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Murielle Szac (Autre)Christine Evain (Traducteur)
EAN : 9782362293726
76 pages
Editions Bruno Doucey (21/05/2021)
3.87/5   26 notes
Résumé :
"C’est l’histoire qui compte. Ce n’est pas la peine de me dire que ce n’est pas une histoire, ou que ce n’est pas la même histoire. Je sais que tu as tenu toutes tes promesses, tu m’aimes, nous dormons jusqu’à midi et nous passons le reste de la journée à manger, la nourriture est superbe, je ne dis pas le contraire. Mais je me fais du souci pour l’avenir. Dans l’histoire un jour le bateau disparaît derrière l’horizon, il disparaît simplement, et on ne dit pas ce qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
🌿Ce que j'ai ressenti:

« …et l'histoire est sans pitié. »

L'histoire est sans pitié, pour les femmes. Sans pitié, pour leurs corps, leurs coeurs, leurs âmes…Alors peut-être qu'avec un peu d'argile, on pourrait la réécrire, nous, les femmes…Réécrire nos histoires, nos légendes, nos déesses, nos enchanteresses…Redonner du relief, du pouvoir, de la magie, à ces récits mythologiques pour que transparaisse de nouvelles héroïnes à admirer, à suivre, à aimer.

« Regarde-moi et vois ton reflet. »

Circé, est un personnage féminin cher à mon coeur. Elle est multiple, femme, magicienne, sorcière, déesse, promesse…Donc imaginez ma joie, quand elle va prendre vie sous la plume de Margaret Atwood! J'étais euphorique! Parce que Poèmes d'argile la redéfinit, la remodèle sous l'angle de vue féminin et rebelle, Circé devient superbe, libre et pleinement elle-même. Une femme aimante, avertie, intransigeante, proche de la nature et détentrice de mille mots et magies…Une femme dangereuse en somme, pour les hommes qui écrivent l'Histoire…Mais ne vous en laissez plus conter, Circé va vous émerveiller, métamorphosée par ces vers em«pouvoir »és!

« Vois par toi-même. »

Pour l'audace, pour la poésie, pour Circé, ce recueil de poèmes est un coup de coeur! Cette réécriture de la légende est admirable. Quel plaisir de voir tout le génie de Margaret Atwood et de lire des poèmes aussi bouleversants et profondément ancrés dans la terre, puisés dans la passion, épris de liberté! Et comme l'argile favorise la cicatrisation, atténue les douleurs, il me semble que ces quelques pages sont un vrai baume réparateur à ce que l'Histoire a fait de mal, à cette femme si complexe et incomprise, Circé, la magicienne…

« …aussi intense que l'amour. »


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Lisez Margaret Atwood, pas seulement la Servante Écarlate, mais aussi sa poésie ! J'avais beaucoup aimé Poèmes tardifs publiés l'an dernier, des poèmes célébrant la nature, le temps qui passe, avec la mélancolie tendre d'une femme âgée à l'automne de sa vie, qui se souvenait des mûres dans les campagnes, des amis disparus, et des chants des oiseaux qui, eux aussi, disparaissent.
J'ai beaucoup aimé aussi (oui, j'aime beaucoup Margaret Atwood) sa Pénélopiade dans le titre originel, l'Odyssée de Pénélope en traduction française, son interprétation personnelle de l'histoire de Pénélope, cette femme présentée comme l'idéal de la femme au foyer qui attend son mari fidélement pendant vingt ans, en lui restituant toutes ses revendications, ses souffrances, ses désirs aussi.
Ici, Margaret Atwood choisi la forme poétique pour évoquer Circé, autre figure mythologique que l'on croise dans l'Odyssée. J'ai apprécié ma lecture de Circé de Madeleine Miller, beaucoup lue et critiquée sur Babelio, mais sans plus, sans souvenir marquant. Il y manquait tout ce que j'ai trouvé ici : une écriture forte, sensible, personnelle. le choix de la forme poétique, plus courte, permet donc de frapper l'attention.
Circé est une héroïne de Margaret Atwood, comme les autres, Grace, June, Pénélope, elle s'exprime, elle exprime ses sentiments, ses désirs physiques – elle aime Ulysse au début, elle « veut son corps ». C'est une femme qui souffre de vivre dans un monde d'hommes, dominé par la guerre et la violence – avant même que soit donné son nom, Ulysse est présenté comme un guerrier, mais surtout un « meurtrier », un « visage d'acier » au « corps tendu comme du bois » et un maître des mensonges. C'est un vétéran qui revient de la guerre et qui en est hanté ; les images de cadavres, de sangs, reviennent régulièrement. Et Circé souffre des hommes ; un poème est une scène de viol, une relation non-consentie et brutale. Plus largement, les hommes sont responsables des douleurs de la terre et de la mer, de la nature : Circé habite une île paradisiaque qu'elle refuse de décrire, car toutes les « publicités sont mensongères » : elles ne disent pas les déchets plastiques qui jonchent les plages, les avions qui s'abîment en mer.
Mais le recueil est sous-titré « poèmes d'argile ». L'argile, c'est aussi celui d'une statue de femme dans un mythe que Circé raconte, une statue qui n'était « qu'un ventre humide et doux » adoré par ses amants qui modelaient la taille de ses seins à leur envie. Elle ne veut pas être cette créature sans âme, n'être qu'un corps. Elle veut donc être une voix, un stylet. Car l'argile constitue la tablette sur laquelle Circé écrit ses poèmes, ceux-là même que nous sommes en train de lire. A nouveau, comme d'autres héroïnes de Margaret Atwood, elle s'exprime. le premier poème annonce ainsi Ulysse qui « s'avance à portée de [ses] mots ». Lorsqu'il la viole, « [sa] parole est éclatée, [sa] langue brisée ». C'est l'écriture qui lui permet de résister, de survivre, de « [s']accrocher à la liberté ». C'est l'écriture qui permet aussi de garder les souvenirs heureux, et d'espérer que le futur prévu – et prédit - n'adviendra pas, qu'une autre histoire est possible, ailleurs, sur une autre île. « Lorsque tu partiras, me rendras tu les mots ? » : ainsi se termine l'avant-dernier poème, avant ce rêve d'un ailleurs et d'une autre histoire. Ulysse est parti, il le fallait, il devait en être ainsi. Mais en partant, ce maître du mensonge a permis à Circé d'écrire, et d'écrire sa vérité.
On retrouve donc des thématiques chères à l'autrice : la nature et l'environnement, les souffrances des femmes causées par des hommes mais aussi leur force pour résister. Et on retrouve la force et la beauté de son écriture.
Je termine comme j'ai commencé : lisez Margaret Atwood !
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Dans ce court recueil de 24 poèmes, Margaret Atwood revisite avec singularité le mythe de Circé.

Il est loin le personnage d'enchanteresse cruelle et prédatrice, haïssant les hommes, que nous a donné à découvrir Homère.
Ici, c'est une amoureuse passionnée et blessée qui se dessine sous la plume magnétique de la romancière.

Le point de vue est renversé : il devient féminin.
L'Histoire aussi.
Cependant, nulle opposition entre les deux textes, ils se complètent ! Portés par une écriture vibrante, les poèmes d'Atwood prolongent l'oeuvre forte d'Homère.

-
« Je n'ai pas fait de choix
Je n'ai décidé de rien

Un jour tu es simplement apparu sur ton stupide bateau,
Tes mains de meurtrier, ton corps désarticulé, brisé
Comme une épave,
Les côtes saillantes, les yeux bleus, la peau brûlée, assoiffé,
Comme d'habitude,
Faisant semblant d'être – quoi ? un survivant ?

[…] »

-
« C'est l'histoire qui compte. Inutile de me dire que ce n'est pas une histoire, ou pas la même histoire. Je sais que tu as tenu toutes tes promesses, tu m'aimes, nous dormons jusqu'à midi et nous passons le reste de la journée à manger, la nourriture est superbe, je ne dis pas le contraire. Mais je m'inquiète pour l'avenir. […] Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire et sans pitié. »
-

Ce recueil est le cri d'amour de Circé pour Ulysse.
Il est le portrait d'une femme tout en contradiction – forte et fragile ; solaire et obscure – dont l'histoire semble écrite dans les larmes et le sang.
Ce recueil est aussi un livre qui questionne. Transposable au présent, il nous pousse – subtilement - à nous interroger sur les relations/ rapports hommes-femmes et c'est là toute la force de l'autrice de « La servante écarlate ».
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Madeline Miller n'est pas la première autrice à donner une interprétation féministe du personnage de Circé. Ainsi, à travers vingt-quatre poèmes, Atwood montre toute l'ambiguïté des relations entre hommes et femmes. Car ce n'est pas Circé qui métamorphose les hommes en porcs, ce sont eux qui se transforment en bêtes dès qu'ils croient l'avoir séduite. Ulysse, lui, reste humain, et Circé noue avec lui une relation complexe, entre méfiance et abandon. En même temps, Atwood rappelle que l'Odyssée, et ensuite presque toute la littérature, est racontée d'un point de vue masculin : ce que deviennent Circé et son île après le départ du héros, nul ne le sait. Il faut donc se méfier des histoires que raconte l'homme aux mille tours, qui joue peut-être l'amoureux transi. Mais il faut aussi se méfier de ces vieilles histoires, ces mythes que l'on raconte sans les questionner, comme le suggère la figure de Pénélope, qui tisse sa tapisserie, comme on sait, mais qui tisse aussi des récits : aucun n'est tout à fait vrai.

J'ai donc retrouvé avec plaisir la subtilité psychologique de la Servante écarlate. En revanche, la forme poétique m'a peu marqué, malgré une écriture élégante et quelques images frappantes.
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Margaret Atwood réécrit le mythe grec de Circé, la magicienne qui peut métamorphoser les hommes en animaux.

La Circé d'Atwood n'a rien de celle d'Homère ou d'Ovide : elle est ici dépeinte comme une femme amoureuse et fragile, loin d'être un coeur de pierre et d'argile.
L'enchanteresse tombe sous le charme d'Ulysse, et va complètement s'abandonner à lui, au point de vouloir tout lui offrir, le gîte, le repas, et même ses terres et son corps.
Elle se doute qu'il n'est pas sincère avec elle et redoute le moment de son départ de l'île.
Avis mitigé pour ce recueil, bien que j'affectionne tout ce qui se rapporte à la mythologie.
Cette revisite du mythe permet de sortir des sentiers battus de la mythologie grecque classique, et de montrer l'humanité et la féminité de cette femme de pouvoir qu'est Circé.
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critiques presse (1)
LaCroix
03 juin 2021
Dans un recueil publié en version française par les Éditions Bruno Doucey, la romancière Margaret Atwood revisite avec force le personnage de Circé, développé dans la mythologie grecque.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Ce n'est pas de toi que j'ai peur mais de cette autre
qui sait traverser la chair,
la reine des deux dimensions.

Elle porte un collier de petites dents,
elle connait le rituel, elle obtient des résultats,
elle veut qu'il en soit ainsi :

Ne reste pas là
avec tes offrandes de mouton mort,
ces bouts de bois, ces jeunes enfants, ce sang,

tes yeux mouillés de larmes, ton corps
doux et débordant d'amour,
à t'imaginer que je ne peux rien y faire

si ce n'est accepter, accepter, accepter.
Je ne suis pas la mer, je ne suis pas d'un bleu pur,
je n'ai pas à prendre

tout ce que tu projettes en moi.
Je me referme, sourde comme un œil,
sourde comme une plaie qui n'écoute

que sa propre douleur :
Va-t'en d'ici.
Va-t'en d'ici.

**********
Not you I fear but that other
who can walk through flesh,
queen of the two dimensions.

She wears a necklace of small teeth,
she knaws the rituals, she gets results,
she wants it to be like this:

Don't stand there
with your offerings of dead sheep,
chunks of wood, young children, blood,

your wet eyes, your body
gentle and taut with love,
assuming I can do nothing about it

but accept, accept, accept.
I'm not the see, I'm not pure blue,
I don(t have to take

anything you throw into me.
I close myself over, deaf as an eye,
deaf as a wound, which listens

to nothing buts its own pain:
Get out of here.
Get out of here.
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I spend my days withmy head pressed to the earth, to stones, to shrubs, collecting the few muted syllables left over ; in the evenings I dispense them, a letter at a time, trying to be fair, to the clamouring suppliants, who have built elaborate staircases across the level ground so they can approach me on their knees. Around me everything is worn down, the grass, the roots, the soil, nothing is left but the bared rock.


Je passe mes journées la tête plaquée contre la terre, les pierres, les jeunes pousses, à rassembler les quelques syllabes qui ne sont pas encore tombées dans le silence ; le soir, je les distribue, une lettre à la fois, en essayant d’être juste envers ceux qui me supplient bruyamment, ceux qui ont construit des escaliers compliqués sur un terrain plat pour qu’ils puissent m’approcher à genoux. Autour de moi, tout est usé, l’herbe, les racines, le sol, il ne reste plus que la roche à nu.

[p20/21]
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C'est l'histoire qui compte. Inutile de me dire que ce n'est pas une histoire, ou pas la même histoire. Je sais que tu as tenu toutes tes promesses, tu m'aimes, nous dormons jusqu' à midi et nous passons le reste de la journée à manger, la nourriture est superbe, je ne dis pas le contraire. Mais je m inquiète pour l'avenir. Dans l'histoire, le bateau disparaît un jour à l'horizon, il disparaît tout simplement, et on ne dit pas ce qui se passe alors. Je veux dire, sur l'île. Ce sont les animaux dont j ai peur, ils ne faisaient pas partie du plan, en réalité tu ne les as pas mentionnés, ils pourraient se retranstormer en hommes. Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans I'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié.
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There are two islands
at least, they do not exclude each other

On the first I am right,
the events run themselves through
almost without us,

we are open, we are closed,
we express joy, we proceed
as usual, we watch for
omens, we are sad

and so forth, it is over,
I am right, it starts again,
jerkier this time and faster,

I could say it without looking, the animals,
the blackened trees, the arrivals,

the bodies, words, it goes and goes,
I could recite it backwards.


The second I know nothing about
because it has never happened;

this land is not finished,
this body is not reversible.

We walk through a field, it is November,

the grass is yellow, tinged
with grey, the apples

are still on the trees,
they are orange, astonishing, we are standing

in a clump of weeds near the dead elms
our faces upturned, the wet flakes
falling onto ours skin and melting.

We lick the melted snow
from each other's mouths,
we see birds, four of them, they are gone, and

a stream, not frozen yet, in the mud
beside it the track of a deer.
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You stand at the door
bright as an icon,

dressed in your thorax,
the forms of the indented
ribs and soft belly underneath
carved into the slick bronze
so that it fits you almost
like a real skin

You are impervious
with hope, it hardens you,
this joy, this expectation, gleams
in your hands like axes

If I allow you what you say
you want, even the day after

this, will you hurt me ?

If you do I will fear you,
If you don't I will despise you

To be feared, to be despised,
these are your choices.
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Vidéo de Margaret Atwood
Bernardine Evaristo nous parle de « Manifesto ».
Ne jamais abandonner: telle est la devise que n'a cessé de suivre Bernardine Evaristo tout au long de son extraordinaire trajectoire. Née d'un ouvrier nigérian et d'une institutrice anglaise, l'autrice de Fille, femme, autre – qui lui a valu le Booker Prize en 2019 aux côtés de Margaret Atwood – raconte ici son enfance dans la banlieue londonienne des année 1960, ses épreuves, le racisme, les injustices, mais aussi la foi inextinguible et joyeuse qui l'a guidée dans ses nombreuses aventures. Autoportrait de l'artiste en femme rebelle, passionnée et touche-à-tout, Manifesto nous entraîne dans les coulisses d'une vie trépidante, faite de voyages, d'amours, de poésie, de théâtre et d'engagements. Ce texte intime jette un regard neuf sur quelques-unes des questions essentielles de notre époque – le féminisme, la sexualité, le militantisme, le communautarisme.
Avec panache, humour et générosité, Bernardine Evaristo nous invite, chacune et chacun, à devenir ce que nous sommes, envers et contre toutes les formes d'oppression.
Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Françoise Adelstain
Actuellement en librairie
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