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EAN : 9782267020069
136 pages
Christian Bourgois Editeur (08/01/2009)
3.8/5   10 notes
Résumé :
Écrire, c'est aussi reconnaître sa dette d'amour envers ceux que René Char appelle les alliés substantiels, c'est lire des épitaphes cryptées, aborder des îlots de solitude, déserter l'ici et maintenant en glissant sur des luges de nuit pour gagner les frontières de l'invisible avec comme guides des émissaires de l'autre côté. Ces pages, roman d'une lectrice, sont des hommages aux maquisards qui ont fait œuvre délictueuse, s'assignant le but de renverser les normes,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Voilà un livre acheté sur son titre.
Le dernier vers du Voyage de Baudelaire me laissait augurer de lointains bleus comme la couverture.
Que nenni !

Je me suis trouvée face à une brochette d'auteurs du XXe s., peu connus voire inconnus (de moi s'entend) qui ont tous ou presque la vocation d'être désespérés, en tout cas celle d'être angoissés. Est-ce également une caractéristique de Linda Lê ? J'aimerais en savoir plus sur elle. Elle a une plume magnifique, passionnée et délicate à la fois.

Entre un Louis-René des Forêts qui se demande si le dévouement à l'écriture apporte la guérison et un Sandor Maraï qui pratique l'exercice de la dérobade, il y a l'art de décontenancer de Felisberto Hernandez.

Il y a aussi le cas intéressant, quoique douloureux, de Robert Walser qui se serait bien transformé en Homme invisible car pour lui, être ignoré était un grand privilège. Il l'a admirablement prouvé dans ses microgrammes illisibles sans loupe.

Il m'a été difficile de suivre l'auteur à travers ses pérégrinations littéraires qui sont plutôt destinées à des professeurs, des érudits ou des chercheurs en existentialisme. Ce petit livre est à voir comme autant d'hommages à des écrivains plus qu'appréciés. Il y a, sans le dire, beaucoup d'admiration sous la plume fragile de Linda Lê, comme si elle aimait les fêlures de tous ces êtres tourmentés.

La figure emblématique de Simone Weil, seule femme sélectionnée, m'était familière par les engagements multiples qu'elle a pris au cours de sa courte vie dans la lutte ouvrière, la guerre civile espagnole puis auprès de de Gaulle avant de reprendre l'enseignement de la philosophie.

Cette lecture m'a paru hermétique à bien des endroits par méconnaissance des écrivains choisis et je n'ai probablement pas apprécié ce livre à sa juste valeur.

Néanmoins, j'ai gardé pour la bonne bouche une saillie de Georges Perros, que pourraient méditer les candidats au bac philo : "Ecrire, c'est renoncer au monde en implorant le monde de ne pas renoncer à nous".

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« Chercherie » inhérente à la survie en milieu hostile. Si comme Walser, Linda Lê réclame la discrétion, son œuvre ne doit pas être « ignorée ». Le 3 février 2009 (en témoigne la dédicace), ma route a croisé, à la Librairie Kléber de Strasbourg, celle de l'auteur qui a changé le cours de ma vie. «Car il détient la clé de l'abîme et celle des hauteurs, grâce auxquelles il accède à une science hybride, conjugaison de deux tendances contradictoires : à se ravaler au rang de la bête captive et à s'élever jusqu'aux cimes de l'esprit libre.» Parmi ces voix, celles de Louis-René des Forêts, Georges Perros, Landolfi, Osamu Dazai, Louis Calaferte, Hanokh Levin (pour une bibliothèque à ne plus quitter), mais aussi Ghérasim Luca avec sa propre invitation : « Être hors la loi/voilà la question/et l'unique voie de la quête ». N'attendez plus, le « nouveau » vous attend.
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Première critique pour "Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau", j'arrive à peine à y croire. Précisons d'emblée qu'il s'agit d'un essai et que Linda Lê y parle d'auteurs qui l'ont influencée. La différence avec "Le Complexe de Caliban"? Selon l'auteure elle-même à une rencontre à la librairie Kléber à Strasbourg pour ne pas faire de publicité, "Le Complexe de Caliban" parle plutôt d'un certain nombre de classiques, tandis qu' "Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau" est consacré aux oubliés de la littérature. Je dois avouer que je connaissais peu en effet des auteurs évoqués et dont je cite quelques-uns de mémoire : Osamu Dazai, Stig Dagerman, Felisberto Hernandez, Robert Walser... J'en ai lu certains depuis et je dois dire qu'ils sont souvent aussi passionnants à la lecture que l'essai de Linda Lê. Quelques points communs : souvent la noirceur, le désespoir ou des déboires de toutes sortes ; l'absence de sentimentalisme ; une forme de révolte : au fond de l'inconnu. A votre tour d'y trouver du nouveau.
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« Ce sont ces alliés substantiels, dont l’absence ferait souffrir, qui viennent ici toquer à la vitre de l’homo lisens afin de l’accompagner le long d’un chemin hérissé d’obstacles, s’il sait, dirait Baudelaire, plonger au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau. » (7)

Moi qui dit toujours que j’aime être dérangée, bousculée par la littérature, moi qui croyait en attendre beaucoup… je suis encore loin de la démarche de Linda Lê qui affronte, se laisse enlacer et regarde en face les auteurs les plus noirs. Elle ne recule devant rien : cruauté, déglingue, démence, et a l’habileté d’en tirer quelque chose. Son carnet de lecture est à l’écrit ce que Tracks est à la télévision. Loin d’un Jérôme Garcin qui m’avait passablement ennuyée dans ses rencontres avec les écrivains, elle m’a fait entrevoir des terrains fascinants. Il faut s’accrocher, s’agripper aux rainures, se couler dans les encoignures, avancer à tâtons. Feuilleté, lu et relu par petits bouts pour finir par oser aborder un chapitre de bout en bout, j’ai goûté la langue, merveilleuse de densité, de sens et de musicalité, les formules puissantes, les phrases qui remuent les tripes, mais il n’aurait pas fallu m’interroger trop avant sur ce que j’en avais retenu. Je suis persuadée que j’ai quelque chose à trouver dans ces pages, ça me travaille, mais n’ai pas tout à fait mis le doigt dessus…

Robert Walser de tous se détache. Ahuri vulnérable « qui se félicitait d’être un propre à rien », membre de la confrérie des rêvasseurs « assez contents de leur dénuement pour ne demander qu’à lézarder », il m’est fort sympathique. Je commencerai par lui dans mes explorations. Louis-René des Forêts, « méditatif, subjugué par les immensités » obtiendra peut-être lui aussi mes faveurs.

« Leur noirceur a des effets toniques, car ils arrachent le voile de Maya et nous renvoient à ce que nous sommes : des instants de chaos. » (20)

Les « explorateurs de confins » à en perdre la raison, les torturés nous exhortant « à scruter les abîmes » par une fission incandescente de la réalité m’effraient quelque peu. J’ai faim de ces plongées hors de tous les carcans, de la vue pénétrante de ces « détracteurs de l’instinct grégaire » qui s’abstraient des « cohortes moutonnières » mais le vide est là, et la noyade possible me laisse un goût nauséeux quand je les aborde. Des arrimages me manquent.

« Inutile de se cramponner à une de ces bouées que dispense la raison raisonnante. » (27)

Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
"Une certaine suspicion pèse sur ceux qui, en tricotant les mailles d'un ouvrage dit de fiction ou plutôt de friction, théâtre de luttes entre leurs différents moi - latents, hypothétiques, voire haïssables -, conservent une distance critique vis-à-vis de leur production. Ils ne vont pas jusqu'à la dénigrer, car ce ne serait qu'un piètre stratagème pour dissuader d'éventuels censeurs, sans être plus au clair avec eux-mêmes. Mais ils sèment de-ci et de-là des indices, propres à éclairer leur jeux, dans des textes qui ne fournissent aucune grille de lecture, ne sont ni des prédications ni des invites au ralliement.
La défiance qu'ils inspirent vient d'une erreur répandue : l'art n'empoigne que s'il obéit uniquement à l'instinct et fait litière de tout raisonnement. Méprise qui autorise les faux-monnayeurs en véracité à user et à abuser de cette recette : écrire avec ses tripes. Ce qui signifie chez ces gâte-sauce sans complexe, accomoder un salmigondis d'effusions calculées et d'effets ménagés, assez au goût du jour pour flatter le chaland, assez corsé pour allécher la commère qui somnole en chaque liseur. Les tics tiennent alors lieu d'éthique ; le chantage à l'empathie de précepte. Ces colporteurs d'une littérature-déversoir, tombereau d'éructations ou torrent de geignements, excipent d'un credo imparable : Avant moi le néant, après moi le déluge. De la subversion ils ont la livrée, et qu'on ne s'avise pas de leur dire : "Ô, mon roi ! Votre majesté est mal culotée !".
Le fait lyrique jaillit souvent d'une source violente, d'un flux de l'obscur où la convulsion, le spasme, l'hallucination, le "tétanos de l'âme", dirait Artaud, conspirent à provoquer des éclats d'écorché. Mais, quand bien même le transcripteur serait soucieux de restituer, dans chacune de ses phrases, l'écho de la vie qui résonne en nous, il doit se garder d'être le pantin de ses émotions, de confondre liberté et relâchement. Il lui appartient d'endiguer les crues verbales, de soumettre ses vocables à plusieurs contraintes.
René Daumal conseillait au scribe d'opérer une transmutation de l'accidentel, du subjectif, du mécanique, méthode radicale pour atteindre à l'essence de la Parole, c'est-à-dire la Saveur qui, selon les poètes hindous, possède trois vertus : la Suavité, ou fluidité, l'Ardeur, ou embrasement, l'Évidence, soit limpidité de l'eau et lumière du feu. C'est à travers cette alchimie qu'il réussit à convertir le chaos intime en une force d'attraction magnétique rassemblant des individualités aimantées par l'universel."
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Notre planète étant, selon la définition de Stevenson, une île tournoyante chargée de vie rapace, plus ruisselante de sang qu'un navire au lendemain d'une mutinerie, Hanokh Levin sonde les pulsions mortifères, descend dans le sous-sol humain où grouille un monde de lâcheté et de bassesse, tire des choses vues un constat sur le non-sens de nos existences, engluées dans de risibles ambitions.

(p. 117)
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Irréconciliable, il ne se conformait qu’à une règle : rester à l’écart, ne pas se mêler de la tourbe des fauves aux dents longues – « Comment s’en sortir sans sortir ? » demandait-il avec l’à-propos d’un farouche opposant en proie à la stupeur d’être, tourné vers une création « hermétiquement ouverte », renouvelant l’oxymore pour que résonne un chant inouï, nacelle chargée de trouvailles biscornues.
[dans « La morsure des mots », au sujet de Gherasim Luca]
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Les laissés-pour-compte de nos bibliothèques gémissent, les livres de chevet sont des raretés encore à décrypter. N'empêche, nous continuons à écumer les librairies, passons le plus de temps possible à nous pénétrer des aperçus d'autrui, espérant beaucoup de ceux que René Char appelle les alliés substantiels... (p. 7).
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Lire, écrire, quand on ne se borne pas à réclamer un baume lénitif, c'est accepter de se désabriter, c'est s'exposer à une fission. C'est renoncer au rêve de cohésion et obtenir en contrepartie une révélation. La puissance du verbe réside dans sa défaillance même : il est traître, il s'ingénie à ruiner les espérances.
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