Monsieur Simon ne voyait plus les choses de la même façon.
Au fil des âges qui avaient pétri son embonpoint de ses formes adultes, ses terreurs enfantines et nocturnes l'avaient contenu de façons épisodiques dans des craintes infondées tout directeur qu'il était.
Le soir, dans le silence de l'orphelinat, les craquements, les sifflements avaient pris l'habitude de l'inquiéter. Encore d'avantage, depuis que le nouveau Jardinier, Ramon, était arrivé. Ce dernier présentait des attitudes sauvages et parfois inquiétantes en dépit de la qualité de travail bien fournie. Offrir un lieu sûr et un havre de paix des jeunes enfants sans parents était une lourde responsabilité.
L'arrivée de Jonah avait contribué à diffuser une joie incroyable qui faisait oublier à Robert, Steve et Philippus ce qu'ils avaient perdu et leur démontrait chaque jour ce qu'ils avaient gagné, une famille.
Monsieur Simon l'avait vite remarqué. Jonah était...différent.
Il agissait comme un diffuseur d'optimisme auprès de son entourage, il favorisait les attachements et les amitiés. Un seul éclat de rire devenait communicatif dans le réfectoire. Jonah avait un vrai pouvoir qui faisait du bien au bonheur. Même la jeune Alicia qui taisait son drame dans un mutisme permanent s'était laissé charmé par le jeune garçon sans mains. Il y avait de l'amour dans l'air.
Malgré l'absence de ses mains, le petit Jonah grandissait bien droit, lorsque ses jambes n'étaient occupées à faire des cabrioles pour stimuler son corps.
Et puis un jour, le père de Jonah est venu le rechercher, contre toutes attentes, sans nouvelles de sa part depuis que le bambin qui braillait fut confié à l'institution.
Monsieur Simon redoutait un grand malheur.
l avait confié le jeune garçon sans véritable certitude d'un Happy end. Cet instinct s'était aussi logé dans l'esprit et le coeur de Phillipus, Robert, Steve et Alicia. Un sixième sens.
Monsieur Simon comprit vite où était parti la petite bande de fugueurs. Là où les dernières traces de Jonah pouvaient les mener.
Il ne savait pas en revanche si il devait s'inquiéter aussi de la disparition d'un adulte, le nouveau jardinier, Ramon ou quelque soit son vrai nom, qui partageait de nombreux moments à parler des fleurs, à les cultiver avec Jonah.
Quel mystère entoure le jeune Jonah ? Qui es-tu Jonah ?
: Bienvenue dans le monde de Jonah ! le premier tome de la série « Jonah » pose le décor, un univers singulier entre fantastique et histoires de vie.
Les personnages pour l'ensemble sont des enfants et des adultes qui ont grandi chacun avec des failles, des drames, des sensibilités qui ont trouvé une voie évidente vers le positivisme, la sérénité, un bonheur, tout relatif qu'il soit, au contact de Jonah.
Il y a un fil d'histoire construit, de la naissance de Jonah à sa traque par les mystérieuses Sentinelles , dont le titre de tomaison porte le nom.
Nous naviguons à la frontière du fantastique.
En effet, Jonah a quelque chose de plus particulier que sa bonne humeur solaire et indéfectible, personnage unique que l'absence de mains n'atteint pas, ne comprime pas le coeur et dont l'optimisme agit comme un miroir auprès de tous les enfants de l'orphelinat. Ils commencent à vivre leur petite vie d'enfant, profitant d'une forme insouciance en attendant d'être choisi par des parents en mal d'enfants.
Taï-Marc le Than dirige son récit sur une ligne temporelle logique avec plus ou moins de libertés, elle est assujettie à l'enfance de Jonah certe mais certains événements, certaines futures rencontres vont offrir une dynamique, casser de temps à autre une lecture possiblement linéaire.
Et cela rend parfaitement bien, les choses finissent par trouver leur sens, leur explication au fur et à mesure, la présence de certains personnages dont on ne sait encore l'importance qu'ils vont gagner dans l'histoire de Jonah finissent par se justifier.
Toutefois, si la bienveillance des amis proches de Jonah n'est pas à démontrer, la véritable nature d'autres cherchant Jonah restent à établir et les mobiles sont portés sous le sceau du suspens. Qu'est ce qui fait courir autant de monde sur le sillage de Jonah ?
Amitié, paternité, amour de la science ?
L'auteur joue sur les apparences.
Le jardinier Ramon, rappelant le fameux Sirius Black de « Harry Potter » de Rowling, ne jouit pas d'une image de sainteté, ni par son passé ni par son attitude qui semble inspirer au monde le calme avant la tempête. le directeur le perçoit comme une « bombe à retardement » par son attitude parfois associable. Cependant malgré des mots clé et des attitudes secrètes peut-être inquiétantes selon les normes, « Asile » par ci et « changement d'identité » par là, la culpabilité du personnage de Ramon alias Draco Mulhman reste à prouver. Les ados lecteurs resteront en permanence sur l'expectative de voir l'image de marginal confortée ou avortée, ne pas savoir c'est agaçant (humour d'auteur, quand tu nous tiens!). Oui, l'auteur ajoute une véritable pointe humoristique de second degré avec ce Draco, jouant avec malice sur les apparences, ajoutant au jeu des dupes le docteur Wilbur, responsable d'un institut secret pour enfants handicapés surdoués et l'agent de « police » plus qu'ambigu, l'agent Slitt.
Les lecteurs navigueront à l'instinct et se feront leur propre jugement sur ce qui est, n'est pas, ce qui est bienveillant ou non, ce qui reste essentiel dans une vie pleine de failles au final
Mais avec tout cela, qu'est-ce qui rend Jonah si particulier ? Un jeune garçon de quatorze ans capable de s'adapter parfaitement à tous types de situations nécessitant des mains, évoluant naturellement en développant d'autres parties de son corps pour compenser. Un rapport métaphorique évident au handicap de la part de l'auteur et replacé sous un angle fantastique.
Ce que certains ignorent c'est que la vie a privé Jonah de choses et lui a offert autre chose comme une compensation juste. Jonah est né avec deux excroissances internes proches de son cerveau et qui sont animées d'une vie propre.
Non, Jonah n'est pas un pauvre petit garçon schizophrène, ces deux vies qu'ils nomment « Voix A » et « Voix B » sont bien là et deviennent des sortes d'anges gardiens qui observent le monde, l'analyse et font cadeau à Jonah des ressources qu'ils en ont retiré.
Delà, Jonah peut être doué en tout, jouissant de grandes connaissances, pouvant développer des mouvements physiques parfaits et pouvant pénétrer les pensées d'autrui. Ses deux éléments conversent avec humour pendant que le petit dort du sommeil du juste, lui suggèrent de belles pensées pour ses rêves et participent comme de vrais nounous à son développement, à l'optimisation de sa bonne humour. Grâce à eux, Jonah n'a jamais été seul, n'a jamais manqué d'amour et ils les interrogent au besoin.
Le hic, les deux éléments ont été repéré lors d'un examen médical et c'est le point de départ de grands bouleversements pour le destin de Jonah.
De l'aventure, de l'émotion, du mystère, de la poésie, un récit sur la différence d'une façon générale mené sans pathos, bien au contraire.
Ramon, Jonah, Phillipus, Steve, Alicia, Monsieur Simon, Robert et même le couple Martha-Big Jim qui recueille Jonah en cavale, dépassent ce qu'ils sont, surmontent les contextes dramatiques qui les maintenaient et se libère grâce à Jonah.
Mais l'aventure ne fait que commencer.
433 pages qui se parcourent sans aucune difficulté et avec plaisir.
A découvrir absolument !
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Jonah est né sans mains et, malgré ce handicap, il sème le bonheur et la joie de vivre dans l'orphelinat où il grandit. Mais le jeune garçon a aussi un don exceptionnel que convoitent une société secrète, Les Sentinelles. Lorsque Jonah disparait, la Nature elle-même semble vouloir se déchainer contre lui....
Le premier tome de cette saga pose l'univers dans lequel évolue Jonah : un monde au premier abord merveilleux mais qui se révèle au fil du temps rempli de dangers pour le jeune garçon.
J'ai beaucoup aimé l'atmosphère très positive qui se dégage de ce roman. Loin de s'apitoyer sur son sort, Jonah parvient à faire de son handicap une force : rien ne lui est impossible ! Voix A et voix B, les deux "entités" qui vivent dans son cerveau, sont attachantes : elles distillent leurs conseils, le protègent, l'entrainent, le font réfléchir et interagissent avec le monde extérieur. Je les ai trouvé très amusantes.
Ce qui m'a plu aussi, c'est l'écriture. le récit est empreint de poésie mais regorge d'actions et de rebondissements. Beaucoup de questions sont désormais soulevées et j'espère que j'aurai les réponses dans la suite que je vais m'empresser de lire !
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Merci d'abord à la libraire de la librairie Tire-Lire à Toulouse à qui j'ai demandé "Sinon, vous avez aimé quoi récemment dans les romans pour ados?" et qui m'a mis "Jonah" dans les mains. Pour me le résumer elle m'a dit "C'est un livre optimiste alors qu'il ne devrait pas l'être, c'est du Dickens mais avec du fantastique". C'est un livre optimiste, oui, où un petit garçon né sans mains est tellement merveilleux qu'il va être pourchassé par des méchants mais aussi par la Nature elle-même justement parce qu'il est merveilleux. Que la Nature déclenche des bourrasques pour vous débusquer, c'est un drôle de compliment, mais c'est un sacré compliment! le livre est très bien écrit, les personnages sont très attachants (ah monsieur Simon, le directeur de l'orphelinat, ah les copains de Jonah, qui fuguent pour le sauver, ah le fermier qui les enferme pour les punir de lui avoir volé des pommes...puis qui leur offre l'hospitalité). Surtout, ce n'est pas un livre fantastique comme les autres. Pas de loups garous, de fantômes, de vampires ou de sorciers, mais deux voix, voix A et voix B, qui sont dans le corps de Jonah et le guident, l'interrogent et le ressourcent en s'introduisant dans le cerveau et les connaissances des gens qu'il rencontre pour les donner au petit garçon. Il ne sait pas conduire? Qu'à cela ne tienne! Il lui suffira de pénétrer l'esprit de quelqu'un qui sait, et hop, au volant! Je ferais une toute petite réserve, en me joignant à Lou Sayahazar qui écrit sur Babelio "Malgré sa grande sagesse, on ne peut s'empêcher de penser qu'autant de maturité frise parfois l'agacement, le lecteur aurait apprécié un peu plus de doute et de questionnement pour le personnage principal. Toutefois, cela n'entrave pas la qualité du roman dont on souhaite avidement connaître la suite.". Je suis tout à fait d'accord et n'ai rien à ajouter.
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Rebondissements et suspense garantis. Mais singuliers, revisités, à distance. L'aventure tient d'abord dans la vision poétique du monde et des personnages que le roman met en scène. Charme, c'est décidément le mot.
Lire la critique sur le site : Telerama
Quand Jonah sentit la présence menaçante de la vague de froid, l'encéphale fut sollicité par les deux appendices, intimant à tout son petit corps un réflexe de défense et de rejet. Le corps entier du bébé, en repoussant la vague de froid, manifesta ce rejet de façon irrévocable.
Par ce choix, Jonah avait donné, dès les premières minutes de sa vie, une orientation inflexible à son avenir : celle de rejeter toute forme de tristesse, de misère et de malheur. Celle d'adhérer sans aucune concession aux rires et aux débordements que seul le bonheur peut provoquer.
Le spectacle qui s’offrait à ses yeux fit courir une vague d’émotions le long de ses avant-bras. Il y avait au sol un carré de terre humide et grasse. Et au centre de ce carré, une note de couleur . Un point minuscule et délicat. Une fleur. Une fleur qui déployait courageusement ses pétales, se gorgeant avec avidité de la rosée matinale. Une fleur qui, malgré la fraîcheur encore vive de ce début de journée, avait traversé les lourdes mottes de terre pour venir manifester son innocence et sa beauté aux regards émus des enfants.
- Est-ce cela, l'Amour ? demanda Voix A.
[...]
- L'amour que je connais est un nid douillet, un refuge de coton qui enrobe les angoisses et les fait disparaître. L'amour que je connais est un souffle chaud qui brûle et consume la peine. Un souffle qui irradie de sa lumière les cœurs perdus. L'amour que je connais a la douceur d'un flocon de sucre flottant à travers des abîmes de ténèbres et glissant contre des vagues de souffrance. [...] Ce que je vois ici n'a rien à voir avec ce que je connais, continua-t-elle.
- Et que vois-tu ? demanda Voix B.
- Je vois un fil incandescent. Je vois deux corps qui s'unissent pour n'en former qu'un. Je vois une lumière si pure qu'elle réduit en cendre celui qui a eu la chance de poser son regard dessus. Je vois ces cendres tourbillonner avec fureur, brassant l'énergie cosmique un maelström chaotique. Je vois des éléments originels fusionner, soulevant de colossaux fragments de matière. Je vois les soleils s'éteindre puis se rallumer, inondant de leur puissance des paysages glacés. Je vois l'ordre. Je vois l'anarchie. Je vois de la neige envelopper un bloc de granit brûlant. Je vois des larmes de bonheur... [...] Je vois toutes ces choses et cela me plaît. Aussi, je me demandais : est-ce cela l'Amour ?
- Oui, répondit Voix B, je crois bien que oui.
Martha esquiva de justesse le filet incandescent de lumière bleue et la voiture mordit sur le bas-côté, longeant dangereusement le fossé qui bordait la route. La jeune conductrice avait l’impression qu’un sang glacé coulait dans ses veines. Elle sentait chaque pulsation de son cœur résonner dans sa tête. Son expérience de conductrice de rallye professionnelle lui faisait envisager la situation avec beaucoup de calme. ‘Après tout, se dit-elle, je suis juste poursuivie par la foudre qui cherche visiblement à détruire ma voiture, j’ai vu bien pire comme situation’.
L'enfant restait muet. La sage-femme, Miss Atterton, car tel était son nom, fronça les sourcils. Un enfant qui ne pousse aucun cri à se naissance ne peut que présager de terribles augures, qui plus est quand il naît sans mains.
Mercredi 30 novembre – Avec la participation de l'autrice Maïa Brami, des auteurs Hervé Giraud, Taï-Marc le Thanh et de l'auteur-illustrateur Geoffroy Monde.
L'engagement et la lutte comme désir de monde, comment le faire bouger pour s'émanciper…
Avec la participation de Cécile Ribault Caillol pour Kibookin.fr
Avec la séquence La Tête dans les images
Sara Lunderg, L'oiseau en moi vole où il veut, trad. du suédois Jean-Baptiste Coursaud, La Partie
Avec le soutien du Swedish Arts Council et de l'Institut suédois.