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Anne Bourguignon (Autre)
EAN : 9782363082626
160 pages
Arléa (06/05/2021)
3.75/5   8 notes
Résumé :
En relisant les récits des chasses coloniales de Rousselet, des princes d'Orléans ou de Clemenceau, Yannick Le Marec porte un regard nouveau sur le grand massacre des animaux, qui résonne avec l'actualité des luttes contre l'enfermement des animaux sauvages et la disparition des grands mammifères.
Nous partons d'un fait divers : un soir de 2017, à Paris, un tigre échappé de sa cage est abattu dans la rue, près du pont du Garigliano. Deux ans plus tard, le nar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
En 2017, une tigresse échappée d'un cirque s'aventurait en plein Paris, avant d'être abattu par son dresseur. La stupeur passée, l'incident relançait le débat sur les animaux sauvages en captivité et sur leur utilisation dans des spectacles. Frappé par d'autres incidents, comme ce chevreuil percuté par un TGV alors que lui-même lisait le silence des bêtes d'Elisabeth de Fontenay - philosophe reconnue, entre autres, de la cause animale -, l'auteur se lance dans une exploration littéraire et artistique révélatrice de notre relation historique à l'animal, pas si étrangère à la manière dont nous avons traité, voire massacré pour certains d'entre eux, les peuples colonisés, et, au final, éloquente quant à la nature humaine et à son rapport au monde au sens large.


Admirateur de Patrick Modiano et de WG Sebald, Yannick le Marec s'est comme eux livré à la flânerie pour rassembler images et idées dessinant peu à peu un fil conducteur de plus en parlant. Et, du Jardin des Plantes aux artistes qui, tels le Douanier Rousseau, Eugène Delacroix, Jacques Monory et Auguste Cain, sont venus s'y inspirer pour peindre et sculpter des fauves qu'ils ne connaissaient pas ; du Museum d'Histoire Naturelle de Paris où l'on peut voir un tigre naturalisé attaquant l'éléphant du Duc d'Orléans en 1888, aux narrations de voyageurs imaginaires comme Robert Walser et aux contradictions d'Elisée Reclus que ses positions pionnières en matière d'écologie n'ont pas empêché d'appeler à l'extermination du tigre, soi-disant mangeur d'hommes ; des récits de chasse au Bengale aux massacres des bisons d'Amérique, en passant par celui des tribus amérindiennes et par le braconnage contemporain d'espèces protégées, nous voilà sur le chemin d'une réflexion menée, sous l'apparence faussement légère de la promenade, avec le plus grand sérieux et la plus extrême précision.


Il apparaît ainsi très vite que cette malheureuse tigresse, tuée après avoir posé la patte sur le bitume parisien, est, dans ce récit, l'arbre qui cache la forêt. Alors que quelques milliers seulement de tigres survivent encore en liberté, ce fait divers n'est qu'un des ultimes points d'orgue de « la lente détérioration du monde », dont on peut suivre la trace dans ces archives de l'humanité que sont l'art et la littérature. Au final, c'est toute notre culture qui semble devenir le mausolée de la planète, alors que sciences et savoirs se sont construits sur des monceaux de cadavres, et qu'écrits et musées conservent les souvenirs d'une « expérience du vivant » désormais en peau de chagrin, au fur et à mesure de l'extinction des espèces et de la vie sauvage. Une profonde tristesse s'empare du texte, au constat de « notre présence mortifère », non pas seulement liée à notre avidité destructrice, mais aussi à nos comportements de prédation gratuite. Quoi de plus consternant que ces scènes de destruction systématique, que l'on retrouvera avec le même effroi dans Les crépuscules de la Yellowstone de Louis Hamelin ou dans L'agonie des grandes plaines de Robert Jones, quand même scientifiques et naturalistes s'en donnaient à coeur joie en tuant à tout va, laissant pourrir inutilement derrière eux des montagnes de cadavres d'animaux, aujourd'hui éradiqués de la planète ?


Sous ses dehors de flânerie légère et faussement improvisée, Constellation du tigre nous livre une réflexion soigneusement dirigée et étayée, débouchant sur une vision infiniment désenchantée de notre humanité. Comme l'exprimait Benjamin Walter, "il n'est jamais une illustration de la culture qui ne soit aussi une illustration de la barbarie".


Un grand merci à Babelio et aux éditions Arléa pour cette passionnante découverte.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Coïncidence : 2022 est l'année du Tigre dans l'horoscope chinois et pour Yannick le Marec la constellation du Tigre "est de celles qui encombraient les cartes du ciel et que l'on appelle des constellations disparues ou obsolètes ".
En archéologue de la mort des tigres, le narrateur relate ce fait survenu le 24/11/2017 qui lui a donné à réfléchir au sujet des fauves et de leur histoire.
En effet, ce jour là : une tigresse ( Mery ) s'est échappée de sa cage, elle court apeurée dans les rues de Paris, et elle est finalement abattue par son dresseur Eric Borman, propriétaire d'un cirque ! Cet incident, va rappeler au narrateur la mort d'un chevreuil qui a été percuté récemment par un TGV alors qu'il lisait " le silence des bêtes "d'Elisabeth de Fontenay , philosophe investie dans la cause animale ! Il en vient à critiquer l'exiguïté des cages pour les animaux sauvages car elles interdisent " le passage de la visibilité à l'invisibilité ". Comme Patrick Modiano, qu'il lit assidument, il arpente les rues de Paris à la recherche de l'histoire de ces tigres qui ont été amenés dans la capitale depuis de nombreuses années. Il pense aux peintres comme Delacroix, Monory, Auguste Cain, le Douanier Rousseau qui se sont inspirés des animaux du Jardin ds Plantes pour représenter la férocité, la force très prisées à l'époque," ils dessinent au coin du feu " en utilisant leur imagination et pas la réalité animale et, au Museum d'histoire naturelle ou il a vu la Tigresse naturalisée sur le dos d'un éléphant : c''est le Duc d'Orléans accompagné de son cousin, le Prince d'Orléans qui, en 1888 a fait immortaliser par un taxidermiste célèbre cette prise de chasse. Et, le narrateur de dénoncer les chasses au Bengale, celles des colonies françaises qui ont pourvu la capitale mais qui ont décimé des milliers d'espèces, comme en Amérique du Nord : l'éradication des bisons et même celle des Amérindiens ! Même, pour l'anecdote : il cite Clemenceau surnommé "le Tigre" était une chasseur acharné et que l' on voit avec le Maharadjah de Bikaner sur une photo avec 2 tigres ! Toute notre culture est le mausolée de la planète, les sciences et les savoirs se sont construits sur des monceaux de cadavres, les écrits et les musées conservent " une expérience du vivant " qui diminue au fur et à mesure de l'extinction des espèces et de la vie sauvage. Et, maintenant, les dioramas, les vitrines sont vidées de leurs substances, les zoos ne sont visités que par un public jeune accompagné des grands parents pour rêver à ces fauves qui les fascinent, les tigres et les lions ont déserté les cages mais ils traversent toujours la littérature et la peinture, les musées sont oubliés !
Que reste-t'il de cet héritage du passé, et sur la préservation du monde animal ? Que reste-t'il de cette constellation du tigre, trace permanente de la mort du tigre à Paris.
Yannick le Marec nous présente un essai nostalgique sur l'histoire des rapports entre les hommes et les animaux sauvages ! Finalement, toute cette férocité, la chasse, le braconnage pour les trophées ont conduit à la disparition de nombreuses espèces...mais dans le présent ( c'est mon avis ) : que faisons-nous pour les sauver ? les aider ? Un tigre, un lion, , et tous leurs semblables ont droit, après toutes ces années de massacres, de sévices, de maltraitances, d'exploitation pour le plaisir, le gain et, par la cruauté des hommes a un statut qui les protège efficacement dans le monde entier ! Il ne faut pas oublier qu'ils ont droit à la liberté autant que nous....
Merci à "babelio" pour la Masse Critique de février 2022, et aux éditions Arléa.
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Yannick le Marec a-t-il pensé et écrit ce livre en prévision de l'année du tigre qui arrivait ? si ce n'est pas le cas, c'est un heureux concours de circonstances. C'est en tout cas grâce à ce contexte que je l'ai lu.
Ce livre est une promenade, géographique et temporelle. L'auteur déambule, physiquement et dans ses pensées, et nous embarque avec lui, à la rencontre de quelques tigres parisiens et des fantasmes de férocité et de danger qu'ils ont suscité ou qu'ils suscitent encore. Tout commence par la collision improbable, dans la tête de l'auteur, entre une déambulation parisienne sur les traces de Patrick Modiano, et un fait divers survenu 2 ans plus tôt, à savoir l'abattage par son propriétaire d'un tigre échappé d'un cirque. Yannick le Marec nous convie ainsi devant les cages de la ménagerie du Jardin des Plantes, dans une galerie du Museum d'histoire naturelle, en chasse à dos d'éléphant en Inde aux côtés du Duc d'Orléans et de son cousin, face aux peintures du Douanier Rousseau, d'Eugène Delacroix et de Jacques Monory. Tout cela est très éclectique, et fort instructif. Un regard affuté, avisé, qui ouvre le nôtre.
Cependant, malgré l'indéniable talent de conteur de l'auteur, son art de faire des liens, de créer des passerelles entre les époques et les événements, de nous amener là où on ne s'attend pas, et malgré mon attrait pour ce sublime animal, j'avoue que la lecture de ce court récit aux longues phrases et aux multiples circonvolutions m'a été un peu laborieuse.
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Marie-Hélène Prouteau, revue La Cause littéraire. "Voici un livre inclassable qui abolit les frontières des genres. Constellation du tigre tient du récit, de l'essai, fait abondamment usage de documents d'archives très variés. Cette exploration aux infinies ramifications sur « les tigres qui avaient un jour traversé Paris depuis les grandes chasses des empires coloniaux » procède d'une quête documentaire. le point de départ en est la mort à Paris le 24 novembre 2017 de la tigresse Mévy échappée de sa cage et qui dut être abattue dans la rue par son dompteur.

Tout le livre se trouve placé sous le signe de la disparition. Dans les premières pages sensibles, Yannick le Marec s'attache à l'échappée de l'animal puis aux circonstances de sa mort. L'empathie est là mais pas de grandiloquence. Il vient ensuite alerter le lecteur sur l'implacable disparition de cette espèce, cent mille voici un siècle, plus que trois mille cinq cents en liberté aujourd'hui. Yannick le Marec figure le tigre comme l'animal qui disparaît.

Et d'évoquer un reportage de « France 2 » sur un safari au Népal lourd de déception pour les participants : « le tigre ne se montre pas ». Ou de reprendre opportunément le propos de Jean-Christophe Bailly dans le parti-pris des animaux qui voit dans l'art de l'effacement de tout animal sa condition de survie. Plus loin, l'auteur nous confie : « A la Ménagerie du Jardin des Plantes je n'ai donc pas vu de tigre. Pourtant ils furent nombreux, ici, entre ces barreaux ». le tigre disparu, restent les archives.

Le livre composé de neuf chapitres dessine un itinéraire circonscrit dans une certaine géographie parisienne, évoquée avec une précision hyperréaliste rappelant l'écriture de Patrick Modiano, figure tutélaire du livre avec W.G. Sebald. Les rues des quartiers des Maréchaux, du Jardin des Plantes ont de quoi irradier la conscience du narrateur, lecteur fervent de cet écrivain.

Dans l'esprit de Walter Benjamin et de son livre Sur le concept d'histoire, il s'agit au rebours de l'historiographie ordinaire qui s'attache au discours des puissants de s'intéresser aux dominés. Et singulièrement, dans l'esprit de la philosophe Elisabeth de Fontenay que cite Yannick le Marec, à ces « animaux qui ne peuvent pas s'opposer et sont privés de la parole sont des vies nues, et cette vie vulnérable, il s'agit et de la penser et de la défendre ». Yannick le Marec le dit d'emblée, il « parle à la place du tigre ». Pour réparer, dénoncer le « malaise plurimillénaire installé entre les animaux et les hommes ». Chasse, braconnage, rituel des trophées de l'animal abattu, enfermement et monstration des animaux sauvages sont restitués dans ces 160 pages du livre comme autant de séquences emblématiques de la sauvage violence à l'égard de l'animal – un de ceux que Claude Lévi-Strauss nomme « le plus autrui de tous les autrui ». L'enquête documentaire revendique résolument une dimension interprétative : les massacres des espèces animales accompagnent au plus près l'entreprise de la colonisation, tant en Amérique qu'en Europe et en France."
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
(…) l’avancée des connaissances en biologie vérifie toujours la remarque de Romain Bertrand selon laquelle les sciences du vivant s’édifient sur des monceaux de cadavres, une phrase qui actualise l’aphorisme de Walter Benjamin sur le frisson garanti à quiconque s’aventurerait un instant à penser l’origine de notre patrimoine culturel. « Ce patrimoine ne doit pas seulement son existence aux peines des grands génies qui l’ont créé, mais aussi à l’indicible corvée qu’ont endurée leurs contemporains. » En tentant de restituer aux dominés du passé leur part des œuvres de la culture des dominants, Sadiah Qureshi ne dit finalement pas autre chose que cette formule pleine de mélancolie de Benjamin affirmant qu’il n’est jamais une illustration de la culture qui ne soit aussi une illustration de la barbarie.
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Si tuer un grand nombre de volatiles procède souvent de l’entraînement, ou de la volonté de faire durer le plaisir du déplacement, le vrai sport réside dans la seule chasse qui a motivé ce long voyage, celle du tigre, le félin qui fait rêver au XIXe siècle. Quand le vulgum pecum voit le tigre derrière les grilles du jardin zoologique, symbole de la victoire sur la sauvagerie, de la puissance de sa civilisation, la vraie noblesse consiste à approcher la bête en liberté, à la vaincre, à terrasser sa férocité. Les sportsmen se reconnaissent à cela, à leur capacité à maîtriser leurs frayeurs, à prendre des risques, à dépenser beaucoup d’argent pour abattre les animaux le plus dangereux possible, les plus grands qui existent. (…)
Ces chasses sont marquées par le refus de toute utilité ; on ne mange pas le renard ou le tigre, on laisse les entrailles du renard aux chiens, celles du tigre aux chikaris. La noblesse, encore, est dans le profond dédain de l’animal tué, réduit à l’état de peau, de trophée si seule sa tête est conservée, ou encore, si la bête est exceptionnelle, d’animal empaillé qui trônera dans quelque pièce d’un château, dans une salle d’exposition, présentée autant que possible en état de férocité, les crocs bien visibles, l’air effrayant pour porter témoignage de la rudesse du conflit, de la grandeur du combat mené par le chasseur.
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S’il n’est plus possible et même plus tolérable d’approcher les animaux sauvages, tant notre présence leur est mortifère, si l’expérience du vivant nous est à terme interdite, il reste à faire la liste des archives à notre disposition et le récit de la lente détérioration du monde.
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Il ne me semble pas artificiel de rapprocher toutes ces exactions qui se déroulent parallèlement dans plusieurs parties du monde, les tirs à balles explosibles sur les chacals par les chasseurs européens sur le territoire du Népal, la décimation quasi effective des bisons et l’extermination continue des Amérindiens ; à ces événements d’ailleurs, il faudrait en ajouter des centaines d’autres, peut-être des milliers, et toutes les nations occidentales ou presque en porteraient la responsabilité puisque la plupart ont participé ou soutenu le grand œuvre civilisateur de la colonisation depuis la fin du XVe siècle jusqu’à ces instants de l’histoire mondiale qui ont vu triompher les luttes de libération nationale dans le milieu du XXe siècle.
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En 2008, Monory réalise une série de grands tableaux avec des tigres (…).
[dont] la peinture d’un tigre, en couleur, c’est-à-dire en jaune et orangé, au-dessus duquel on lit le mot crimes. Le tigre est encore le symbole du crime, dans une manière traditionnelle de représenter cet animal, agressif, tuant pour le plaisir comme se complaisent à le répéter les textes d’autrefois. N’est-ce pas le grand Georges Cuvier, à l’extrême fin du XVIIIe siècle, qui diffusait cette rengaine dans son Tableau élémentaire de l’histoire naturelle des animaux : « Le tigre (felis tigris) est aussi fort, aussi grand que le lion, et beaucoup plus cruel, égorgeant plus de victimes qu’il n’en faut à sa faim, et se plaisant surtout à boire le sang. »
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