Née en Corée du Nord, une dictature depuis 1950,
Hyeonseo Lee, qui n'a pas toujours porté ce nom, quitte le pays par le fleuve Yalu un soir de 1997 et se rend en Chine, de l'autre côté de la rive. Faisant plus ou moins partie de privilégiés en n'ayant jamais vraiment connu la faim ou en ayant accès à des objets rares et souvent interdits provenant de Chine, elle ne mesure pas vraiment le risque qu'elle prend. Elle partira, pour ne jamais revenir. Elle raconte son histoire, avant et après avoir quitté le pays qui l'a vue naître...
On n'a pas sept noms dans sa vie pour s'amuser. Si
Hyeonseo Lee les a cumulés, c'est pour fuir la Corée du Nord, son pays natal, pour une vie meilleure, dans un monde où la liberté est ordinaire pour tout un chacun mais ne devrait pas être considérée avec légèreté.
Des tonnes de bouquins développent les aberrations de la dernière dictature militaire totalitaire communiste au monde et le quotidien de ses habitants endoctrinés sans généralement le savoir. Mais ce témoignage d'une transfuge nord-coréenne qui a passé 17 ans de sa vie à fuir ou aider les siens à fuir est vraiment complet et aborde de manière très factuelle tous les aspects de la vie en Corée du Nord, tous les enjeux souvent vitaux de la corruption et la réalité de la famine qui perdure. Tout y passe, des séances d'autocritique à la valeur de son songbun (la caste qui détermine rien de moins que le chemin que prendra sa vie), en passant par les coupures d'électricité et les exécutions publiques, les séjours en prison et les camps de concentration. Ce témoignage est marquant car très fourni, à la fois si personnel mais si commun à tous les ressortissants et autres transfuges.
Et puis la fuite, le mépris des pays limitrophes comme la Chine qui chasse les fuyards autant que la Corée du Nord, le parcours éreintant et extraordinaire de cette jeune fille, le dévouement pour sa famille au mépris de sa propre vie, avec un brin d'inconscience mais une montagne d'amour, la perte constante de repères pour survivre, les coups de chance et les nombreuses fois où ça a été vraiment à deux doigts de foirer.
Tout ça c'est du vécu, c'est vrai, et ça se ressent dans l'écriture, bien menée à l'aide de David John. Si vous voulez aborder le "problème" de la Corée du Nord et comprendre ce qui s'y passe, c'est LE livre à lire. Il y en a d'autres bien évidemment, mais celui-ci n'a rien de mélodramatique, se lit avec aise et surtout soulève de manière vive et qui se passe de commentaires absolument tous les aspects de la vie nord-coréenne, d'un fugitif, d'un transfuge, d'un rescapé, d'un migrant qui fuit la misère et la tyrannie. En ces temps sombres où l'Occident accueille (et encore...) toujours des millions de réfugiés qui ne pensent qu'à sauver leur peau d'un carnage sans nom, cela met le lecteur dans la peau d'un évadé légitime qui est traité comme de la merde par les autres pays et autres cultures au nom de sacro-saintes frontières et d'un protectionnisme à mille lieues du concept de solidarité.
J'ai personnellement été d'autant plus marquée par ce témoignage tout simplement parce que cette fille a cinq ans de plus que moi. Et tout en sachant qu'on ne peut bien sûr pas porter la misère du monde sur ses épaules ou s'excuser d'être né dans un pays démocratique, je n'ai pu m'empêcher de penser, grâce aux évènement chronologiques datés, que quand j'avais 12 ans et me plaignais de devoir porter des bagues, elle quittait sans vraiment réfléchir aux conséquences la Corée du Nord et devenait une ennemie publique de l'état parmi tant d'autres, commençant une vie de fugitive. Il fut aisé de mettre en parallèle nos deux vies grâce à ces dates, et cela permet clairement de remettre beaucoup d'idées en perspective, se disant sans cesse : "Et moi qui à cette date faisais XXX..."
Informatif, bien fait (sauf la traduction, qui mériterait de reprendre les concordances de temps), poignant, haletant. Voir en parallèle de sa lecture la vidéo de ses retrouvailles avec son bon samaritain australien n'a en outre pas de prix...
Lien :
http://livriotheque.free.fr/..