Jean Orizet ou la rêverie fascinée

Ce brillant ouvrage de critique présente l'oeuvre de l'un des poètes les plus marquants de notre époque, Jean Orizet, dont le parcours est ici retracé avec brio et les écrits savamment présentés. Hervé-Pierre Lambert, universitaire, poète lui-même et critique d'art, non content d'avoir été le directeur de la Maison de la Poésie à Paris dans les plus belles années de celle-ci, connaît personnellement Jean Orizet, et nous invite ainsi à suivre ce créateur attachant et fécond au cours de son enfance, son adolescence, et sa maturité littéraire. On assiste de la sorte non seulement à la genèse d'une grande oeuvre poétique, mais aussi à la vie riche et colorée d'un voyageur impénitent entre le tout-Paris de la poésie d'aujourd'hui et les artistes de tous horizons. Jean Orizet ou la rêverie fascinée se présente en deux parties : tout d'abord ce que j'appellerais une critique amoureuse de l'oeuvre, débordant des références les plus documentées, pénétrant jusqu'au tréfonds de l'âme et des intentions de son sujet ; puis, dans une deuxième section, une anthologie personnelle des textes orizétiens. Ces deux volets en regard s'enrichissent l'un l'autre, la lecture directe du corpus poétique validant les enthousiasmes d'Hervé-Pierre Lambert aussi bien que ses hypothèses de lecture. On traverse en sa compagnie tout un panorama d'écriture, de Segalen à Pessoa, et des paysages favoris, Venise ou les Etats-Unis pour ne citer vraiment qu'une infime portion de ce tour d'horizon planétaire aux arrière-plans éminemment culturels (la Venise en abyme d'André Suarès ou l'Amérique d'Edward Hopper, par exemple). Pour les lecteurs qui ne seraient pas familiers de la production poétique contemporaine, Jean Orizet ou la rêverie fascinée fournit aussi une introduction idéale aux principaux mouvements et courants de ce genre jugé à tort ésotérique. le ton amical de l'ouvrage et son épicurisme de bon aloi montrent assez qu'il n'en est rien : la poésie, comme il l'écrit dans son récit autobiographique Retour à Ithaque, a été pour Jean Orizet "un nouvel état de vivre".