Vous savez ce que j'attends et j'adore dans les romans à suspense ?
Cette chose qui s'appelle l'adrénaline, ce moteur à propulsion magnétique qui crache des flux d'émotions à chaque secousse, à chaque page, le coeur mais aussi cet organe mystérieux qu'est l'esprit humain n'ont jamais aussi bien porté leur nom, puissant, évanescent, souffle coupée, diaphragme mis à rude épreuve, inutile de prendre des gants, l'ivresse littéraire n'est jamais loin ...
Dans cette torpeur d'une journée grisaille de novembre, comment trouver la force et l'envie de sortir de sa zone de confort, de hurler mon plaisir éprouvé d'une de ces lectures coup de coeur avec un grand C, un trip livresque qui confirme mon addiction au genre, tous les ingrédients sont réunis ici pour s'exciter comme une puce, pour oublier le froid, pour pénétrer au coeur d'une ville jamais vue autrement que sur carte postale, pour vibrer avec des personnages plus vrais que nature, une enquête machiavélique qui n'est pas sans rappeler le jeu du chat et de la souris, qui mène la danse ou qui manipule l'autre ?
Les intrigues de meurtres en série ou isolé sont légion depuis ceux qui m'ont fait tomber dans la potion magique du triptyque thriller avec
le Silence des Agneaux de
Thomas Harris, policier avec le Poète de Michel Connelly ou ceux de
Henning Mankell et le roman noir avec
Un tueur sur la route de
James Ellroy, une panachée parmi tant d'autres, je vais maintenant épingler à mon tableau de chasse
Jeux de mains ... d'un duo d'auteurs belges, sous le pseudo Yves Laurent se cache deux plumes bruxelloises, Yves Vandeberg et Laurent Vranjes.
En attendant, il se trouve que la brigade criminelle dirigée par David Corduno a fort à faire avec le retour inopiné d'un tueur en série insaisissable, comme certains reviennent à la vie après une longue hibernation, d'autres le font pour d'autres raisons moins avouables, Bruxelles n'a rien à envier aux autres théâtres sanglants en matière de polar, les auteurs nous embarquent dans une plongée en eaux troubles, immersion totale dès les premières pages, l'atmosphère oscille entre stupeur et tremblements, adhésion renforcée par de nombreuses expressions typiquement locales (un lexique est disponible pour rester dans le rythme), de l'autre côté de la frontière, qui ne connaît les fameuses blagues belges plus ou moins subtiles sauf qu'ici elles servent à alléger une ambiance alternant entre l'effroi des meurtres et la morosité d'une enquête compliquée ... à souhait.
Cet équilibre précaire entre le fil narratif d'une chasse criminelle hors norme avec toutes les composantes attendues et cette fièvre montante n'épargne personne, le lecteur n'est pas en reste, à noter une précision chirurgicale dans les descriptions cliniques des scènes apportant un réalisme parfois si brutal mais faut-il encore s'en étonner, l'horreur atteint parfois des sommets de violence paroxystique, la température grimpe d'un degré à chaque chapitre, j'ai grandement apprécié l'introspection de certains personnages, creuser dans le psychisme et la névrose ambiante, quand la mort se permet des ellipses sanglantes, tout le reste appartient au domaine des survivants, ceux qui laissent tomber certaines barrières morales.
La différence entre les très bons thrillers et les autres, c'est de ne rien voir venir, de libérer ses doutes et de balayer une bonne fois pour toutes ses certitudes, de participer à cette dérive des personnages en remontant le cours des eaux, passé et aujourd'hui, Bruxelles est belle mais elle cache également des tréfonds insoupçonnés, l'âme d'une ville est magnifiquement imprégnée sous le couvre-chef d'une plume dont il est difficile de distinguer la part des deux auteurs, l'essentiel demeure ce palpitant voyage au coeur des ténèbres, dans ce regard des passants, dans ce recoin trop sombre pour ne pas se méfier, dans ces aspérités occultant la tranquillité, la peur s'installe, le souffle des habitants se réverbère sur le plexiglas, la psychose peut commencer ...
Pour un premier roman, je ne peux que m'incliner et tirer mon chapeau, il n'est plus un secret pour personne que le polar hors des frontières est plus que jamais le reflet d'une société en mutation permanente, virage dangereux pour une accélération vertigineuse des apparences trompeuses, le prédateur qui sommeille en chacun de nous peut se réveiller à tout moment !
Publié chez Esfera Imaginons ensemble et Talentbulle Révélation de Talents avec la participation collaborative de lecteurs et la complicité du site Ulule,
Jeux de Mains est une de mes révélations de l'année, même si le livre est sorti en avril 2017, les années passent mais la qualité des plumes restent.
Après l'autre coup de coeur d'un autre premier roman belge,
La parole du chacal de
Clarence Pitz, la Belgique était notamment connue internationalement jusque là avec
Georges Simenon et ses enquêtes du Commissaire Maigret, les aventures de Tintin de
Hergé pour la bande dessinée,
Nadine Monfils,
Paul Colize,
Barbara Abel ou encore
Stéphanie Pitz et
Samuel Palladino parmi d'autres à venir, il faudra désormais suivre de très près ce binôme talentueux en provenance de Bruxelles, Yves Vandeberg et Laurent Vranjes.
Bravo les ketjes !!!❤️❤️