L'Africain paru en 2004 est un récit de JMG le Clézio, foncièrement autobiographique.
il accompagne son récit d'images, une quinzaine en tout, choisies dans la collection de son père, qui s'exprimait plus facilement par la photographie que par les mots. Plus qu'un support visuel de vieux clichés en noir et blanc ,j'ai le sentiment qu'il dialogue avec le passé. Ce passé qui ressurgit par un cliché parfois sans rapport avec le texte et parfois différents de la description et qui mêle la biographie du père à celle autobiographique de l'auteur. Deux regards qui regardent la même choses avec des points de vue différents? le lecteurs buttent parfois, s'arrête, regarde la photo, relis le passage.. finalement pénètre dans ce passé qui appartient autant au père qu'au fils. Exigence de vérité.
Il rend hommage à son père, ( médecin militaire en Guyane britannique puis au Cameroun britannique) et à l'Afrique. Plus précisément à Ogoja, au Nigeria.
Jusqu'à ses 8 ans, il vit à Nice chez sa grand-mère maternelle avec sa mère et son frère sous l'occupation . Son père quitte la Guyane britannique pour le Nigeria en 1948, à Ogoja où il les fait venir, et où ils vont habiter.
Le Clézio nous parle ici de deux rencontres essentielles de sa vie, sa rencontre avec l'Afrique, à l'âge de huit ans, simultanément avec celle de ce père qu'il n'a pour ainsi dire jamais vu, étant élevé par sa mère.
Il est frappé par le physique antipathique de ce père, presque un ennemi. Il lui rend hommage dans ce livre. Car
l'Africain c'est lui, ce père sévère avec des lunettes rondes à tour métallique, médecin de brousse itinérant, intègre, dévoué aux populations, refusant et
haïssant le moule colonial, surfait. On est très loin de l'Afrique des » Flamboyants » ou de l'Afrique des cocktails et de l'exploitation coloniale « un Anglais sous les tropiques »
Leur maison: une case avec la varangue. le jardin: planté par son père.
Son frère et lui sont les seuls enfants blancs de toute la région. Il n'y a pas d'école. ils vadrouillent ensemble avec les enfants noirs et comme eux ils sont pieds nus. Son père leur impose les chaussettes de laine et chaussures en cuir mais dès que le père part, ils se déchaussent. (P 29)
Responsable du dispensaire et seul médecin, ce père est toujours absent puisqu'il doit se déplacer pour soigner, opérer, partir pour des urgences. ( P 63 )
Le Clézio, enfant, est impressionné par le monde, la nature africaine, par le corps des femmes, leur peau, la transpiration, la liberté des corps, qui se meuvent dans l'espace.( P24 ) la liberté est presque dangereuse.
C'est une Afrique de brousse, sauvage, libre, odorante, puissante, presque dangereuse, violente et très humaine. Il court avec son frère dans la plaine d'herbes folles, libres de massacrer les termitières, comme prise de possession par cet acte sadique devant l'immensité de la nature, la forêt équatoriale, la violence des orages.
« Les enfants du village n'étaient jamais avec nous quand nous partions détruire les termitières. Sans doute cette rage de démolir les aurait-elle étonnés, eux qui vivaient dans un monde où les termites étaient une évidence, où ils jouaient un rôle dans les légendes. le dieu termite avait créé les fleuves au début du monde, et c'était lui qui gardait l'eau pour les habitants de la terre. Pourquoi détruire sa maison? La gratuité de cette violence pour eux n'aurait eu aucun sens : en dehors des jeux, bouger signifiait gagner de l'argent, recevoir une friandise, chasser quelque chose de vendable ou de comestible. …ramasser des bouses de vaches chercher de l'eau… «
Cette période Africaine est bien plus qu'un souvenir. Elle est déterminante dans la construction du regard et de la psychologie de le Clézio.« C'est ici, dans ce décor, que j'ai vécu les moments de ma vie sauvage, libre, presque dangereuse. Une liberté de mouvement, de pensée et d'émotion que je n'ai plus jamais connue ensuite. »