De Jeanne d'Arc,
L Histoire en a fait des statues équestres, avec pour hommage, une fois l'an, des gerbes de fleurs déposées par quelques reconstructeurs historiques à la conception naphtalinée.
Guillaume Lebrun,
lui, les déboulonne dans un roman punk-médiéval.
La Pucelle étant emprisonnée dans un mythe rendu plus puissant que la vérité, pourquoi ne pas troquer le traditionnel récit hagiographique pour une fiction marchant sur un fil entre histoire, humour et manifeste féministe avant de basculer dans une aventure d'héroic fantasy ?
Cependant, le centre de gravité de ce livre s'est quelque peu déporté sur la duchesse d'Anjou, Yolande d'
Aragon, femme puissante et habile trop souvent occultée, avec l'idée émise par des historiens que derrière l'Élue il y a un complot manigancé par la future belle-mère du roi Charles VII.
La narration est donc entre les mains de ce binôme de femmes corrosif dont le verbe est la grande réussite de ce bouquin. L'écriture s'encanaille avec des formules assassines, des carambolages extravagants, découlant de fioles mystérieuses empruntant à un langage médiéval revisité. La légèreté de ton permet à l'auteur de laisser libre cours à son imagination. Il ne cherche pas à flirter du mieux possible avec le vraisemblable même si les marqueurs historiques sont respectés histoire de ne pas être totalement étranger avec cette
Jeanne d'Arc queer qui s'affirme progressivement au fil du récit. Ils sont même bienvenus lorsque la grande bataille d'Orléans nous projette dans un enchevêtrement de visions hallucinées, l'auteur mobilisant une banque d'images qui convoque selon les références de chacun,
Chrétien de Troyes,
Tolkien,
Lovecraft, fantasy japonisante. L'imaginaire engagé de l'auteur fortement imprégné de pop culture déborde même dans le pastiche de l'Apocalypse. On a le sentiment de quitter la route avec laquelle on était familiarisé, déviés par le poids de séquences entières de culture populaire qui ne produisent pas d'autre effet que de vampiriser le récit. Au détriment de l'imagination créative qu semble avoir déserté le terrain.
Détournant les codes de l'épopée, ce roman est savoureux, l'auteur semble d'ailleurs l'avoir écrit avec gourmandise. La causticité et l'originalité du propos vous plonge dans une oeuvre unique... et un peu confuse sur sa fin, m'empêchant d'adhérer pleinement à ce bûcher.
Reçu dans le cadre de la Masse critique, cette découverte n'aurait pu toutefois se faire sans le compte rendu de lecture de Kirzy.