Une excellente surprise ! ● En 1966, Thadée a quinze ans et est un excellent élève dans un prestigieux lycée parisien. Son professeur de français le fascine lui et ses condisciples. Ce professeur est admiratif des capacités de Thadée et a de longues conversations avec lui ; un jour, il lui propose d'aller au cinéma. Si la proposition paraît curieuse, Thadée l'accepte tout de même, mais le professeur profite de l'obscurité pour lui caresser la cuisse. Thadée repousse sa main. Un des jours suivants, le professeur rend des copies de dissertation et Thadée a deux sur vingt. Il s'agit bien sûr d'une injustice flagrante. Thadée se lève, va jusqu'au professeur et lui casse la figure devant toute la classe. Il est renvoyé de l'établissement et c'est le début d'une existence hors de tout sentier battu. ● L'avertissement qui précède le corps du livre fait douter du statut générique de l'oeuvre : « Ce roman s'inspire de faits et de personnages réels, à qui l'auteur a prêté une vie privée et des propos imaginaires ». ● Vu ce qu'écrit l'auteur ailleurs, il semblerait qu'il s'agisse d'une biographie romancée de son
frère : « Beaucoup de choses que je raconte dans ce récit me furent dites par Thadée […] Dans ce livre, il s'agit de ma vision de la vie de Thadée ». ● Ce récit m'a frappé par sa lumineuse simplicité, qui en réalité reflète celle de son personnage principal Thadée. La prose est très maîtrisée, les phrases sont plutôt courtes ; tout, même le plus sombre, semble couler de source, être naturel. ● A part le premier chapitre qui est une prolepse, le cheminement est chronologique, mais on ne s'ennuie à aucun moment, on a toujours envie de savoir comment va évoluer Thadée, quelles nouvelles aventures il va vivre – car c'est aussi un récit d'aventures et de voyages. ● le coeur du récit est de savoir si Thadée est malade (« Thadée était-il réellement malade ? Je ne l'ai jamais pensé. J'ai toujours cru que les médecins avaient fabriqué ses faiblesses. ») ou bien s'il est habité par les « forces de l'esprit ». En effet, il semble percevoir les choses non pas avec les yeux mais « avec son âme et avec son coeur ». ● Il sait reconnaître des « signes » : « Il y a des signes, des choses, sans doute irrationnelles, qui viennent à nous et que l'intelligence empêche de percevoir. Nous ne pouvons pas tout analyser, il faut laisser une place aux signes, c'est important. » ● Il vit « [u]ne existence douloureuse empreinte d'une profonde quête de sens, le sens de la vie éternelle. » Cette vie est totalement atypique et fascinante, comme l'est la profonde étrangeté du personnage principal, son indifférence à son sort, son extrême adaptabilité à tous les milieux, à toutes les conditions, son sens artistique, son mépris absolu de l'argent. Seul compte pour lui ce qui relie les êtres. ● Dieu est présent de plusieurs façons dans ce récit à l'étonnante dimension spirituelle, mais loin du culte et d'une religion en particulier. ● Si l'auteur lui-même, en tant que
frère à l'époque de sa jeunesse, ne semble pas très concerné par Thadée (et peut-être ce récit est-il né du remords de ne pas s'être alors assez intéressé à son
frère), la mère en revanche est toujours là, prête à tout pour que son fils aille bien. ● « Paradoxalement, Thadée était devenu notre modèle. Il était devenu pour nous ‘celui qui a réussi sa vie' ». ● C'est là un récit tout à fait original, qui change des lectures habituelles, et que je recommande vivement.