Deux titres à la suite dont l'humour m'a conquise, voilà qui se fête ! Après "
Le discours" de
Fabrice Caro, place à un humour plus détaché, plus débridé aussi…
Et pourtant, maintenant que j'y pense, Marguerite a plusieurs points communs avec Adrien… elle n'est pas de ces femmes rayonnantes, conquérantes, épanouies, dont on vante les réussites et le charme dans les magazines. Elle n'a ni l'assurance et la joie de vivre de ses amies, ni l'exubérance mythomane de sa mère. A vrai dire, il n'y a pas que ses fesses qu'elle n'aime pas, Marguerite. D'une manière générale, elle se trouve sans valeur et sans éclat. Elle n'a aucune densité, aucun mystère… Elle n'a même pas de libido (le sexe la dégoûte), et même ses transgressions sont modestes… Et ce n'est pas le regard des autres qui va l'aider à se revaloriser… Ses copines considèrent avec condescendance sa naïveté, sa pudeur et son absence d'amour-propre. Sa mère Billie, aussi extravagante et dévergondée que sa fille est timide et prude, se demande comment elle a pu engendrer une telle descendance, et son compagnon Jonas se montre méprisant et à l'occasion brutal. le lecteur lui-même aurait bien envie de la secouer, Marguerite, qui se soumet face au sentiment de supériorité de ce pitoyable et détestable compagnon, pauvre type pontifiant, qui affiche de grandes valeurs humanistes mais se révèle parasite, pervers et menteur… qui accepte sans jamais discuter sa chiche rémunération toutes les exigences de la maison d'éditions qui exploite ses talents sans les reconnaître…
Et pourtant, un jour, contre toute attente, Marguerite est repérée… et pas par n'importe qui, mais par l'ex-Président de la République Aymeric Delaroche de Montjoie qui, la croisant dans les couloirs des Editions Paulin, décrète que ce sera elle, et personne d'autre, qui écrira le dernier volet de ses mémoires.
Un ex-Président fictif, mais qu'
Erwan Lahrer dote de caractéristiques évoquant plusieurs chefs d'état français... Son personnage devient ainsi le symbole des dérives et du cynisme de l'ensemble d'une classe politique corrompue, porteuse de valeurs dévoyées, et davantage motivée par l'assouvissement de ses désirs personnels et de ses pulsions sexuelles que par une quelconque ambition collective.
Les entretiens préalables à la rédaction des mémoires d'Aymeric sont pour la prude et crédule Marguerite une véritable entreprise de dessillement. Au fil de leurs échanges, une relation trouble, voire un peu perverse, se noue entre la jeune femme en quête d'une figure paternelle et le vieillard sénescent que la vue de Marguerite, à qui quelqu'un enfin s'intéresse, fait parfois renaître à la concupiscence… En même temps, le vieux sénile s'épanche, exprimant des regrets en lâchant, au gré des gaffes que lui font commettre la sénilité, des informations confidentielles et obscures.
C'est enlevé, drôle, et énergique,
Erwan Lahrer mêlant à la dimension ludique de son récit une intrigue policière à l'origine de l'introduction d'un autre héros aux caractéristiques bien marquées. Flic cynique et facho, et accessoirement amant de la mère de Marguerite, Jacek enquête officieusement sur la trentaine de morts suspectes d'hommes liés au pouvoir politique, corrompus ou présumés tels, passés entre les mailles du filet de la justice.
Un roman ludique, mais pas simpliste pour autant, l'auteur brossant, à travers cette fable féroce et contemporaine, le portrait d'une génération désoeuvrée et individualiste, sans idéologie, à l'image d'une société gouvernée par des individus sans réelle conscience politique.
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