Très jolie découverte ,merci à Babelio et aux belles éditions Bruno Doucey, qui nous font connaître avec bonheur des poètes contemporains.
Aurélia Lassaque, dont je connaissais quelques textes, fait le choix d'un livre bilingue, en occitan et en français. J'ai apprécié cette double lecture, l'occitan est une langue mélodieuse et chantante, tout à fait en accord avec l'histoire poétique contée.
Et quelle histoire! C'est une réinterprėtation toute personnelle du mythe d'Ulysse.Deux voix se répondent en écho, celle de la femme déchirée par le départ de celui qu'elle aime, Ela, ou Pénélope si l'on veut, et Ulisses, le héros de légende,et aussi homme amoureux. Elle avoue:
" Tu pourras te retourner mille fois
changer de voix et de visage
ce territoire n'est pas assez vaste pour que se perde
l'écho de nos paroles"
C'est elle surtout ,Ela, qui s'exprime, femme symbole de toutes celles qui attendent le retour de l'être aimé, dont le le coeur et l'esprit saignent dans cette attente interminable, qui doutent. Espèrent, désespèrent ...
Huit chants se succèdent, et comme les compagnons d'Ulysse face aux sirènes, j'ai été envoûtée par le chant d'Aurélia Lassaque, dont j'ai savouré toutes les nuances, sensuelles, désenchantées, cruelles, lucides.
Belles , en tout cas. Parlant d'Ulysse, elle avoue:
" Tes yeux ont la couleur d'avant l'orage
quand plus rien ne distingue le ciel de la mer
et que les îles semblent des trous dans le miroir"
Elle rêve : " J'ai tout réinventé
chacun de tes retours
tes paroles
tes caresses"
Elle déchante :" J'ai trop rêvé, Ulysse, je t'ai trop attendu"
Mais elle espère quand même, comme tout amour qui veut survivre, malgré l'absence et la vieillesse.La fin de cette épopée amoureuse est porteuse de beauté hypnotique, de passion inextinguible, au-delà de la mer Égée, des îles tentatrices, de la guerre qui sépare :
" Pourvu que tu me rejoignes
en marge de la mémoire
à l'heure bleue
dans le repli des vagues"....
Magnifique...
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Recueil de poésie sous la forme d'une histoire bilingue occitan/français basée sur la mythologie grecque.
Aurélia Lassaque réécrit le mythe d'Ulysse qui s'en va faire la guerre en laissant derrière lui sa femme.
Originalité de ce recueil de par différents points :
- le bilinguisme occitan/français qui permet de découvrir cette jolie langue régionale,
- la narration qui se présente sous une forme quasi théâtrale : Prologue / 8 chants / Épilogue, et qui donnent la parole alternativement à Ulysse et à sa bien-aimée, "Elle",
- le thème de la mythologie grecque, rare pour un ouvrage poétique, mais qui permet une ouverture pour aborder des thèmes universels : un amour qui doit affronter des épreuves ; ici, le départ de l'un des deux pour des raisons "professionnelles", l'attente, l'absence, l'espoir, le doute, la désillusion, la renonciation, le passage du temps.
Recueil acheté après avoir participé le 31/10/19 à une lecture-performance d'Aurélia Lassaque et Joséphine Bacon, "Dialogue en poésie(s)" à Toulouse.
La lecture par l'auteure de certains passages de son recueil a permis d'entendre toute la musicalité de la langue occitane.
Belle découverte.
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Je suis lasse de tirer un par un les fils blancs que tissent
les saisons dans ma chevelure
et puis il y a ces taches sur le dos de mes mains
je les tiens désormais dans les plis de ma tunique
à l'abri des regards
au-dedans aussi, je sens bien que tout se lézarde
j'aimerais être d'argile pour pouvoir réparer tout cela
un peu d'eau et de terre
et voilàn je serais conforme à ton souvenir
lisse, heureuse
et pleine encore de toi
Tu retenais ma main
et j'aimais ton étreinte
tu n'étais pas homme encore
mais déjà promis à la guerre
tu étais mon animal enfant
ignorant le goût du sang
et je désirais ta morsure
je veux dormir quand tu veilles
et que les chèvres dévalent la colline
pour annoncer le soir
je veux te voir partir et rester seul
pour recueillir
au son des cloches animales
les perles de sable et et de sel
tombées de tes cheveux
tous ces hommes et ces femmes qui demeurent en retrait
des combats
ceux pour qui nous perdrons un bras, un œil ou la vie
ou rien
si l'on gagne
et qu'il faudra mimer la joie
tous
me rappellent ces bêtes
qui se nourrissent de la bouche des cadavres
_____
totes aqueles òmes, aquelas femnas, que demòran en
rèire de las batèstas
aqueles pels quals perdrem un braç, un uèlh o la vida
o res
se ganham
e que calrà mimar lo jòia
totes
me recòrdan aquelas bèstias
que se noirisson de la boca dels cadavres
mais je ne veux pas t'appartenir ni désirer que tu sois mien
car toi et moi ne formons qu'un seul souffle
une seule mémoire
a-t-on jamais vu la main jurer fidélité au corps ?
Je veux t'aimer, Ulysse
d'un amour souverain
_____
mas te vòli pas aparténer ni desirar que siás meu
que tu e ieu formam qu'un sol buf
una sola memòria
avèm jamai vista la man jurar fidelitat al còs ?
Te vòli aimar, Ulisses
d'un amor sobeiran
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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