«
Si noires tes envies » est un recueil de thrillers, de quatre longues nouvelles portant sur des thématiques ayant comme point commun des individus piégés par leurs passés troubles ou par leurs passions dévastatrices. Quatre scénarios bien ficelés qui font voyager les lecteurs,trices dans diverses régions du Québec, à des époques différentes. Quatre récits dont certains, les deux premiers, plus violents, plus sordides et plus sanguinolents (ce qui n'est pas ma tasse de thé) que les autres dans lesquels on retrouve aussi la qualité d'écriture de leur auteur au style alerte, incisif, teinté d'un humour décapant.
« le destin de la salamandre », le plus long des quatre textes, met en scène un policier d'origine française immigré au Québec dont le passé est en lien avec un projet financé par l'État russe sous la gouverne de
Boris Eltsine ayant pour but de « développer des solutions permettant la régénération
cellulaire, afin d'en faire profiter les victimes russes de la guerre en Tchétchénie ». L'histoire macabre se déroule à la fois dans la région du Lac-
Saint-Jean au Québec (terre d'origine de
Steve Laflamme) et à La Ciotat, à l'est
De Marseille. le récit est d'un réalisme tel que des recherches infructueuses sur le Web illustrent bien l'univers imaginaire de l'auteur.
« Et ton nom sera violence » nous transporte dans la région de North Hatley, en Estrie où un passionné d'armes à feu membre de l'Association nationale des possesseurs d'armes est piégé dans son appétit du gain et est contraint à se soumettre aux sombres desseins d'une riche châtelaine atteinte d'asymbolie à
la douleur. Avec une chute finale coup de poing.
« Sainte Cécile, priez pour nous » est celle des quatre novellas pour laquelle j'ai eu un coup de coeur. Par sa thématique « humaniste », son contexte « souverainiste », la structure du récit, son personnage principal attachant, ses références politiques et historiques et sa finale inattendue et souhaitée en « feu de joie » de la
Saint-Jean sur la rue Sainte-Cécile à Trois-Rivières.
Enfin, j'ai aussi beaucoup aimé « Lau et Benni sont en fuite », cette histoire futuriste d'un Mal venu de l'Est qui nous transporte en Gaspésie et sur l'île d'Anticosti, faisant le pont avec une réalité et des événements québécois et internationaux vécus entre 2019 et 2022. Et les conséquences anticipées dans la décennie qui suit. En souhaitant que l'auteur en « avait fumé du bon » en cours d'écriture et qu'il est dans le champ, quoique...
Je vous laisse découvrir par vous-même les noires envies de
Steve Laflamme qui, en avant-propos, parle de celui qui lui a fait découvrir la lecture. Son ami
Jean-Pierre qui lui a mis entre les mains un livre de Stephen King quand il avait quinze ans : « J'aimerais dire que c'est en découvrant
Borges,
Calvino,
Anne Hébert ou
Marguerite Duras, mais ce n'est pas le cas. C'était King ».
Cette phrase m'a rappelé à quel point le maître américain de l'horreur, du fantastique, de la fantasy, de la science-fiction et du roman policier était pour lui une référence incontournable. En 2017, alors que nous avions formé un groupe de travail pour la tenue d'un premier festival du polar dans la capitale nationale – événement qui aurait pu s'intituler le Festival des littératures du crime de Québec (FLICQ) – Steve avait proposé qu'on y accueille l'auteur de «
Carrie » et de «
Misery ». Un rêve qui ne se réalisa malheureusement pas !
En publiant «
Si noires tes envies », celui qui, depuis 2017, joue dans la cour des grands du thriller et du roman policier, faisant un retour sur ses premiers besoins d'écrire : les nouvelles, « ces courts textes à la chute inattendue, qui désoriente, qui nous ô-mon-dieuse d'étonnement ». Ou comme l'avait convaincu King dans Brume – Paranoïa en déclarant que la « nouvelle, c'est comme le baiser furtif d'une inconnue dans le noir. Rien à voir, bien sûr, avec une liaison ou un mariage, mais les baisers peuvent être suaves et leur extrême brièveté exerce en elle-même une attraction. » Optant ici « pour la novella qui, par définition, est plus courte que le roman et plus longue que la nouvelle », en auto-édition, les éditeurs étant peu enclins à publier de tels recueils.
Quelques extraits qui illustrent bien la qualité de la plume affûtée de
Steve Laflamme :
« La pénombre a désormais couvert d'un linceul l'ensemble du panorama […]. Maquillé des ombres de la nuit naissante, effleuré par les rayons blafards de la lune, l'éclopé ressemble à une créature mi-terrestre, mi-maritime, à un spécimen jamais découvert, qui ouvre la bouche aussi bien pour essayer d'articuler des mots estropiés que pour gober les insectes nocturnes venus flâner au ras de la mer. »
« Une rue (la rue Amiral-Roustan à La Ciotat) à peine plus large que ses épaules. Crade, glauque, le vieux centre-ville dévolu à ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir la mer à portée d'orteil. Ici se coudoient cellules monoparentales démunies, chômeurs, immigrants, malades chroniques et autres indésirables de tous acabits. »
« J'ai fait la traversée dans le silence, mon âme recroquevillée dans un recoin de mon crâne. »
« J'ai contemplé l'horizon, j'ai laissé mon regard flatter la surface de la mer, aller se réchauffer dans le coeur doré du soleil et cajoler tout ce qu'il y avait encore de beau dans ce monde qui nous faussait compagnie. »
« …on rêve à un coup d'État plus grandiose que cette fois, il y a longtemps [on est en 2032), où des Américains galvanisés à la haine et au mensonge ont convergé vers le Capitole pour aller digérer la dinde du Nouvel An dans le Bureau Ovale. »
Steve Laflamme est né à Saint-Félicien, au Lac-
Saint-Jean. Il enseigne la littérature (policière, entre autres) au Cégep de Sainte-Foy. Détenteur d'un baccalauréat en études littéraires de l'Université du Québec à Montréal et d'une maîtrise en création littéraire de l'Université Laval, il a publié plusieurs articles sur la littérature de genre, la langue, notamment dans la revue Québec Français et Clair/Obscur. Il a participé à divers concours de nouvelles dont le Prix littéraire
Damase-Potvin où il a obtenu le 3e prix en 1998 avec le « Coq », le 2e prix en 1999 avec « Ashuapmushuan », le 3e prix en 2000 avec « La Société du huitième jour ».
En 2018, il a remporté le Prix littéraire
Damase-Potvin dans la catégorie professionnelle avec sa nouvelle « Quatre fois, quatre saisons » sur le thème de l'éternité. En 2019, sa nouvelle « Les peuples du sable » faisait partie d'un recueil de six histoires sombres (Projet 666). En 2020 et en 2021, sa nouvelle « Zahra et ses fleurs » figurait parmi la vingtaine de textes présélectionnés dans le cadre du Prix de la nouvelle Radio-Canada.
Membre de l'Association professionnelle des écrivains de la Sagamie (APES), l'auteur de Québec a publié huit romans. Un manuscrit vient d'être déposé auprès de son éditeur : « Vingt-trois jours de haine », le deuxième opus de la série Santinelli & Volta.
Un bémol : le choix des caractères typographiques qui rend la lecture quelque peu confortable.
Merci à l'auteur pour la copie avec dédicace reçue en service de presse.
Au Québec, vous pouvez commander votre exemplaire sur le site leslibraires.ca et le récupérer auprès de votre librairie indépendante.
Originalité/Choix du sujet : *****
Qualité littéraire : *****
Intrigue : *****
Psychologie des personnages : ****
Intérêt/Émotion ressentie : ****
Appréciation générale : ****
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