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4,34

sur 1273 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La littérature estonienne n'est pas assez présente sur nos rayonnages pour que l'on se prive de la lecture de cette petite pépite. Une fable, un conte de l'ancien temps, qui narre l'histoire et les aventures de Pätel, le dernier homme à parler la langue des serpents.
Pourquoi ce don devrait-il disparaître ? Car l'ancien monde féerique, magique, en équilibre avec la nature et ses habitants, subit les coups de massue de la « modernité », représentée ici par la religion catholique et son corollaire, la société de consommation.
Pätel et les siens, derniers village d'irréductibles Estoniens, vont tenter le baroud d'honneur pour survivre selon leurs croyances, tandis que comme une lèpre, les idées et religions modernes avancent inexorablement.
Andrus Kivirähk raconte avec poésie, humour et tendresse cette lutte finale, perdue d'avance, entre l'ancien et le moderne.
Les images sont chatoyantes et les personnages (humains ou animaux) sont attendrissants ou détestables et l'on se prend à rêver de cette forêt qui n'existe pas (plus).
L'auteur nous fait entrevoir à travers ce titre toute la richesse de la littérature estonienne, ses bases féeriques qui, au même titre que la littérature polonaise ou irlandaise, à des comptes à régler avec l'église catholique…
La nouveauté est souvent synonyme de progrès, mais pas toujours…
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L'histoire se passe dans l'Estonie médiévale (l'auteur est estonien) donc je précise un peu (il y a une note avant le roman) : l'Estonie est restée très longtemps "isolée" et n'a été envahie par les allemands qu'au XIIIème siècle, devenant chrétienne. Avant cette période, les historiens considèrent qu'il s'agissait encore de la préhistoire. Les contes et légendes estoniens parlent d'un peuple essentiellement forestier.

C'est dans cette forêt que l'histoire se passe, là où naît un garçon, Leemet. La Croisade est déjà bien avancée et de nombreuses familles ont déjà rejoint le nouveau village, apprenant à travailler aux champs et à garder les troupeaux, heureux de devenir modernes et pressés de rattraper leur retard sur les autres peuples d'Europe. Lui grandit entre cette modernité toute proche, à l'orée de la forêt et les extrémistes de l'Ancien Monde qui ne jurent que par les traditions.

Mais c'est aussi un roman fantastique, les hommes de forêts sachant parler la langue des serpents, qui sont des êtres très intelligents, et commander les animaux ; un monde où vit des animaux grandioses (poisson gigantesque à barbe ou Salamande, sorte de dragon protecteur) ; où les femmes tombent amoureuses des ours... Mais aller dans la modernité, c'est nier toute cette existence, cette puissance, pour n'adorer que Dieu et Jésus-Christ et refuser tout le reste.

C'est une fable moderne qui critique l'Estonie actuelle (mais que l'on peut transposer à toutes les minorités qui se meurent) ; également une tragédie dans le vrai sens du terme car comme c'est narré de manière rétrospective (la fin se trouve au début), on sait tout de suite que malgré les efforts vains du personnage principal, "il n'y a plus personne dans la forêt" (première phrase du livre).

Dès le départ j'ai vraiment accroché. Ca se lit vite et bien et comme on suit toute l'enfance et l'adolescence de Leemet, avec ce côté "monde magique", ça fait lecture pour ado. Après, le dernier tiers est beaucoup plus dur à lire, ce n'est pas un ouvrage pour enfants.

Au début je l'ai trouvé formidable, mais un peu longuet au milieu (le denier tiers / quart se lit à nouveau très vite). J'ai noté précieusement le nom de l'auteur
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Ce livre nous plonge dans une ambiance particulière, à mi-chemin entre un monde médiéval et un univers fantastique. Nous découvrons deux modes de vie : celui de la forêt où Leemet a toujours baigné, et celui du village d'en bas, qui attire de plus en plus les habitants de la forêt.
Dès le début du livre, le lecteur sait ce qui va se passer. le narrateur nous raconte le déclin de son monde. Les traditions ancestrales se perdent : les hommes préfèrent manger du pain plutôt que de la viande ; les louves ne sont plus domestiquées pour qu'on boive leur lait ; les hommes ont oublié la langue des serpents, celle qui permettait de contrôler la plupart des animaux ; la légendaire Salamandre a disparu.
Leemet, au début, est fasciné par la nouveauté qu'inspire le village : tout semble si attirant, que ce soit la nourriture, les outils, les vêtements etc. Mais, son choix restera celui de la forêt, notamment parce qu'il est influencé par sa famille et qu'il est attaché à son amie Ints. Il constate le délitement de son monde : certains vouent une haine féroce à ceux qui sont partis ; d'autres se raccrochent désespérément à leur mode de vie ou aux anciens dieux au point de frôler la folie. Ceux qui sont partis aussi ont tout rejeté pour adopter une nouvelle culture : le lien qui les unissait au monde animal et à la nature a totalement disparu ; les légendes sont perdues à jamais, reléguées au mieux au rang de contes pour effrayer les gens.
Ce livre est empreint de nostalgie mais aussi de réalisme. A aucun moment, il ne fait l'apologie de l'ancien mode de vie au détriment de l'autre. L'ancien monde comme le nouveau est emplit de violence et d'intolérance : son grand-père et lui-même ont massacré des gens innocents ; les villageois ont détruit la tanière des serpents.
Leemet constate que le christianisme a remplacé les anciens dieux mais que le schéma reste le même.
C'est une histoire originale, loin des intrigues conventionnelles. On peut le lire sur plusieurs angles : un conte fantastique, une ode à la nature. Je le comprends surtout ainsi : trouver l'équilibre et l'harmonie entre les anciennes coutumes et les changements que la vie apporte. Accepter les nouveautés sans oublier d'où l'on vient.
Le style d'écriture est fluide, agréable et enchanteur. Comment ne pas regarder d'un autre oeil les serpents après ce livre ?
En tout cas, je vous recommande vivement cette histoire !
Lien : https://leslecturesdehanta.c..
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On pourrait croire que Roy Lewis ne s'est pas contenté de manger son père mais qu'il a également forniqué avec Milan Kundera pour que vienne au monde ce roman hilarant et désespéré.
Dans le livre de Lewis, "Back to the trees" était le slogan de pithécanthropes réacs; et, quelques millénaires plus tard, plus personne ne veut vivre dans la forêt. Il faut dire qu'au village ils ont des rouets et des fourches, autant dire des artefacts de la dernière modernité, et, franchement, se contenter de peaux de bêtes est par trop rustique, alors qu'on peut faire pas mieux en se donnant beaucoup plus de peine.
Kivirähk préfère clairement les chasseurs-cueilleurs aux sédentaires mais ne se prend pas pour autant pour Jéhovah. S'il semble raconter le monde d'avant la chute et placer son héros dans une forêt édénique où une même langue est partagée par tous, humains comme animaux, sa vision du péché n'est franchement pas catholique. Dans l'ancien comme dans dans le nouveau monde, chez les amateurs de pain ou les mangeurs de viande, la souffrance et le mal sont venus d'avoir cru à un autre monde, de ne pas s'être contenté de celui-ci. Haïr les serpents au nom de Jésus-Christ ou haïr les villageois pour obéir aux esprits de la forêt, c'est dans tous les cas faire entrer l'intolérance, le malheur et la haine.
Et pourtant, le monde est tellement beau pour qui sait le regarder! On y trouve des ours sentimentaux (et libidineux), des poux géants (et empotés), des potes serpents (qui se révèlent être des filles), des pierres sucrées (et roboratives), des ancêtres cul-de-jatte (et implacables), des filles séduisantes (et mortelles) et même une salamandre impossible à réveiller...
Non, Kiviräkh ne pleure pas sur un passé mythifié: trop de monde a voulu quitter la forêt pour qu'elle soit un paradis. C'est d'être le dernier que se désole son héros Leemet. À qui parler quand on est désormais le seul à se souvenir? Comment échapper à la folie meurtrière dans une société acculturée, coupée de son passé?
Dès le début, on sait bien que cela va mal finir. Pas de deus ex machina. Pas d'illusions à avoir. Mais quand les mondes s'écroulent, il reste les livres; et celui-là est une merveille.
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C'est l'histoire d'un enfant, puis d'un homme, qui se retrouve inlassablement être le dernier. le dernier à parler la langue des serpents, le dernier à vivre dans la forêt, le dernier témoin de légendes bien réelles. C'est l'histoire d'un enfant, puis d'un homme, qui est également continuellement seul.

On s'attache beaucoup à Leemet et on partage avec lui les drames qu'il doit affronter. Même si malgré tout le vie poursuit son court et qu'il fait toujours preuve d'une grande résilience.


Pour moi, ce roman aborde la solitude, la transmission de traditions, et un farouche esprit d'opposition face aux dictats religieux/sectaires.


À lire !
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Je ne sais trop quoi penser de ma lecture. D'un côté, la morale et les réflexions proposées par cet ouvrage sont brûlantes d'actualité et de pertinence, poussent à remettre beaucoup de croyances en question, l'oeil critique et la plume acérée de l'auteur sont exquis. En revanche, d'un autre côté, Leemet enchaîne les tragédies à tel point que ça en devient déprimant, voire lassant. Rien ne va jamais, et je dois reconnaître qu'après la moitié de l'ouvrage les enchaînements désastreux ont commencés à sincèrement réduire mon plaisir de lecture. Certes, je comprends pourquoi l'auteur a fait de la solitude la « malédiction » du personnage principal, mais c'était tout simplement trop tragique pour moi, il ne m'en aurait pas fallu autant et cela n'aurait pas, à mon goût, fait perdre de vue les réflexions sociétales et politiques du récit. Par ailleurs, le livre est présenté comme bourré d'humour, mais les situations ne m'ont que rarement fait sourire tant elles étaient déprimantes. Par ailleurs, il y avait quelques répétitions dont je n'ai pas forcément saisi la pertinence et qui, ajoutées à tout le reste, ont rendu la fin de ma lecture difficile. Bref, je conseillerais cette lecture car les pensées et critiques présentes dans le livre sont excellentes et méritent d'être formulées, mais attention pour les lecteurices qui, comme moi, n'apprécient pas quand tout, je dis bien TOUT, va mal.
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Le livre nous emmène en Estonie au 13ème siècle. Leemet vit dans la forêt et est le dernier homme à connaître la langue des serpents, qui permet de se faire comprendre et obéir des animaux. Autour de lui, la forêt se vide de ses habitants, qui partent les uns après les autres rejoindre les villages, délaissant les croyances traditionnelles pour le culte du catholicisme, la vie en harmonie avec la faune et la flore pour une vie à cultiver la terre au nom de la modernité. Leemet va se retrouver pris entre les deux mondes, dépourvu d'avenir dans la forêt mais incapable de trouver un sens à une vie au village.

« L'homme qui savait la langue des serpents » est pourvu d'une tonalité totalement différente du précédent livre que j'avais pu lire de cet auteur. On suit les aventures de Leemet avec un petit pincement au coeur mélancolique devant ce dernier dépositaire de la langue des serpents, dernier mohican d'un monde qui s'éteint, absorbé par la modernité du village. Mais le roman n'est pas pour autant un hymne à un passé romantisé harmonieux avec la nature. En effet, si le monde moderne se caractérise par la stupidité de ses tenants et leur vision étriquée de la vie dans la forêt, l'univers traditionnel apparaît lui bien sombre avec ses gardiens d'une tradition identitaire prêts à tout pour garder un pouvoir même illusoire. D'ailleurs les mondes restent gouvernés par les mêmes pouvoirs religieux, les anciennes divinités d'un côté et Dieu de l'autre, toutes deux autant vilipendées par l'auteur. Et Leemet tente de trouver sa voie solitaire au milieu de deux mondes, en retard et en décalage avec son temps et les autres.

Un livre passionnant, plein de finesse et d'humour qui nous fait réfléchir sur la notion de modernité et de tradition qui évoluent et sont réévalués au cours du temps.
Lien : https://mangeurdelivres.word..
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Ce conte fantastique raconte la destinée tragique du dernier des Estoniens qui vivait dans la forêt et savait la langue des serpents, un dénommé Leemet, à l'époque où les hommes quittèrent la forêt pour gagner le village, échangeant leur vie libre et le gibier pour le labour, les moissons et le pain (et Jésus). Malgré ses tentatives pour perpétuer sa lignée et son mode de vie, Leemet assiste impuissant à la fin de son monde, un monde farfelu où des anthropopithèques élèvent des poux, où les humains sont amis des serpents, où des femmes se mettent en ménage avec des ours libidineux, un monde où les hommes dominaient la nature grâce à leur savoir de la langue des serpents, un savoir qu'ils délaissent pourtant, pour adopter le mode de vie des hommes de fer. Celui-ci leur semble tellement meilleur que le leur, venu d'ailleurs, si agréablement nouveau et à la mode ! Critique féroce de la modernité, ce roman est très sarcastique et se voulait sans doute drôle, mais pour ma part, j'ai été complètement happée par son côté noir et la tragédie de ce destin voué à une solitude cruelle et à une finitude absolue. J'ai accessoirement été un peu dérangée par la quantité d'hémoglobine qui y coule à flots, car tant les bons que les méchants se font tour à tour amputer, étriper, brûler vifs et ainsi de suite ! J'imagine un artiste déjanté s'emparant de cette histoire pour en faire un dessin animé psychédélique ! Mention spéciale pour la magnifique couverture.
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J'avoue que je ne vais pas être aussi original que l'a été l'auteur mais tout le monde ne peut pas naître estonien !
Toujours est-il que je me suis laissé entraîner très facilement dans ses élucubrations qui en réalité ont des racines locales... mais tout le monde ne peut pas connaître l'Estonie et son folklore!
Enfin, j'ai apprécié son ironie et cette forme satirique qui peut très facilement être transposée ailleurs que dans les forêts du grand Nord. Son regard sur la société a quelque chose d'universel qui fait que ce roman nous fait voyager sans qu'on ait l'impression d'avoir quitter notre chez nous.
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Leemet nous raconte sa vie, à la première personne, et l'on vit avec lui l'effondrement inévitable de son monde. Cette histoire est à la fois drôle et profondément mélancolique. Difficile de ne pas ressentir une certaine tristesse une fois la lecture achevée.

Quelques longueurs, d'accord, mais c'est un roman atypique qui mérite d'être lu. C'est un conte merveilleux qui fait s'affronter les temps moderne (à savoir le Moyen Age) et les temps anciens, et qui a l'intelligence - malgré son parti pris - de ne pas verser dans le manichéisme. Un conte, donc, mais avec une brutalité et une violence crue pouvant monter dans les extrêmes.

C'est surtout un roman qui critique l'espèce humaine, sa bêtise, sa bigoterie, et qui le fait sacrément bien.
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