«
le Moment Illibéral » de
Ivan Krastev et
Stephen Holmes, traduit par
Johan Frederik Hel Guedj de « The Light that Failed » (2019, Fayard, 352 p.) pose la question de l'évolution et du devenir des sociétés occidentales après la Chute du Mur de Berlin et la faillite du Bloc de l'Est, le tout après avoir remporté la bataille de la guerre froide. de ces deux auteurs, le premier
Ivan Krastev est un journaliste d'opinion, qui publie régulièrement dans les colonnes de « The New York Times ». On le présente comme un rédacteur d'opinion qui se concentre sur la politique internationale.
On est en 1990. le Mur de Berlin est pris d'assaut. Les Allemands de l'Est courent acheter des bananes. Ils revendent leur vieilles Trabant pour s'acheter des berlines à l'étoile, qui valent beaucoup plus cher. A l'époque, il était facile de distinguer, sur les autoroutes où l'on en était de la RFA et RDA. Dans le premier cas, les panneaux de sortie indiquaient « Ausfahrt » (sortie) tandis qu'en RDA la majorité des panneaux indiquait « Umleitung » (déviation). Il était évident que le mode de vie occidental (la société de consommation tant décriée des années 1968) allait ne faire qu'une bouchée des envies consuméristes des peuples de l'ancien bloc de l'Est. Idem pour la Russie, avec en point de mire, une très large démocratisation des structures et de la vie politique.
Que nenni. C'est faire fi du changement profond de mentalité entre ces deux mondes. C'est s'apercevoir que les saucissons ne poussent pas aux arbres et que pour bénéficier de la berline à l'étoile à trois branches, la carte du parti ne suffit pas. Il faut lui ajouter les yeux de velours de la banquière. Retours aux réalités (en abrégé RIB).
A ce stade, il faut lire les oeuvres quasi complètes de
Svetlana Alexievitch «
La Fin de l'Homme Rouge : Ou le temps du désenchantement » traduit par
Sophie Benech (2016,
Actes Sud, 688 p.). Il est vrai que c'est du travail de journaliste que de recueillir ces témoignages de gens, petites gens ou puissants, témoins désenchantés des transformations sociales que connaît le peuple russe, ou slave en général.
Retour à l'Europe, avec une antienne qui introduit le livre « le futur était meilleur hier ». Suit le ressentiment face à une forme d'impérialisme occidental. Sentiment de désillusion des peuples fondé sur le concept d'imitation. Les « mêmes » de Ricard
Dawkins dans son «
le Gène égoïste » (1976,
Odile Jacob, 200 p.) dans son idée d'évolution par imitation, même si cette idée est quelque peu dépassée.
Simulation, imitation. Les russes s'en sont mieux sortis car ils avaient l'habitude. L'élite politique russe a facilement simulé la démocratie avec toute l'expérience acquise d'avoir simulé le communisme pendant des décennies du point de vue plus privée, dans ces pays ex-communistes, le passage à la propriété privée a été abusé par les anciennes élites communistes à des fins d'enrichissement personnel. Quant au passage à la démocratie, les élections sont une pale imitation de forme plutôt que de fond.
Tout est question de passé et de culture de la chose démocratique. Les slaves ne voient pas la politique comme un moyen d'améliorer leur vie. Comme cela n'était pas le cas par le passé, le présent passe après. Résultat, pour les politiques et dirigeants, la vengeance des humiliations de la Russie est devenue un motif majeur qui contrôle d'autres choses.
Dans les pays du Bloc, les choses ont évolué différemment, ceci étant dû au passé moins dirigiste d'avant-guerre. Mais l'arrivée au pouvoir de « démocraties illibérales » en Pologne ou en Hongrie, ne facilitent pas les choses. On pourra se référer au dernier livre de
Lászlo Krasznahorkai, traduit en allemand par Heike Flemmming sous le titre étrange de « Herscht 07769 » (2021, Fischer S., 416 p). L'auteur y décrit la montée du parti ultranationaliste AfD dans une petite ville d'Allemagne, en Thuringe, anciennement RDA.
Retour à l'essai du « Moment Illibéral ». Il y est fait allusion aux années
Donald Trump aux USA, dont on peut se demander ce qu'il vient faire là-dedans, lui qui est rarement sorti de ses greens. Mais le problème de Trump, tel qu'il est traité, ne semble être de savoir si ce qu'il dit est vrai ou faux. L'important étant de dire et de provoquer le buzz. On pourrait y voir un parallèle flagrant avec la situation en France depuis la fin de 2021 et l'approche du renouvellement des institutions. Les mensonges purs et simples, les déclarations dont on sait qu'elles sont fausses au moment où elles sont formulées font presque partie du quotidien
A méditer, surtout en ce moment.