L'appellation roman noir est amplement méritée pour ce titre de
Douglas Kennedy. Même le soleil et la chaleur californiens ne suffisent pas à remonter le moral de ce chauffeur Uber, esclave d'un système informatique et d'un système tout court, qui lui permet tout juste de survivre au lieu de vivre, enfermé dans une relation maritale mortifère qui se révèle tout juste être une cohabitation empreinte de culpabilité.
À différents moments, j'ai craint pour la vie de ce héros modeste, toujours enclin à subir plutôt qu'à riposter pour sauver son gagne pain (sa Prius de 8 ans d'âge). Si ce n'est pour supporter l'activisme déplacé de sa femme qui, elle, n'est d'aucun secours pour leur foyer.
L'auteur nous dépeint l'envers du rêve américain, avec des riches toujours plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres que l'on culpabilise à longueur de temps. Ici, avec la remise en cause du droit à l'avortement et les attaques terroristes que subissent les cliniques et leurs personnels et l'embrigadement fanatique de personnes fragiles dans les mouvements pro-vie.
Dans ce contexte noir et sans espoir apparaît Élise, un personnage particulièrement solaire et humain qui ne détourne pas le regard et s'implique dans le droit des femmes.
Au final, c'est la résistance de Brendan, le chauffeur, qui l'emporte et même se déploie puisqu'il cesse d'être un spectateur obéissant pour enfin prendre les rênes de sa vie.
J'ai cru à sa mort pour sauver Elise mais l'intelligence du scénario a en fait sauvé Brendan qui refait finalement sa vie à 56 ans. Je ne sais s'il faut y voir une forme d'espoir dans ce roman plus sombre que la nuit mais en tout cas, c'est un hommage à la résistance, à la résilience et aux conséquences des choix que l'on fait.
L'intrigue policière sert habilement le propos sociétal, avec brutalité et une bonne dose d'horreur. Ce qui fait que chaque lecteur peut y trouver son compte. Alors, bonne lecture à tous !