Quand l'Orient regarde l'Occident

Voici un ouvrage original, dû à l'ethnologue et anthropologue Dominique Lanni. Son sujet est stimulant: il vise à décrire la vision que les visiteurs étrangers ont eu des nous, Occidentaux, alors qu'ils nous découvraient. Ce faisant, le lecteur revisite L Histoire, car tous ces échanges ont eu lieu dans un contexte de guerres et de rivalités qui, toutefois, n'excluaient pas l'envoi d'ambassadeurs.
C'est le début du livre qui semble le plus passionnant. L'auteur examine d'abord les relations heurtées entre Arabes et Occidentaux, rythmées par les Croisades, pendant lesquelles les seigneurs chrétiens ont étonné par leur bravoure et leur violence. Par la suite on passe aux relations avec l'Empire Ottoman, convaincu de sa écrasante supériorité; son arrogance le conduira à la décadence, faute de progrès et de réformes. En général, le regard des observateurs musulmans sur les chrétiens est rien moins qu'indulgent. Sans aucune surprise, ils sont scandalisés par la place excessive accordée aux femmes. Les plus curieux ont su noter leurs particularités, par exemple la taille de leurs seins: comme des oranges (et non comme des outres !). Malgré préjugés et critiques, de rares écrivains arabes ou turcs ont signalé les particularités et les avantages des sociétés occidentales. Des jolies miniatures (de style arabe ou ottoman) illustrent toute cette partie.
Les relations avec le Japon sont pleines d'enseignements. Débarquant là pour faire du commerce, mais aussi et surtout pour évangéliser, les Occidentaux ont beaucoup surpris par leur accoutrement et leur anatomie. Décrits très précisément, ils ont rencontré un certain succès, avant de susciter la colère du shogun qui les a finalement persécutés et expulsés. Seuls les Hollandais ont pu faire un peu de commerce sur une île artificielle, suscitant encore la curiosité des habitants de Nagasaki. Des peintures sur des paravents somptueux témoignent de ces premières rencontres.
La partie suivante est consacrée aux relations - basées sur un énorme malentendu - entre le Siam et la France de Louis XIV. La dernière partie dédiée à la Russie, m'a semblé moins intéressante. Mais l'ensemble de ce volume est instructif, mettant en évidence non seulement le contraste entre cultures, mais aussi les préjugés de supériorité, l'arrogance et l'esprit "totalitaire" qui gouverne les contacts entre civilisations totalement différentes. Sur ce point tous, notamment nos ancêtres, en prennent pour leur grade...