Je ne regrette pas cette lecture. C'est sans aucun doute l'un des plus étranges romans que j'ai lu. Seulement, une grande partie de son contenu m'a été tout simplement incompréhensible. Dans le prologue, d'une durée appréciable et plutôt digeste en ce qui me concerne, on nous situe dans le moyen âge lors de la chute des templiers. On assiste aux machinations destinées à perdre une commanderie de l'ordre en attaquant la réputation de membres. Déjà, il y a un certain degré de difficulté, avec le niveau de langage, le style un peu juridique de la narration, les tournures de phrases d'époque et la perception des événements sans cesse modifiée en avançant. L'intérêt est allumé par le complot tortueux, la secte hérétique, l'impression de mystère, les aspects décadents et les éléments fantastiques. Ensuite, on bascule dans une métaphysique d'une variété fort abstraite, et la chute est sans fin. On se retrouve dans un au-delà ou les esprits ─ les souffles ─ des personnages du prologue côtoient quelques personnalités des siècles suivants, dont le soin de déterminer l'identité est laissé au lecteur. La majeure partie du texte à ce stade m'a semblé décrire le fonctionnement de cet au-delà, des cheminements de pensées, des sensations ; toutes ces choses relevant de la plus épineuse abstraction. Quasi-incompréhensible donc, et ce sans que naisse en moi la volonté de relire des passages avec effort de concentration pour tenter de percer plus avant leur signification. Pour un exemple de phrase caractéristique m'ayant fait chavirer l'esprit, voir la citation que j'ai postée. Il y a un retour sur les mystères du prologue mais le tout demeure dans la plus parfaite insolubilité.
Donc, nous sommes en présence d'un roman totalement surréaliste, voire psychédélique. J'ai une certaine admiration pour l'auteur de cette création des plus atypiques non-dénuée de scènes mémorables, mais j'ai eu la nette impression de ne pas être assez docte et tordu pour l'apprécier pleinement.
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J'aimerais faire le malin, mais je dois reconnaître que ce livre n'est pas de mon niveau. Dans tous les sens du terme, car ça vole haut mais ça plane aussi pas mal.
Par moment, je comprenais ce qui m'est raconté, à d'autres je perdais pied. Et pour cause, privé d'espace où se tenir, de temps pour s'orienter, observant des souffles (présences de "vouloir sans but") jouer à l'éternel retour des préoccupations politiques et charnelles qui n'ont plus lieu d'être, littéralement, je me suis senti tomber dans cet étrange roman, ni vers le haut, ni vers le bas, subodorant parfois des références culturelles et religieuses qui m'échappaient, tenant souvent à la seule langue, somptueuse, qui réinvente avec jubilation un pseudo style médiéval.
Finalement, ayant lâché prise, largué entre "la notion gnostique des réincarnations expiatoires et l'Eternel Retour nietzschéen" (les notes et éclaircissements en fin de volume ne m'ont pas été d'une grande aide !), j'ai quand même bien rigolé - avec raison gardée - du grand n'importe-quoi terminal, tamanoir en prime.
Au moins, ce n'est pas une lecture que j'oublierai ! Je retenterai le coup dans une dizaine d'année (au moins).
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Recherchant son intention dans l'oubli d'elle-même, sa conscience ne discernait plus dans son propos le vain prétexte du vrai motif : tout de même que sa perception s'était confondue avec sa vacuité emplie de l'objet perçu, le prétexte s'était confondu avec le motif ; car venu dans la chapelle maudite pour cacher au Roi tout vestige de crime, ce n'était pas ce souci qui l'avait fait songer à inspecter ce sanctuaire.
Valentine de Saint-Vit, dame de Palençay, dont les terres avoisinaient celles de la Commanderie du Temple, jetait depuis longtemps un œil de convoitise sur ce domaine prospère.Son grand-oncle paternel Jean, accomplissant un vœu au retour de la dernière croisade, avait fait don des deux tiers de ses terres à l’Ordre du Temple, ce d’autant plus aisément qu’il n’avait point de descendant direct. Comme les clauses de sa donation chargeaient les Frères chevaliers d’assurer la défense du manoir de Saint-Vit, légué à ses nièces, et pour lors dit de Palençay, depuis plus d’un siècle que les Templiers occupaient le fief dominant, cultivé, agrandi, fortifié de leurs mains, toutes les terres attenantes au manoir voisin étaient passées sous la juridiction du Commandeur. Or, le sire de Palençay — pas plus que son beau-père — ne s’étant point soucié de contester ce droit au nom du sien pour n’avoir jamais résidé dans ce domaine dotal —, quand, après la mort de son époux, elle-même y revint, Madame de Palençay s’impatienta comme d’une servitude de cette protection, à ses yeux abusive, que le Temple étendait sur ses terres.
- Frère Philippe, debout ! Montre-nous où s’est caché ta tête ! Allons cherche !
Le Roi décapité s’éloigne de la table, se retourne et les bras tendus, reprend sa marche hésitante vers le milieu de la salle. Mais comme il s’apprête à tourner le dos au personnage voilé, les Juifs s’avisent de le soutenir et le veulent guider : artisans et marchands là-contre hurlent de plus belle, que toutefois fascine la majesté acéphale qu’ils n’osent approcher.
« - En vérité, je te le dis : quiconque nourrit son oubli de mon lait virginal reçoit l’innocence ; qui s’en est nourri a soif aussitôt de la semence de mon phalle ; mais qui a bu de ma semence, ne songe même plus à m’invoquer ; car il ne craint plus de passer dans les milliers de modifications qui jamais n’épuiseront l’Être.
- O Baphomet ! J’ai faim, j’ai soif de ton lait, de ta semence, ne me laisse pas languir tel le cerf altéré ! »
Nulle satisfaction morale ici, qui ne saurait seulement être requise. Une violence d’un autre ordre naît dans notre condition : elle s’exerce par une totale indifférence. Elle est cette indifférence même : et ne laissant point de trace c’est la pire des violences ! Contre elle il me faut lutter, mes frères, jusqu’à la résurrection des corps.
INTRODUCTION :
« Je ne quitterai plus ce journal. C'est ici qu'il faut que je m'agrippe, car ce n'est qu'ici que je le puis. » (Franz Kafka, in Journal intime, au 16 décembre 1910.)
« Franz Kafka (1883-1924) ne nous a laissé que des fragments ; ses romans le sont au même titre que ses aphorismes et ses journaux intimes. […] “Celui qui de son vivant ne vient pas à bout de la vie - écrit-il en octobre 1921 dans son journal - il a besoin de l'une de ses mains pour écarter un peu le désespoir que lui cause son destin - il n'y arrive que très imparfaitement - et de l'autre main il peut enregistrer ce qu'il aperçoit sous les décombres, car il voit autre chose et plus que les autres, il est donc mort de son vivant et il est essentiellement le survivant.“
[…]
le journal de Kafka est tout d'abord le journal d'un malade qui désire la guérison. […] il veut la santé pour le plein épanouissement des ressources qu'il devine en lui […]. » (Pierre Klossowski, Préface.)
« […] “Ce ne sont pas la paresse, la mauvaise volonté, la maladresse… qui me font échouer ou pas même échouer en toutes choses : vie de famille, amitié, mariage, profession, littérature, mais c'est l'absence du sol, de l'air, de la Loi. Me créer ceux-ci, voilà ma tâche… tâche la plus originelle…“ […] » (Pierre Klossowski, Introduction.)
« Franz Kafka au sanatorium
On brassait trop d'air autour de lui,
la chambre du sanatorium, la vaine imprécation
des potions, le vase aux fleurs pitoyables,
un désespoir insinué dans le jour déclinant.
Le médecin tomba soudain dans l'absurde
en s'acharnant mécaniquement sur sa poitrine
à l'affût d'un battement égaré, d'un signe dans le noir.
Alors il l'écarta avec une colère sourde,
la lutte obscure qui avait toujours dicté
des gestes si délicats pour abriter son exil.
Tous ceux qui l'aimaient étaient là,
allant et venant derrière la porte
ou se précipitant par vagues vers le visage lointain,
débitant des questions sans issue
du meilleur style juif.
Mais là se limitait le monde
à incarner les intenses syllogismes de ses textes
en même temps qu'il confirmait sa poésie
en un code fragmentaire et monotone de marionnettes.
Toute cette agitation, au nom de quoi,
sinon la rage de vivre toute honte bue ?
Beau comme un condamné, un mourant très spécial
aux abondantes preuves touchant le non-dit
et disparaissant, contre toute logique, dans un corps
tout petit. » (Joaquín O. Giannuzzi, in Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.)
CHAPITRES :
0:00 - Titre
Journal intime
0:06 - 1er extrait
0:59 - 2e extrait
2:32 - 3e extrait
3:14 - 4e extrait
Notes choisies dans d'autres journaux
3:55 - 1er extrait
5:24 - 2e extrait
Considérations sur le péché, la souffrance, l'espérance et la vraie voie
6:03 - 1er extrait
6:20 - 2e extrait
7:05 - 3e extrait
7:22 - 4e extrait
Méditations
7:39 - 1er extrait
8:07 - 2e extrait
8:32 - 3e extrait
9:25 - 4e extrait
10:29 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Franz Kafka, Journal intime, suivi de Esquisse d'une autobiographie, Considérations sur le péché, Méditations, traduction par Pierre Klossowski, Paris, Grasset, 1945.
IMAGE D'ILLUSTRATION :
https://www.nytimes.com/2018/10/24/books/review/benjamin-balint-kafkas-last-trial.html
BANDE SONORE ORIGINALE : Hinterheim - i look into the distance
i look into the distance by Hinterheim is licensed under an Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.
https://freemusicarchive.org/music/Hinterheim/rive-droite-rive-gauche-1/i-look-into-the-distance-1/
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