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Critique de LaBiblidOnee


« Cet homme est Benjamin Richards, vingt-huit ans. Regardez-le bien ! Dans une demi-heure, il va être lâché dans la ville ! Si vous le voyez – mais il faut le prouver – vous avez gagné 100 dollars ! Si vous donnez un renseignement permettant de l'abattre, il y aura 1.000 dollars pour vous ! »


Dans les années 2025, la dictature, la pollution et la pauvreté se sont installées aux Etats Unis. Pour détourner l'attention de la population et focaliser sa haine sur autre chose que le pouvoir en place, le gouvernement suit les préceptes de la Rome Antique : Il donne à son peuple des jeux, par le biais d'une sorte de télé-réalité meurtrière. Ainsi chaque jour, la population regarde le libertel, cette télé qui ne passe que des jeux dont le peuple est le héros : Ils mettent tous en scène la plèbe car, n'ayant pas d'argent, les couches pauvres de la population se font embaucher par la télé comme figurants et acteurs rémunérés de ces jeux.


« Ils nous ont donné le libertel pour que le peuple crève tranquillement sans faire d'histoire (…). le Libertel nous tue. Pendant qu'on regarde leurs tours de passe-passe, on est aveugle au reste ».


L'un de ces jeux de télé-réalité est « la grande traque », une chasse à l'homme géante consistant à engager un homme, le lâcher dans la nature puis le faire traquer non seulement par des « chasseurs » professionnels (policiers, militaires) mais aussi par le peuple lui-même pour qui la mission est de le dénoncer, de le chercher, d'aider les chasseurs à le tuer. Car la traque ne s'achève que par ce crime ultime et, pour y mener la population, les réalisateurs ne reculent devant aucun mensonge ni trucage sur la personnalité soi-disant dangereuse du pourchassé.


« Il y avait longtemps que la brigade des moeurs avait été supprimée ; le gouvernement n'ignorait pas que le vice et les perversions sexuelles constituaient le meilleur rempart contre les tendances révolutionnaires ».


Le but est d'exciter la haine et toutes les frustrations de la population sur ce personnage en le faisant passer pour l'homme à abattre. Nous faisons alors connaissance avec Richards qui, s'il méprise le système pour avoir connu (suppose-t-on) la démocratie, a désespérément besoin d'argent pour soigner sa fille encore bébé. Il a été viré de son travail pour avoir contesté l'autorité, et il veut épargner à sa femme de devoir se prostituer pour subvenir à leur besoin. Il se fait donc engager comme l'homme à abattre.


« Vous n'avez pas une chance de vous en tirer : Personne ne survit à une chasse à l'homme qui mobilise la nation entière, sans oublier l'entraînement et le matériel incroyablement sophistiqué des Chasseurs ».


Trouvera-t-il des astuces ou des alliés pour l'aider ? Parviendra-t-il à faire comprendre à la population, lors de ses apparitions télévisées, qu'elle se fait manipuler par les images et mots de la production, elle-même dirigée par « le Réseau », ce gouvernement actuel ? le lecteur passe un bon moment d'aventure et de suspense avec Richards en essayant de le savoir.


«Vous – ou les membres survivants de votre famille – toucherez 100 nouveaux dollars par heure tant que vous resterez libre. (…) Vous – ou vos héritiers – toucherez un supplément de 100 nouveaux dollars pour tout chasseur ou représentant de la loi que vous réussirez à éliminer ».


Stephen King ayant écrit ce roman dans les années 1980, il est même amusant de voir comment il imaginait cette société futuriste, même s'il ne nous la décrit pas longuement mais plante simplement le décor de son propos.


« Cette émission est l'un des meilleurs moyens dont le Réseau dispose pour se débarrasser de personnes potentiellement dangereuses. Telles que vous-mêmes, monsieur Richards. Elle existe depuis six ans. A ce jour, il n'y a pas eu de survivant. Pour parler franchement, nous sommes certains qu'il n'y en aura jamais. »


La manipulation est le maître mot de cette Dictature qui maîtrise la communication télévisée. Ce roman m'a confirmé (après « Marche ou crève ») que Stephen King excelle également dans la dystopie. le roman prend de la vitesse au fur et à mesure qu'il devient évident que Richards est le pot de terre face à ce qui se révèle être des armées entières, avec des espions, des tanks, etc… Alors va-t-il s'en sortir ? Atteindre son but ? Et si oui, comment… ? Vous passerez certainement un bon moment en le découvrant par vous-même ; car au-delà de la réflexion sur les jeux télévisés, Stephen King laisse la part belle à son esprit romanesque !


Lectures similaires : 1984 (Georges Orwell), Acide sulfurique (Amélie Notomb), Fahrenheit 451 (Ray Bradbury), Ecarlate (Hillary Jordan), Marche ou Crève (Stephen King), La servante écarlate (Margaret Atwood), etc…


Je terminerai avec cette adaptation de Juvénal - Poète Romain à l'origine de la formule « du pain et des jeux » autour de l'an 100 - par David Myriam :

Du pain et des jeux
et le peuple sera content,
il suivra aveuglément
les lois des saigneurs dieux.

Le peuple est-il content ?
Assurément,
il ne montre pas ses dents,
il aurait honte,
elles sont pourries.

(…)

Mais le pain n'est plus ce qu'il était,
il est souillé à chaque fournée.
Recouvert de mensonges et de poisons,
il s'insinue dans tous les trous
et n'assure plus ses fonctions.

L'affluence le rend fou,
il avale tout
sans regarder,
sans rien demander.

(…)
Qui peut crier
la bouche pleine,
les yeux saturés
et les oreilles éclatées ?

L'absence de pains véritables
ne laisse plus la place
aux échanges de vues,
aux étranges cohues.
Mais les jeux sont faits
pour nous en remettre plein...

Les jeux, quels sont-ils ?
Des substituts subtils
à la pensée.
Ils sont présents partout
pour ne pas nous laisser le temps
de nous oublier.
Ils nous entraînent à gagner,
nous incitent à posséder,
nous amènent à jouer...
toute notre vie.

Les images et les sons
bouchent tout,
remplacent le cerveau
par une bouillie de mots.
Le peuple sait quoi faire
dans ce brouillard opaque,
les néons des jeux
savent le distraire :
images vernies,
rythmes entraînants,
parfums troublants,
plages de folies,
clapiers alléchants,
tous excitants.
Ses sens sont comblés
et le goût amer du pain
par les jeux est masqué.

Son cycle entier est un jeux,
un jeux mortel,
où, gavé de pains et de bruits,
il s'autodétruit avec ennui.

Du pain et des jeux
et le peuple est content.
Le pain est mort
et les jeux sont truqués
mais personne n'est inquiété.
Figé face aux télés
le peuple attend
le prochain ravitaillement.

S'il n'est pas détruit,
alors peut-être, trop gavées,
les marionnettes sans fils
du jeu de la vie
en auront assez
de ne plus respirer
et s'offriront un pain nouveau.
Elles jetteront les vieux trognons séchés
dans les cages,
où ils peuvent encore jouer
avec leurs images de mirages...
sans dommages.

Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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