour de la moindre phrase : « Là, dans un coin d'ombre, se pressait un cercle de violettes, bleu pâle et mauve. Menues, tendres, soyeuses, papillotantes ». Elle se marie cette fois avec ce qui peut être lu comme un conte, à l'image de ceux qui pontuent le récit et les soirées des personnages.

Cette douce confusion entre fiction et réalité, coutumière chez Laura Kasischke, nous touche donc ici de plus près encore que d'habitude, tant nous sommes réceptifs, vulnérables et déstabilisés depuis maintenant un an que nos croyances et habitudes sont bouleversées....

En un monde parfait... Une lecture parfaite en ces temps incertains.
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Tout comme Latina, je trouvai Laura Kasischke déconcertante. Son nom déjà est d'une complexité à écrire et à prononcer...
« En un monde parfait » est le troisième livre lu de cette auteure et le premier qui trouve grâce à mes yeux. « Esprit d'Hiver » et « La vie devant ses yeux » m'ont laissée avec une impression mitigée, un sentiment de malaise. C'est bien écrit, sans aucun doute mais tellement inquiétant. Je n'avais pas accroché.
« En un monde parfait » est un conte de fées moderne sur la fin du monde dans un futur proche. Les Etats-Unis sont décimés par une mystérieuse grippe, dévastés par la guerre, détestés par le reste du monde. L'auteur analyse comment une catastrophe sanitaire arrive à bloquer ce grand pays, provoquer une pénurie économique et des comportements sociaux perturbés à la recherche d'un bouc émissaire.
Jiselle, l'héroïne, se trouve à un moment charnière de sa vie où tous ses rêves de petite fille se matérialisent. Ensuite, son univers se fissure et se teinte de mélancolie. L'auteur raconte une rêveuse dont le prince charmant, mentor au départ, devient menteur, l'enferme dans une prison dorée, la sacrifie à l'amour maternel et aux valeurs familiales d'un foyer où, dans les épreuves, elle finira par trouver son salut. Jiselle apparaît faible et convenue puis se révèle forte, courageuse face aux évènements tragiques.
Dans ce roman tendre et terrifiant, l'auteure invite le lecteur à la représentation de la dégradation d'une société moderne individualiste et sans âme, débusque l'étrange voire l'effrayant derrière la vie quotidienne et analyse avec finesse la psychologie des personnages, le chaos des sentiments et les tourments intérieurs.
Laura Kasischke réussit à nous faire réfléchir sur les événements qui transforment une personne, la font se dépasser, puiser dans ses ressources au milieu d'un monde hostile... j'ai adoré.

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J ai lu les critiques et je ne trouve pas que le roman commence à l eau de rose. On voit dès le début à quelques indices que le commandant Dorn va être un sacré boulet...C est le début d un conte cruel. le commandant met sa pantoufle à Jiselle dès les premières pages ...Mais c est un piège à filles c est clair. Seule Jiselle a envie d y croire. Il la veut pour les enfants...mais peut-être qu'elle aussi veut les enfants.Un coucou, au milieu de tous ces oiseaux. Avec Sam, le petit garçon, ça marche tout de suite. Et elle s accroche avec les filles. Jamais elle n envisage de partir. C est la mère la plus équilibrée de tous les romans de Kasischke que j ai lus. Pas de passion mal placée, attentive, efficace. Dénuée d égoïsme, adorable...Elle me complexe. Elle joue aux échecs, elle lit des histoires inlassablement ...Exquise marâtre.
Dans un monde qui s écroule elle reconstruit une famille. C est le côté lumineux et beau de l histoire. Mais le contexte est si sombre. C est ce que j ai du mal à comprendre, à accrocher à l histoire de famille. Une pandémie, les infrastructures qui se désagrègent, le monde qui revient à l état sauvage...Et une nature splendide, fleurie, nourrie à la décomposition des corps animaux. Quel est le lien avec Jiselle ? Elle y révèle sa force et renforce l amour familial, d accord. Mais le côté fable écologique ? C est peut-être notre obsession française de l unité d action qui me trouble ...
En tout cas, cinq étoiles pour la beauté du texte, son étrangeté, son charme vénéneux et envoutant, ses mystères...Notamment la fin...C est terrible, ce genre de fin ...
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Et bien moi contre toute attente , j'ai beaucoup aimé ce livre
J'ai lu quelques critiques sur le site et m'attendait au pire , et puis en commençant ma lecture je me suis dit que j'aimais bien le début que je n'ai pas vu du tout comme un Harlequin , mais bien sur le ressenti de chacun est différent .Je ne suis pas spécialement experte en Arlequin mais j'ai tout de même lu les Nous deux et Les bonnes soirées d'une de mes grands mères , avec ce petit plus de les lire en cachette , ces romans photos qui se passent en règle générale dans le milieu hospitalier , le beau médecin ou la variante le beau blessé qui rencontre la belle infirmière ...
Dans ce genre de romans les futurs amoureux car c'est bien la trame de ces romans le grand amour vont traverser les obstacles les plus divers
Ici c'est l'inverse , ça commence comme un conte de fées , la jeune hôtesse de l'air trentenaire toujours célibataire qui tombe sous le charme du commandant de bord , au charme irrésistible , veuf de surcroît et ..petit détail père de trois enfants , deux filles toutes jeunes ado et un petit garçon de 10 ans .
Laura Kasiche nous entraine dans un conte moderne , la marâtre et ses beaux enfants , mais au XXI ième siècle .
Conte qui est présent dans le roman avec ce livre d'Andersen que Jiselle lit au petit garçon Sam.
J'ai bien aimé le changement de signification du prénom Jiselle au cours du livre , Jiselle en premier lieu signifie princesse , c'est en tout cas ce que lui ont dit ses parents , puis ce sera ' otage ' et enfin la véritable révélation de la signification du prénom ' celle qui tient ses promesses '
J'ai beaucoup aimé aussi le chemin de réconciliation que vont faire Jiselle et sa mère , l'anecdote du patchwork est très belle .
Oui on ne sait pas trop ce qui se passe réellement , cette fameuse grippe de Phénix , l'auteur prend quelques ingrédients et les mélange à sa façon , et bien comme je le disais au début de ma critique , la sauce a pris , oui il y a une grosse pincée de talent .
J'avais un peu peur de lire une version féminine de la Route , livre qui ne m'a pas plu , je l'ai trouvé froid , sans émotion et je précise je n'ai pas vu le film .
Mais non ici oui il y a des sentiments , même un peu d'humour .
Et puis en le lisant j'ai mieux compris les réactions si différentes , c'est un livre tout de même déconcertant pour reprendre le terme si bien choisi d'une amie de Babelio .
Et puis de toute façon le monde parfait s'il existe ne dure jamais , l'auteur laisse sa fin ( un peu ) ouverte , tiens Jiselle n'a - t - elle pas entendu un bruit d'avion dans le ciel ?
Je pense que si un autre livre de l'auteur croise ma route , je le lirai sans hésiter
L'auteur m'a surpris , m'a emmenée sur des chemins non balisés et bien ça m'a beaucoup plu .
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Evidemment, Laura Kasichke a vu « Birds » d'Hitchcock, du reste elle le cite dans son roman. Sans doute a-t-elle lu aussi la modeste nouvelle de Daphné du Maurier qui inspira le grand maître. Mais imaginons ce qu'aurait pu donner une version filmée d' « en un monde parfait » avec Tippi Hedren dans le rôle de Jiselle et Jessica Tandy dans le rôle de sa mère…

On a la sensation d'une compression de l'angoisse et d‘un lent refoulement de celle-ci dans l'esprit à la manière d'une irrigation terrible et venimeuse. Au-delà des oiseaux qui finissent en ellipse, ce récit est un incroyable et génial mélodrame qui venge superbement ce genre-là, tellement gâché par la paresse.

Le propos est nourri, la progression est incroyablement maîtrisée. Les personnages justes et le verbe brillant et percutant. Ce roman brillantissime annonce « esprit d'hiver ». Autant ne pas lire la 4eme de couverture qui dévoile un peu de l'intrigue. le mieux est d'ouvrir à la première page et de se laisser prendre en otage.

Décidemment cette romancière qui sait parler et séduire les hommes tout en révélant leurs pires travers, me passionne et je gravis son oeuvre par étapes.

Si la couronne verte m'a déçu, ça n'était sans doute que pour mieux me complaire dans « en un monde parfait », dans cette découverte sans chronologie d'une femme décidée et pugnace qui a trouvé le chemin, si rare, du talent.
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Je me souviens que quand j'ai lu ce roman il y a des années, un collègue est passé dans mon bureau, a lu les premières lignes de la quatrième de couverture et m'a dit "Oh un roman à l'eau de rose !".
Et dans ma tête, ça a fait "C'est bien mal me connaître" et surtout "GRAVE ERREUR !!!!!", Laura Kasischke écrit tout sauf des romans à l'eau de rose. D'ailleurs, il faudrait peut-être en parler à ceux qui choisissent les couvertures des éditions poche. 🤔

Bref, je reconnais tout de même que le début peut prêter à confusion, jugez plutôt : Jiselle, hôtesse de l'air, vient d'épouser Mark, le pilote le plus convoité de l'aéroport. Et ils sont fous amoureux ! A tel point que Jiselle n'hésite pas une seconde à arrêter de travailler pour s'occuper des trois enfants que Mark a eu d'un premier mariage. Bien entendu, deux sont ados et refusent assez brutalement la nouvelle belle-mère... Jusque-là, c'est plutôt basique.
Mais soudain, une nouvelle maladie fait son apparition. La grippe de Phoenix s'étend à la planète entière (toute ressemblance avec des virus existants ou ayant existé ne saurait être que fortuite...), menace l'économie et l'équilibre du pays entier. Jiselle va devoir consolider son monde parfait en prenant en compte cette nouvelle variable.

C'était une de mes premières dystopies (j'en lis assez peu) et j'avais été soufflée par le brio avec lequel Laura Kasischke traite ce sujet (dans l'absolu, je suis toujours soufflée par le talent de Laura Kasischke).
Alors quand j'ai vu qu'il existait une version audio de ce roman, je n'ai pas hésité à la tentation de découvrir ce texte autrement, et je n'ai pas été déçue.
La narration est fluide, l'émotion est présente, je me suis coulée sans aucune difficulté dans la vie de ces américains lambda face à une situation inédite. Certaines scènes sont glaçantes, d'autres très émouvantes, et j'ai terminé ma lecture la larme à l'oeil.
Quant à la la lectrice, elle a le ton juste, mesuré, à l'image du roman.

Si vous ne l'avez pas encore lu/écouté, filez découvrir En un monde parfait. Avis totalement partial et subjectif.
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Jiselle est une superbe jeune femme qui réalise son rêve en épousant un prince charmant : Mark, pilote de ligne.
Pour lui elle abandonne tout, notamment son travail et son appartement, s'installe dans une maison en rondins de bois, au bord d'un ravin, avec les 3 enfants de Mark dont l'épouse est décédée.
Le rêve tourne très vite au cauchemar : Mark est souvent absent et ses deux filles : Camilla et Sara sont odieuses avec elle. Sa mère reproche d'avoir épousé Mark si vite et tout laissé pour lui. Il n'y a que Sam, le plus jeune des enfants de Mark qui l'accepte.
Une épidémie de grippe frappe les Etats-Unis, les coupant peu à peu du reste du monde et les transformant en parias.
Mark est coincé en Allemagne, et Jiselle doit faire face aux coupures d'électricité, problèmes d'approvisionnement, disparition de proches, relation avec ses belles-filles, proximité de bandes armées.
Au fur et à mesure où la situation se détériore, Jiselle prend de l'ampleur.
C'est une belle personne, pleine de ressources, qui va grandir et faire grandir ceux qui l'entourent. Généreuse, elle offre son amour et sa protection aux enfants de Mark, à ses voisins, à sa mère.
J'ai apprécié la débrouillardise des uns et des autres pour survivre, leur capacité d'adaptation à des conditions de vie dramatiques, leur entraide.
Ils jouent, écoutent de la musique, lisent...
Jiselle est l'hôtesse de l'air qui rassure et accompagne tout son petit monde à bord de leur avion en perdition. Elle garde jusqu'au bout ses peurs pour elle, afin de les préserver, dans ce monde qu'elle dit parfait.
Lien : http://www.unebonnenouvellep..
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Encore une excellente découverte grâce au club de lecture, avec En un monde parfait de Laura Kasischke!

Le décor post-apocalyptique est planté aux Etats-Unis. Jiselle, hôtesse de l'air, la trentaine, épouse le parti idéal: Mark Dorn, le magnifique pilote, veuf, père exemplaire de trois enfants. Sa vie va cependant prendre une tournure dramatique: la détérioration des conditions de vie s'accélère, elle doit s'adapter à cette nouvelle vie, et les absences de Mark n'arrangent en rien la situation.

Je me suis posé des questions au début de ma lecture, notamment concernant la nécessité de placer cette histoire dans ce contexte de guerre biologique et de chaos où les Etats-Unis et ses citoyens, touchés par une terrible épidémie, sont condamnés pour le modèle de croissance qui a été le leur pendant de si nombreuses années et son impact environnemental, et isolés du reste du monde. Cependant au fil de l'histoire cela prend tout son sens, et cette évolution est si bien décrite que l'on oublie ce détail.
Le reste de la lecture est extrêmement agréable et tout est parfaitement écrit. Il s'agit d'un roman très poignant, qui montre comment se construit une famille malgré l'adversité, comment la nécessité de survivre fait se révéler les caractères...

En résumé, il s'agit d'un ouvrage et d'une auteure que j'ai découvert avec grand bonheur, et que je recommande chaudement à tous ceux qui seraient attirés par un brillant mélange de Desperate Housewives et Je suis une légende... pour ma part j'ai adoré!

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Laura Kasischke est décidément la reine du roman d'ambiance. Ce monde parfait est génial. du chaos comme j'en raffole.

Et surprise, il y a 2 romans en un. La première partie, c'est le début de la fin: la grippe de Phoenix fait des ravages , Britney Spears en est morte. Notre héroïne Jiselle est une américaine normale, une jolie hôtesse de l'air bercée aux réseaux, qui voudrait vivre un conte de fée. Gentille, naïve, pour ne pas dire niaise. Elle est assez énervante.

Et puis il y a la deuxième partie, plus féministe , plus roman d'initiation, plus chaotique, où de princesse fragile Jiselle devient reine toute puissante en son royaume. Responsabilités, prises de décisions, soutien aux autres , ralliement des troupes…

2 mondes parfait donc, celui des apparences, celui des contes de fées, des individus, celui qui se gratte pour voir ce qu'il y a en dessous . Et celui du chaos, brut, de l'équipe soudée qui fait face à la difficulté.

C'est tour à tour oppressant et léger. C'est normal et bizarre. C'est agaçant et inspirant.

J'en veux encore!
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De quoi ça parle ?

Jiselle s'apprête à entrer dans un conte de fées moderne : elle vient de se marier avec Mark Dorn, un beau pilote riche, discret, au passé tragique, sur lequel toutes ses collègues hôtesses de l'air craquent sans vergogne. Et Mark l'a choisie elle.

De plus, en véritable prince charmant, le bel époux de Jiselle insiste pour que sa princesse reste en sécurité dans son donjon de pierre – enfin sa cabane familiale au fond des bois, en compagnie de ses trois enfants issus d'un premier lit. Pourquoi le chevalier servant est-il si inquiet pour sa belle ? Tout simplement parce que le travail d'hôtesse de l'air est ingrat et fatigant et que Jiselle doit garder ses délicats petons en bonnes conditions afin de pouvoir les glisser dans ses pantoufles de vair… Ah oui : il y a aussi cette satanée épidémie, la grippe de Phoenix (nommée après la ville des Etats-Unis où elle a été identifiée pour la première fois) qui rend les passagers dans les avions nerveux et encombrants avec leurs nombreuses inquiétudes. Mieux vaut donc patienter à l'écart de tout cela, le temps que l'effervescence se calme un peu. Mais ce sont les seules raisons qui poussent le pilote à confiner sa belle à la maison : paroles de chevalier servant ! Ce n'est pas du tout pour que Jiselle fasse office de nounou pour les enfants et de bonniche pour la maison. Un prince ne se comporterait jamais de la sorte !

Pourtant, lorsque Mark reste bloqué pour une durée indéterminée dans un hôtel aux frais de la compagnie aérienne, en quarantaine à cause de la grippe de Phoenix, Jiselle se retrouve désemparée. Comment va-t-elle assumer son rôle de marâtre alors que ce sont ses belles-filles, qui la détestent, qui ont endossé le caractère de la belle-mère maléfique.

Rien ne va en s'arrangeant lorsque le sortilège de malédiction de la Belle au bois dormant s'abat sur le monde entier. Il se trouve que la grippe de Phoenix (peut-être parce qu'elle n'a pas été conviée au mariage de Jiselle avec son prince) prend de l'ampleur à mesure que sa hargne grandit. le monde s'endort donc petit à petit : les écoles ferment, ainsi que tous les commerces les uns après les autres, les animaux envahissent les villes, les coupures d'électricité se multiplient jusqu'à se prolonger indéfiniment.

Que faire si le prince lui-même refuse – enfin affirme qu'il en est empêché – d'aller réveiller la princesse ? de quoi avons-nous besoin pour lever la malédiction… ou peut-être la bénédiction ? Il est temps de s'interroger sur notre conception du monde parfait et sur ce qui viendra le briser ou le consolider…

Mon avis :

J'ai tout simplement adoré ce roman. Je n'ai pas besoin d'aller chercher plus loin : si j'étais flemmarde je pourrais même arrêter ma critique ici. Mais j'ai un poil de conscience professionnelle : vous serez donc gratifié d'une longue et complexe analyse divisée en parties et sous-parties. Vous êtes contents n'est-ce pas ? Ne me remerciez pas.

Bon, trêve de plaisanteries : commençons. Tout d'abord, les personnages, particulièrement celui de Jiselle, sont dépeints et inscrits dans l'histoire de façon précise et spectaculaire. Ce que je veux dire par-là, c'est qu'il n'y a pas de longues listes d'adjectifs et de noms qui viennent décrire chacun des protagonistes, telles que : il aimait les moulinettes électriques, les chats, le chocolat et n'aimait pas avoir sa mère sur le dos, etc. L'état d'esprit de chacun est saisi au vol par le lecteur, au travers de saynètes qui peuvent paraître anodines, voire inutiles, mais sont en réalité, dans leur ensemble, des piliers majeurs du roman qui aident à comprendre les actes et décisions de chacun. À bien y réfléchir, l'auteure n'explicite que très rarement les traits de caractère de ses personnages. Tout est affaire de sous-entendus, de subtilité.

Prenons un exemple : la plupart des protagonistes peuvent être associés à un archétype de conte de fées (les belles-filles d'abord odieuses qui se révèlent ensuite être de bonne constitution ; la princesse dépaysée, enfermée dans un lieu isolé ; le bellâtre séducteur qui cache de sombres motivations). Ainsi, à première vue, il n'y a rien de très original dans tout cela. Mais regardons les choses sous un autre jour : l'auteure ne prend-elle pas ici à contre-pied le conte de fées traditionnel pour nous permettre de nous interroger sur la véritable signification du monde parfait ? Quelle vie est la bonne, quelle est celle qui apportera de la joie et celle qui nous plongera dans une histoire sombre et macabre ?

Et ceci me mène donc au deuxième thème de cette critique : le contenu et les actions du récit. Là encore, Laura Kasischke fait usage de délicatesse, de subtilité. À quiconque se contenterait de survoler ce roman, il pourrait apparaître relativement ennuyeux : il ne s'y passe pas grand-chose au bout du compte – quelques descriptions de morts à cause d'une épidémie, les réflexions un peu niaises d'une jeune femme qui se languit de son époux retenu à l'étranger et tout un tas de scènes de vie déconnectées les unes des autres. Mais le but n'est pas tant dans l'action que dans l'évolution d'une population qui a trop changé pour pouvoir s'accommoder d'un mode de vie si drastiquement différent.

L'écriture est simple et juste : avec des mots dépourvus de fioritures, Laura Kasischke parvient à créer des leitmotives sur la nature qui, sans y être jamais associés, révèlent certains messages du récit. Je me rappelle avoir déjà évoqué cet aspect narratif dans mon billet sur le roman Les revenants de la même auteure (voir critique ici) mais, dans ce cas-ci, il incarne l'essence principale de En un monde parfait : l'écriture pourrait être qualifiée de passive, il n'y a que très peu d'actions directes. L'histoire apparaît donc comme un rêve éveillé : un mirage, une hallucination, une idylle faussée. Tout ceci gagne de l'ampleur jusqu'au dénouement… grandiose. Je confesse qu'en lisant les dernières lignes, j'ai tout d'abord été déroutée. Cependant on se rend vite compte que tout repose sur deux questions : le tout nouveau monde parfait est-il sur le point de se fissurer ou n'a-t-il jamais vraiment existé ?

https://lirelandoulerevedunemontmartroise.wordpress.com/2021/09/26/en-un-monde-parfait-de-laura-kasischke/
Lien : https://lirelandoulerevedune..
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